Les jihadistes somaliens étendent leur influence dans le nord du Kenya

À en croire Nairobi, la situation est sous contrôle dans l’extrême nord-est du Kenya, assurant que l’action des forces de sécurité a jusqu’à présent permis d’éloigner la menace incarnée par les Shebab, les milices jihadistes somaliennes liées à al-Qaïda.

Cependant, l’actualité de ces dernières semaines en donne un autre aperçu. Ainsi, le 12 janvier, dans le comté de Mandera, un bus a été attaqué par des jihadistes somaliens, lequels ont ensuite détruit un relais de télécommunications de l’entreprise Safaricom.

Le même jour, plus au sud, dans le comté voisin de Wajir, des hommes armés de fusils AK-47 et lance-roquettes ont arrêté un autre bus. Et selon les témoignages rapportés par le journal The Nation, après avoir été séparés des femmes, les hommes ont été interrogés pour savoir s’ils étaient du coin et s’il y avait des fonctionnaires parmi eux. Les assaillants ont ensuite volé de la nourriture et de l’argent avant de prendre la fuite, sans faire de victimes.

En décembre, toujours dans le comté de Wajir, les Shebab ont revendiqué l’enlèvement et la décapitation d’Omar Adan Buul, un chef de plusieurs villages afin de donner une « leçon » aux habitants. Et on ne compte plus les attaques par engins explosifs improvisés et les embuscades, que ce soit contre les forces de sécurité et les civils. Selon un bilan établi par le journal The Standard, au moins 100 membres des forces de l’ordres ont été tués dans de tels attentats depuis 2016.

En outre, en réponse à l’envoi des forces kenyanes en Somalie au sein de l’AMISOM, une force déployée dans le pays sous l’égide de l’Union africaine, les jihadistes somaliens ont commis plusieurs attentats d’envergure au Kenya au cours de ces dernières années, comme ceux ayant visé le centre commercial Westgate, à Nairobi [67 tués en 2013], l’Université de Garissa [152 tués, en 2015] ou encore le complexe hôtelier DusitD2 [21 tués à Nairobi, en janvier 2019].

L’an passé, les Shebab ont revendiqué l’attaque audacieuse contre le Camp Simba, une base militaire américaine située à Lamu, dans le sud-est du Kenya, près de la Somalie.

« Au-delà de la Somalie, enhardie par l’attaque de janvier contre une base militaire des États-Unis dans l’île de Manda au Kenya, la direction des Shebab a exhorté ses combattants à mener des attaques à l’étranger. Des incursions transfrontalières de faible envergure au Kenya et dans d’autres pays voisins se sont poursuivies au cours de la période considérée », relevait ainsi le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies du comité du suivi des sanctions prises à l’égard d’al-Qaïda et de l’État islamique [EI ou Daesh].

Et d’ajouter : « Une recrudescence d’enlèvements contre rançon et de tentatives d’enlèvement de spécialistes a été constatée, notamment de travailleurs sanitaires, de membres du personnel de sécurité, d’enseignants et d’administrateurs, les Shebab prévoyant de les déployer pour fournir des services dans les territoires qu’ils contrôlent. »

Quoi qu’il en soit, et alors que Nairobi et Mogadiscio ont récemment rompu leurs relations diplomatiques, la situation dans le nord-est du Kenya est devenue préoccupante à en croire son gouverneur, Ali Roba. Dans une tribune publiée la semaine passée par le quotidien The Standard, il a appelé les autorités à agir plus efficacement contre les Shebab, lesquels, selon lui, « deviennent de plus en plus audacieux et agressifs de jour en jour. »

« Un examen et une refonte radicaux de notre programme de sécurité en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme sont nécessaires, car de toute évidence, nous échouons lamentablement », a affirmé Ali Rosa décrivant une « grave crise sécuritaire » dans son comté ». Un crise qui s’est d’ailleurs « aggravée au cours des trois derniers mois », atteignant des « niveaux sans précédent. »

D’après le gouverneur, les Shebab contrôleraient 60% du comté de Mandera, en intimidant la population dont ils exigent le paiement de la zakat, l’impôt islamique. Et les routes sont également sous le contrôle des jihadistes qui « harcèlent les voyageurs et ciblent les fonctionnaires. » Et s’il n’y a pas de réponse vigoureuse, prévient Ali Rosa, alors « des centaines de milliers de jeunes n’auront pas accès à l’éducation car nous serons forcés de fermer des écoles ».

Dans ce contexte, les États-Unis ont terminé le retrait de leurs troupes déployés en Somalie pour combattre justement les Shebab. Pour autant, le Pentagone a assuré qu’il continuerait à avoir les jihadistes somaliens à l’oeil depuis ses bases au Kenya et à Djibouti.

Le 18 janvier, l’US AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique, a ainsi annoncé avoir procédé à une frappe aérienne contre un camp tenu par les Shebab dans les environs de Tiyeeglow, en Somalie. « Nous continuerons à soutenir nos partenaires et à perturber les efforts » des jihadistes, a-t-il assuré, soulignant que les milices Shebab restent une « franchise dangereuse d’al-Qaïda. »

En tout cas, cette organisation restent déterminée à frapper les intérêts américains, israéliens et… français. Le janvier 2021, pour marquer le premier anniversaire de l’attaque contre Camp Simba, son chef, Abu Ubaydah a exhorté ses combattants à agir en ce sens.

Photo : Forces armées kényanes – Illustration

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