Un sénateur américain propose de racheter à la Turquie les systèmes russes de défense aérienne S-400

Après avoir sélectionné le système de défense aérienne Hongqi-9/FD 2000 du groupe chinois CPMIEC [China Precision Machinery Export-Import Corporation] à l’issue d’un appel d’offres lancé dans le cadre de son programme T- LORAMID [Long-Range Air and Missile Defense System], la Turquie fit machine arrière. Non pas à cause des réserves exprimées par l’Otan, dont elle est membre, mais pour des raisons industrielles et contractuelles. Et, finalement, elle jeta son dévolu sur le S-400 « Triumph » que lui proposait la Russie, alors qu’elle aurait pu choisir le Patriot PAC-3 américain ou le SAMP/T du consortium franco-italien Eurosam.

Évidemment, au niveau de l’Otan, un tel choix ne pouvait que susciter de nouvelles réserves, étant entendu que le S-400 russe ne pouvait pas être interopérable avec les autres systèmes mis en oeuvre par les Alliés. Cherchant à ménager la Turquie, dont la position géographique la rend incontournable, le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, se garda de toute critique.

S’agissant de l’achat de S-400 par la Turquie, « c’est une décision nationale turque. De nombreux Alliés ont exprimé leurs préoccupations quant aux conséquences de cette décision. Moi aussi. Ce que je peux dire, c’est qu’un système de défense aérienne russe ne sera jamais intégré à l’Otan, qu’il ne fera jamais partie du système intégré de défense aérienne et antimissile. Il s’agira donc d’un système autonome, non intégré à l’Otan », affirma encore M. Stoltenberg, en décembre 2019.

Seulement, pour les États-Unis, et notamment pour les élus du Congrès, une telle position était loin d’être satisfaisante, dans la mesure où le S-400 ne pouvait pas cohabiter avec l’avion de combat dit de 5e génération F-35, commandé à 100 exemplaires par la Turquie. La raison? Le système russe serait susceptible de compromettre les liaisons de données tactiques de cet appareil [alors que c’est précisément l’un de ses atouts] tout en permettant à la Russie d’en savoir davantage sur ses caractéristiques liées à la furtivité

Sous la pression du Congrès, l’administration Trump suspendit les livraisons de F-35A aux forces aériennes turques… puis ejecta la Turquie de ce programme, dont elle était alors un partenaire de troisième niveau. Pour autant, elle n’alla pas jusqu’à prendre des sanctions contre Ankara, comme l’y invitait pourtant la loi dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act], qui prévoit des mesures contre les entités passant des contrats avec l’industrie russe de l’armement.

Depuis, et malgré des désaccords profonds au sujet de la Syrie et de la Libye, la Turquie et la Russie ont cherché à approfondir leur coopération industrielle dans le domaine de l’armement, allant jusqu’à évoquer un achat de chasseurs multi-rôles Su-35 ou encore une participation russe au TF-X, le programme turc d’avion de combat de 5e génération.

Alors que le Congrès examine du prochain budget du Pentagone, le sénateur républicain Jim Risch a présenté un amendement visant à obliger l’administration Trump à prendre des sanctions contre la Turquie au titre de la loi CAATSA dans les 30 jours suivant la promulgation du National Defense Authorization Act [NDAA], qui, outre le montant des dépenses militaires américaines, prévoit diverses dispositions législatives.

Dans le même temps, un autre sénateur républicain, a proposé un autre amendement susceptible d’offrir à Ankara et à Washington une porte de sortie. En effet, selon Defense News, le parlementaire voudrait modifier la loi pour permettre au Pentagone de racheter à la Turquie les systèmes S-400 que cette dernière a acquis auprès de la Russie pour 2,5 milliards de dollars [somme qui comprend aussi des transferts de technologie au profit de l’industrie turque].

Pour un ancien responsable du Pentagone, Jim Townsend, cité par Defense News, cela permettrait aux forces américaines de mettre la main sur le système russe afin de l’étudier et de le confronter à ses tactiques. « Je pense qu’un rachat des S-400 à la Turquie par les États-Unis serait un moyen intelligent de sortir [le président turc] Erdogan du bourbier dans lequel il s’est mis », a-t-il estimé.

Cela étant, rien ne dit que ces deux amendements seront finalement acceptés durant le processus parlementaire en cours. En outre, il n’est pas certain que la Turquie soit prête à accepter une telle solution, qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences diplomatiques avec la Russie.

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