Certains de ses membres étant liés à l’extrême-droite, les forces spéciales allemandes vont être réorganisées

Au début du mois, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a présenté un projet de loi devant le Bundestag [chambre basse du Parlement] afin de faciliter l’exclusion de soldats ayant des liens avec des milieux extrémistes.

Jusqu’alors, les soldats ayant plus de quatre ans de service ne peuvent être renvoyés à la vie civile que dans le cadre d’une procédure disciplinaire dirigée par un tribunal. Ce qui peut prendre beaucoup de temps pour qu’une décision d’exclusion soit prononcée.

Le projet de loi défendu par Mme Kramp-Karrenbauer permettrait donc d’exclure rapidement des soldats ayant moins huit ans de service et dont la présence serait susceptible de porter atteinte à la discipline ou à la réputation de la Bundeswehr en raison de leur proximité avec des idées extrémistes.

Ce texte a été présenté au Bundestag alors qu’un membre d’une unité des forces spéciales allemandes, en l’occurrence du Kommando Spezialkräfte [KSK], basé à Calw [Bade-Wurtemberg], venait d’être interpellé pour avoir stocké des armes et des munitions à son domicile. Or, ce sous-officier était dans le collimateur du MAD [Militärischen Abschirmdienstes, la DRSD allemande] pour ses sympathies à l’égard de l’extrême-droite et du « mouvement des citoyens du Reich » en particulier.

Le souci est que ce cas n’était pas isolé au sein du KSK, au point que le MAD s’est particulièrement intéressé à cette unité au cours de ces derniers mois. Et un lieutenant-colonel a été suspendu de ses fonctions en raison de liens présumés avec les « citoyens du Reich », de même que quatre autres militaires. Au total, selon la presse d’outre-Rhin, une vingtaine de commandos seraient dans le collimateur, sur la totalité de l’effectif [un millier].

« Oui, il y a des indications qu’il y a plus d’extrémistes dans la KSK que dans d’autres troupes. S’il s’avère que dans le cas le plus récent, un commando avec des objets nazis et des armes cachées dans son jardin avait des complices, cela porterait un énorme préjudice à la réputation du KSK. Cependant, il n’y a aucune raison de soupçonner de manière générale tous les soldats de cette unité », a toutefois estimé un éditorialiste du quotidien Frankfurter Allgemeine.

Reste que, selon une enquête d’une autre quotidien, Die Welt, a cité un officier ayant déploré « l’existence de comportements qu’on pourrait qualifier d’extrême droite au sein de cette troupe d’élite. » D’où les mesures annoncées ce 30 juin par la ministre allemande de la Défense.

Cela étant, dès sa création, en 1996, le KSK s’est posé la question de ses traditions. Et peut-être ses problèmes actuels viennent en partie de là… L’un de ses anciens responsables avait proposé une filiation avec la Division Brandenburg, qui, durant la Seconde Guerre Mondiale, fut une unité des forces spéciales de l’Abwehr, le renseignement militaire allemand.

Mais si elle laissa ses missions à la Waffen SS en 1944, l’idée de reprendre ses traditions causa un malaise, doublé d’une polémique. Finalement, il fut décidé que le KSK se verrait confier les traditions de la « Luftlandebrigade 25 Schwarzwald », la Brigade aéroportée 25, dissoute en 1996.

Quoi qu’il en soit, a prévenu Mme Kramp-Karrenbauer, « chaque soldat du KSK doit décider s’il veut faire partie de la solution ou du problème. Sans un nouveau départ, le KSK n’aura pas d’avenir dans la Bundeswehr. »

Parmi les mesures à effet immédiat, il a été décidé de dissoudre le 2e commando [sur les 4  que compte la force opérationnelle du KSK]. Ses membres seront passés au crible afin de vérifier leur orientation politique avant d’être affecté dans une autre compagnie. « Plusieurs soldats, contre lesquels une procédure disciplinaire officielle est déjà en cours, seront d’abord transférés dans d’autres unités. Et en fonction de l’issue de leur procédure, ils seront ensuite exclus de la Bundeswehr », précise l’hebdomadaire Der Spiegel.

Il est aussi question de plus permettre aux militaires d’accomplir la majeure partie de leur carrière au sein du KSK. Des changements au niveau de la sélection et de la formation des commandos sont annoncés. Le KSK a « pris partiellement son autonomie » par rapport au reste de la Bundeswehr, « en raison notamment d’une culture toxique de certaines personnes à leur tête, a justifié la ministre.

En outre, il est apparu que 48.000 munitions et 62 kilos d’explosifs ont disparu de l’armurerie du KSK… Ce qui est « troublant » et « alarmant », a estimé Mme Kramp-Karrenbauer. Une enquête a été ouverte pour déterminer s’il s’agit d’une erreur dans les inventaires ou si du matériel a été volé « à grande échelle ».

L’objectif de ces mesures est donc de permettre au KSK de « prendre un nouveau départ ». Et tant que cet objectif ne sera pas atteint, cette unité d’élite, créée sur le modèle des SAS britanniques, ne participera pas aux exercices et aux missions internationales. Une évaluation sera réalisée en octobre. Si les commandos « n’ont pas entendu ce premier coup de feu préventif, la question d’une réorganisation plus large du KSK se posera inévitablement », a prévenu la ministre.

Photo : Tim Rademacher – Travail personnel – CC BY-SA 4.0

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