M. Macron dénonce la duplicité de la Turquie et annonce un partenariat stratégique avec la Grèce

Le 19 janvier, une conférence internationale réunissant les principaux pays impliqués dans le conflit libyen, qui oppose le gouvernement d’union nationale [GNA] conduit par Fayez el-Sarraj, et celui de Tobrouk, dont relève l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Haftar, ont appelé « toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade et un cessez-le-feu permanent » et pris l’engagement de « refréner toute activité exacerbant le conflit, y compris le financement de capacités armées et le recrutement de mercenaires. »

Pour rappel, la Turquie et le Qatar soutiennent politiquement et militairement le GNA tandis que les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Russie [même si elle s’en défend] apportent un appui à l’ANL du maréchal Haftar.

En outre, début janvier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a obtenu l’autorisation de son Parlement pour envoyer des troupes en Libye, l’enjeu étant le maintien du GNA, avec lequel la Turquie a signé un protocole d’accord sur les frontières maritimes lui permettant d’étendre significativement son plateau continental et de soutenir ses revendications concernant l’exploitation du gaz naturel en Méditerrannée orientale, aux dépens de la République de Chypre. D’où l’envoi, à Tripoli, de « mercenaires » syriens stipendiés par Ankara.

Cela étant, et comme on pouvait s’y attendre, la validité des belles paroles aura tenu aussi longtemps qu’il a fallu à l’encre du communiqué final de la conférence de Berlin pour sécher. En effet, à peine une semaine plus tard, la Mission des Nations unies en Libye [MANUL] a dit « regretter profondément les violations flagrantes et persistantes de l’embargo sur les armes malgré les engagements des pays concernés. » Et d’expliquer que des « vols de fret et autres » étaient récemment arrivés dans l’est et l’ouest de la Libye pour livrer des « armes avancées, des véhicules blindés, des conseillers et des combattants. »

Quant à la promesse d’un cessez-le-feu, les belligérants en ont fait des confettis le 26 janvier, les combats étant repartis de plus belle ce jour-là, avec une offensive des troupes du maréchal Haftar en direction de Misrata, fief des milices pro-GNA. A priori, l’ANL tente de contraindre ces dernières à défendre cette ville et à dégarnir ainsi le front de Tripoli, qui est son objectif principal.

Le même jour, à l’occasion d’un déplacement à Alger, le président Erdogan a répété qu’il n’y a « pas de solution militaire en Libye. » Et d’insister : « Nous sommes en pourparlers intenses avec les pays de la région et avec les acteurs internationaux pour garantir le cessez-le-feu et permettre le retour du dialogue politique en Libye. »

Cependant, la sincérité de M. Erdogan a été remise en question par le président Macron, ce 29 janvier. Les relations entre les deux hommes étaient déjà tendues, notamment à cause de l’offensive turque contre les milices kurdes syriennes [YPG] et les visées d’Ankara en Méditerranée orientale. Et elles risquent donc de l’être davantage.

« Nous voyons ces derniers jours des navires turcs accompagner des mercenaires syriens arrivant sur le sol libyen, c’est en contravention explicite et gravissime avec ce que le président Erdogan s’était engagé à faire lors de la conférence de Berlin, c’est le non-respect de la parole donnée », a ainsi déclaré M. Macron, lors d’une déclaration faite aux côtés de Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre grec, qu’il venait de recevoir à l’Élysée.

« C’est attentatoire à la sécurité de tous les Européens et des Sahéliens », a encore insisté le président Macron.

Par ailleurs, ce dernier a réaffirmé que la France soutient la Grèce et à la République de Chypre « quant au respect de leur souveraineté dans leurs espaces maritime en condamnant […] les intrusions et les provocations » de la Turquie. Sur ce point, M. Macron a annoncé la mise en place, d’ici juin prochain, d’un « partenariat stratégique de sécurité » entre Paris et Athènes, lequel se traduira par une « présence navale accrue » de la Marine nationale dans la région, une « coopération industrielle renforcée et des opérations communes, maritimes comme terrestres. »

Ce partenariat, ouvert éventuellement à d’autres et « tourné contre personne », doit permettre d’assurer pleinement la sécurité d’une région stratégique pour l’Europe et au-delà », a expliqué M. Macron.

Photo : La frégate grecque Spetsai accompagnant le porte-avions Charles de Gaulle (c) Marine nationale

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