Guyane : Le 9e Régiment d’Infanterie de Marine cible les sites aurifères illégaux les « plus rentables »

Pour le moment, on ignore le bilan définitif des actions conduites en 2020 par les Forces armées en Guyane [FAG] et la Gendarmerie dans le cadre de l’opération Harpie, qui vise à lutter contre l’orpaillage illégal. D’autant plus que l’épidémie de covid-19 a eu pour effet d’accentuer ce phénomène, la crise économique qui en est la conséquence ayant fait grimper le prix de l’or.

En octobre dernier, le Parc amazonien de Guyane fit ainsi état d’une hausse de 10% du nombre de sites clandestins par rapport à une précédente campagne d’observation, réalisée en janvier 2020, avec 145 chantiers alluvionnaires, 11 zones de puits, 135 campements et 4 villages d’orpailleurs recencés.

« Il y a des criques qui étaient jusqu’à présent préservées et qui sont devenues vraiment touchées de façon importante […] par l’activité illégale, avec une turbidité, une couleur de l’eau extrêmement forte, beaucoup de matière en suspension et puis des dégâts importants sur les abords des rivières, des criques… On est aujourd’hui autour de 50 euros le gramme [d’or]. Quand je suis arrivé ici en Guyane, il y a moins de deux ans on était à 30 euros le gramme donc l’activité est extrêmement attractive pour les garimperos », avait commenté Pascal Vardon, le directeur du Parc amazonien de Guyane, auprès de Guyane La 1ère.

Les dégâts évoqués par le responsable sont notamment causés par l’usage du mercure, que les orpailleurs clandestins venus généralement du Brésil voisin [les « Garimpeiros »] utilisent pour amalgamer l’or. La partie évaporée se reverse dans le sol ou dans l’eau, polluant ainsi l’environnement et empoisonnant les populations locales.

Pourtant, dans le même temps, les FAG et la Gendarmerie ont mené plusieurs opérations aux bilans assez éloquents. Comme celle conduite par le 9e Régiment d’Infanterie de Marine [RIMa] entre les 7 et 12 septembre, près de la crique Beiman et dans la région Lipo Lipo, au sud de Maripasoula. Plusieurs quads, des concasseurs, des dizaines de moteurs et de groupes électrogènes, de l’or, 6,1 m3 de carburant, 1,4 tonne de vivres, 1,4 tonne de vivres et 34 kg de mercure avaient été récupérés. « C’est ainsi un coup très dur porté à la logistique des garimperos qui, en cette période de saison sèche, cherchent à constituer des stocks en prévision de la conduite de leurs activités illicites », fit valoir, à l’époque, l’État-major des armées [EMA], évoquant des « résultats exceptionnels. »

Un peu plus d’un mois plus tard, dans le grand ouest guyanais, et en 24 heures, les FAG procédèrent à de nouvelles saisies importantes, dont 31 kg de mercure, ainsi qu’à la destruction de plusieurs sites alluvionnaires.

En deux opérations, les FAG ont donc mis la main sur autant de mercure qu’en 2019, année au cours de laquelle 5.254 carbets, 1.092 motopompes et 73 puits et galeries avaient été détruits. En outre, 132 armes, 191 pirogues et 2,5 kg d’or avaient été saisis.

Contre les garimpeiros, dont le nombre est évalué à 10.000 par les autorités locales, les FAG alternent donc les actions « coup de poing », appelées « Ocelot », et les opérations de plusieurs jours en jungle. Comme celle qui, nommée « Elanoide 3 », vient d’être menée pendant deux semaines par le 9e RIMa dans la région de Saint-Jean du petit Abounami, à 60 km à l’Est de Maripasoula.

L’objectif de cette opération était double : perturber la logistique des orpailleurs illégaux et neutraliser les sites aurifères présentant un très fort rendement.

« L’opération Elanoide 3 visait à réduire temporairement l’exploitation clandestine des puits et galeries rentables du Sud-Ouest de la Guyane, en neutralisant les sites et perturbant les flux logistiques de cette activité illégale. La zone de Saint-Jean du petit Abounami est connue comme une zone d’exploitation aurifère rentable et comptabilise plus de 500 travailleurs clandestins », explique en effet l’EMA, dans son dernier compte-rendu.

Dans un premier temps, les commandos de recherche et d’action en jungle [CRAJ] du 9e RIMA ont été déposés par aérocordage par des hélicoptères Puma de l’escadron de transport 68 Antilles Guyane afin qu’ils puissent s’infiltrer dans la zone visée, puis renseignement et aider à l’engagement des sections d’infanterie du régiment mobilisées pour cette opérations.

Ces dernières, également déployées par hélicoptères et appuyées par des équipes cynotechniques et des sapeurs, ont alors bouclé la zone en s’emparant ds points clés. Puis, elles ont « ratissé » le secteur, opérant saisies et destructions de matériels, en relation avec les gendarmes. « Cette première phase a permis de découvrir des caches de matériels ainsi que des plots logistiques divers mais également de préparer et identifier les puits et galeries à détruire », précise l’EMA. Aut total, 11 concasseurs, 86 moteurs et motopompes, 6,3m3 de carburant, 4 quads, 2 mobylettes, une centaine de gramme d’or et 11,7 kg de mercure ont été saisis.

Les sapeurs [du 2e Régiment Étranger de Génie?] ont ensuite détruit 2 barrages illégaux, 12 puits et 10 galeries découverts avec des « charges spéciales » héliportées sur les chantiers illégaux.

« La destruction de ce site illégal d’extraction aurifère et le ratissage simultané de tous les sites d’importance ont permis de chasser les orpailleurs illégaux de la zone et surtout, d’empêcher toute poursuite de cette activité illégale pendant nos deux semaines de déploiement », assure le chef du bureau opération et instruction du 9e RIMa. « Notre présence prolongée dans la zone d’action a également un impact sur la logistique adverse. Le dispositif déployé empêche les ravitaillements et notre action de fouille permet la destruction de nombreux plots de réserve cachés dans la forêt », ajoute-t-il.

Selon l’EMA, une opération d’une telle durée permettrait de dissuader les garimpeiros de se réinstaller dans la zone « traitée ». Reste à voir pendant combien de temps…

Quoi qu’il en soit, l’orpaillage illégal va faire l’objet d’une mission d’enquête parlementaire, lancée à l’initiative des députés du groupe GDR [communistes et élus ultramarins de gauche]. C’est un « problème depuis deux décennies en Guyane », justifie l’entourage du député Gabriel Serville, à l’origine de cette proposition, cité par l’AFP. « C’est un problème de santé publique, d’environnement, de pillage des ressources naturelles mais aussi d’insécurité. C’est un problème systémique qui se fait ressentir sur tous les pans de la société guyanaise », poursuit la même source.

« Depuis deux ans l’État ne communique plus les opérations Harpie aux parlementaires. Nous avons des doutes sur le bilan de ces opérations. Manifestement le système actuel ne fonctionne plus, puisque les orpailleurs arrivent à les déjouer. On estime qu’ils arrivent à extraire près de 10 tonnes d’or par an », assure encore l’entourage du député… Le premier point est douteux étant donné que l’EMA communique régulièrement sur l’opération Harpie…

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