ESM Saint-Cyr : Trois peines de prison avec sursis ont été prononcées pour la noyade du sous-lieutenant Hami

Dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012, lors d’une soirée dite de « transmission des valeurs et des traditions » ayant pour thème le Débarquement en Provence, les nouveaux élèves-officiers de l’École spéciale militaire [ESM] de Saint-Cyr Coëtquidan devaient traverser à la nage, avec leur équipement, l’étang de « Vieux Bazar Beach », large d’une quarantaine de mètres et de 2,70 mètres, au plus, de profondeur, avant de s’emparer d’une position « ennemie » symbolisée par des plastrons. Le tout au rythme de La Valkyrie de Richard Wagner et de tirs « à blanc ».

L’obscurité, la vase et la température de l’eau [9°c] firent que beaucoup se trouvèrent en difficulté. Et certains paniquèrent, s’accrochant à ce qu’ils pouvaient. Les élèves ayant organisé cette soirée durent alors intervenir pour les secourir avec des bouées. Seulement, à l’issue de cet exercice de « bahutage », il s’avéra que le sous-lieutenant Jallal Hami, agé de 24 ans, manquait à l’appel. Son corps sans vie fut retrouvé par la suite.

Pour rappel, alors réserviste au 2e Régiment de Hussards, le sous-lieutenant Hami avait été directement admis en 3e année de l’ESM Saint-Cyr après avoir obtenu un master « affaires internationales, spécialité sécurité internationale. »

Le parquet de Rennes ouvrit une enquête pour « homicide involontaire » et, lors de l’instruction, huit militaires furent mis en examen, dont le général Antoine Windeck, alors commandant des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan au moment des faits.

Finalement, le renvoi en correctionnelle pour sept d’entre-eux fut requis en février 2018, dont le directeur de la formation des élèves, le commandant du 2e bataillon et cinq élèves-officiers chargés de l’organisation de ce « bahutage », dont le « père système » et le « colonel des gardes ». Aucune poursuite ne fut engagée contre le général Windeck.

Dans son réquisitoire, le parquet avait estimé que cet « atelier » fatal au sous-lieutenant Hami fut organisé dans « de piètres dispositions de sécurité », aux « antipodes des prescriptions militaires », soulignant que « la nage commando [était] interdite de nuit » et qu’il n’était « pas possible d’ignorer le risque de noyade puisqu’il avait déjà été identifié lors d’une soirée similaire, l’année précédente. »

Le procès de ces sept hommes se tint à Rennes en novembre dernier. Durant les débats, seul le Père Système, aujourd’hui capitaine dans un régiment d’infanterie, reconnut sa responsabilité dans la mort de Jalal Hami. « Un homme est décédé car j’ai manqué de force morale », avait-il admis. « Je voudrais présenter mes condoléances en mon nom propre et au nom de la promotion de Castelnau », avait-il ajouré à l’adresse des parties civiles.

Quant à savoir si la hiérarchie était au courant du contenu de cette soirée de transmissions des traditions et des valeurs, le directeur de l’enseignement au moment des faits, désormais général, assura qu’il « n’imaginait pas qu’il s’agissait d’une nage commando », pensant qu’il était question d’une « reconstitution », d’une « mise en scène ». Et d’ajouter : « Je ne comprends pas pourquoi les élèves se sont mis en tête de conduire conduire cette séance de nage commando. » Pourtant, les élèves interrogés lors du procès avaient dit le contraire. « Tout le monde savait ce qui se passait ces soirs-là. »

Quoi qu’il en soit, à l’issue des audiences, le procureur, Philippe Astruc, requit des peines allant de trois à six mois de prison avec sursis pour les cinq anciens élèves officiers et la relaxe pour le directeur de l’enseignement, estimant qu’il n’avait « pas commis une faute caractérisée de nature à engager sa responsabilité pénale. » En revanche, il avait demandé la peine la plus élevée – deux ans de prison avec sursis – pour l’ex-commandant du 2e Bataillon.

Dans son exposé, le procureur avait souligné que « la transmission des traditions sans un contrôle effectif devait tôt ou tard entraîner la mort d’un élève. »

Ce 14 janvier, le tribunal a rendu son verdict. Ainsi, trois des accusés ont été condamnés à de la prison avec sursis, dont le « père système » [six mois], le commandant du 2e bataillon [six mois également] et le « colonel des gardes » [huit mois]. Les quatre autres ont été relaxés. À noter qu’aucune mention des peines infligées ne sera inscrite au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

Cette décision a été mal accueillie par la famille du sous-lieutenant Hami. « C’est scandaleux. […] Je suis déçu par la justice et par le symbole que ce jugement renvoie: Jallal a été trahi par ses camarades, et aujourd’hui, j’ai l’impression que les juges l’ont aussi trahi. J’attends du procureur qu’il fasse appel », a réagi son frère, Rachid, auprès du quotidien Le Figaro.

Pour son avocat, Me Jean-Guillaume Le Mintier, la dispense d’inscription au casier judiciaire dont bénéficie les trois condamnés est « juridiquement et symboliquement inaudible et incompréhensible. » Seul trouve grâce à ses yeux le « père système ». « À la barre, il s’est montré à la fois très digne et très ému. On ne peut que s’incliner devant la droiture de cet homme. Elle se distingue de l’attitude des autres prévenus, qui se sont réfugiés derrière les fautes de la hiérarchie ou une défaillance systémique », a-t-il dit.

Photo : SLT Jallal Hami – DR

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