L’efficacité énergétique sera systématiquement prise en compte dans les programmes d’armement

Exit le Service des essences des armées [SEA]… Et bienvenue au Service de l’énergie opérationnelle [SEO]! Ce changement d’appellation illustre la nouvelle approche du ministère des Armées en matière de politique énergétique [.pdf], laquelle passe par une réduction de sa dépendance aux énergies fossiles en misant sur la « sobriété énergétique » ainsi que sur un recours accru aux « ouvelles technologies de l’énergie et aux carburants de rupture. »

Annoncé par Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une visite au Centre de soutien logistique du service des essences des armées [CSLSEA] de Montereau, le 25 septembre, ce tournant ne vise surtout à faire de la transition énergétique un atout pour les opérations menées par les forces françaises. « Il ne s’agit pas de surfer sur la ‘vague verte' », a-t-elle en effet affirmé.

Au moins trois facteurs plaident en faveur de cette approche. Le premier est qu’il s’agit de sécuriser les approvisionnements en ressources énergétiques, lesquelles font « l’objet d’une compétition internationale accrue », sur fond de « tensions géoéconomiques et géopolitiques qui ébranlent le marché pétrolier mondial », explique le ministère des Armées.

D’où, par conséquent, la nécessité « d’explorer toutes les nouvelles technologies de l’énergie [stockage, énergies renouvelables] et les carburants de nouvelle génération [biocarburants, hydrogène], afin de sortir de la dépendance au pétrole en matière de mobilité, au niveau tactique comme au niveau stratégique », poursuit-il.

Un deuxième élément à considérer est budgétaire : réduire la consommation des énergies fossiles devrait théoriquement faire baisser la facture des armées dans ce domaine. Ainsi, en 2019, ces dernières ont consommé 835.000 m³ de produits pétroliers, pour un coût de 667 millions d’euros.

Enfin, le dernier facteur est d’ordre opérationnel, avec une empreinte logistique moindre et des véhicules plus discrets. Pour cela, indique la stratégie énergétique du ministère des Armées, il sera désormais question d’inclure systématiquement dans les programmes d’armement des « exigences d’écoconception et d’efficacité énergétique. » Ainsi, « l’ensemble de leur cycle de vie sera analysé à l’aune de leur impact environnemental et de leur consommation énergétique », précise-t-elle.

« Le ministère va recourir plus largement aux nouvelles technologies de l’énergie [gestion optimisée, hybridation, énergies renouvelables] et aux carburants de nouvelle génération [biocarburants, hydrogène] tant pour la mobilité que pour le stationnement. Cela permettra une meilleure performance opérationnelle, ainsi qu’une résilience énergétique accrue », lit-on dans le document.

Pour les blindés de l’armée de Terre, par exemple, il s’agira de les doter d’une motorisation hybride, ce qui permettra « d’accroître la performance et la furtivité », estime le ministère des Armées. D’autres, avant lui, ont lancé des initiatives similaires, comme son homologue britannique.

« L’intérêt et la faisabilité du couple moteur diesel/moteur électrique ont été démontrés, avec des gains de carburant [allant jusqu’à 10-15%] et des gains opérationnels [boost de performance, furtivité, résilience…] », fait-il valoir.

Aussi, dés 2022, un « démonstrateur d’hybridation de blindés » sera mis au point en 2020, afin de « founir les critères de choix pour la motorisation des Griffon et VBCIqui seront livrés à horizon 2028-2030 », précise le document du ministère des Armées. À noter qu’Arquus s’est déjà engagé dans cette voie avec son VAB Electer qui, présenté en août 2017, a parcouru 5.000 km [dont 800 km sur sable] sans aucune panne durant une campagne d’essais de 18 mois.

S’agissant du secteur aérien, qui représente 50% de besoins énergitiques du ministère des Armées, le recours aux biocarburants est, pour le moment, la meilleure option disponible. L’objectif est de porter, à l’horizon 2030, à 5% la consommation de biocarburants. Puis à 50% d’ici 2050, afin d’atteindre « la neutralité carbone ».

« L’objectif est d’intégrer progressivement ces molécules dans les carburants fossiles utilisés par les vecteurs aériens militaires français qui ont reçu l’agrément pour l’emploi de ces biocarburants », explique le ministère des Armées.

En outre, afin de réduire la consommation de carburants, le recours à la simulation, avec un « niveau de réalisme garanti », pour l’entraînement du personnel navigant sera accru. Les carnets de vol seront donc moins étoffés que par le passé…

Enfin, pour le domaine maritime, et hormis ceux à propulsion nucléaire [porte-avions et sous-marins], les navires de la Marine nationale utilisent exclusivement du carburant diesel marine
[F-76 et DMA, ndlr]. Aussi, indique le ministère, « le rendement
énergétique des futurs navires fera également l’objet d’améliorations dès la conception [hydrodynamisme, consommation électrique ajustée, capacités de production mieux
rentabilisées et réseau de distribution optimisé], sans perdre de vue la nécessaire redondance des équipements et la réserve de puissance indispensable. »

Si la taille et les missions de ces prochains navires seront prises en compte, l’idée est de privilégier les « architectures tout électrique » quand cela sera possible. En attendant, le programme des futurs Patrouilleurs outre-Mer [POM] « inclut la composante efficience énergétique ». De même que celui relatif aux Patrouilleur océanique [PO], pour lequel un groupe de travail sera mis en place pour aborder la question. Ses « conclusions entreront dans les critères de choix sur l’architecture » de ces navires.

Photo : VAB Electer © ARQUUS

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