La Corée du Nord met fin à son moratoire sur les essais nucléaires

Étant donné le peu de progrès des négocations avec Washington, le chef du régime nord-coréen, Kim Jong-un, avait promis d’envoyer un « cadeau de Noël » au président américain, Donald Trump. Et, au regard des précédentes annonces faites par Pyongyang au sujet de « tests cruciaux » réalisés à Sohae, un site de lancement de satellites, un tir d’un missile intercontinental était attendu. Voire un nouvel essai nucléaire.

Pour s’y préparer, les forces américaines avaient d’ailleurs déployé quatre avions de renseignement dans la région, dont un drone HALE [Haute Altitude Longue Endurance] RQ-4 Global Hawk, un E-8C JSTARS [Joint Surveillance Target Attack Radar System], un RC-135S « Cobra Ball » et un RC-135W Rivet Joint. Finalement, rien ne s’est passé durant la semaine du 24 au 31 décembre.

Le cadeau de Noël en question est, apparemment, l’annonce de la fin du moratoire sur les essais nucléaires que Kim Jong-un avait annoncé en avril 2018. Cette décision avait permis un rapprochement avec la Corée du Sud lors du sommet de Panmunjom, organisé quelques jours plus tard. À cette occasion, Séoul et Pyongyang avaient confirmé l’objectif commun d’arriver à la dénucléarisation totale de la péninsule coréenne.

Puis, en juin 2018, Kim Jong-un eut un tête-à-tête avec un président américain, ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait réussi à obtenir… Et M. Trump fit une autre concession en annulant les exercices militaires conjoints entre les forces sud-coréennes et américaines.

Pour autant, les négociations entre Pyongyang et Washington marquèrent pas, malgré le ton conciliant de M. Trump. Pour les Nord-Coréens, l’objectif était d’obtenir une levée des sanctions internationales frappant leur économie [sanctions qu’ils arrivent par ailleurs à contourner…] préalablement à une « dénucléarisation » de la péninsule. Or, la diplomatie américaine fait de cette « dénucléarisation » un préalable à la levée de ces mêmes sanctions, estimant que les gages données jusqu’alors par la Corée du Nord restent insuffisants.

D’ailleurs, les rapports du groupe d’experts des Nations unies chargé de suivre l’application des sanctions visant la Corée du Nord, de même que ceux de l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA] et du renseignement américain disent tous la même chose : Pyongyang a continué de mener des activités nucléaires et balistiques malgré le moratoire annoncé en 2018.

« Nos évaluations continuent de montrer qu’il est peu probable que la Corée du Nord abandonne toutes ses armes nucléaires, ses missiles et ses capacités de production », avait résumé le directeur national du renseignement américain, dans une note publiée en janvier 2019.

La Corée du Nord a « continué de renforcer ses programmes d’armement nucléaire et de missiles, même si elle n’a procédé à aucun essai nucléaire ni tir de missile balistique intercontinental tout en déjouant les sanctions internationales », a une nouvelle fois affirmé le groupe d’experts de l’ONU, dans son dernier rapport.

En outre, et outre les activités suspectes décelées sur des sites nucléaires, le régime nord-coréen n’a nullement caché son intention de se doter d’un sous-marin pouvant emporter des missiles balistiques mer-sol.

Et il a même largement communiqué là-dessus en juillet dernier, en diffusant des photographies montrant Kim Jong-un inspecter un sous-marin de la classe Romeo profondément modifié pour lui permettre d’embarquer au moins un missile balistique de type Pukkuksong-1 [ou KN-11], un engin qui aurait fait l’objet d’un nouveau tir en octobre.

Qui plus est, les forces nord-coréennes ont effectué plusieurs essais de nouvelles armes, comme le missile KN-23, qui ressemble étrangement à l’Iskander russe [il en possède les mêmes capacités].

Quoi qu’il en soit, pour Kim Jong-un, la Corée du Nord n’a « aucune raison de continuer à être liée unilatéralement » à l’engagement pris sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. « Les États-Unis formulent des exigences contraires aux intérêts fondamentaux de notre État et adoptent un comportement de voyou », a-t-il accusé, dans un message diffué le 1er janvier, à l’issue d’une de la session plénière du comité central du Parti du travail

« Le monde va découvrir dans un proche avenir une nouvelle arme stratégique que détient la Corée du Nord », a affirmé le maître de Pyongyang », a poursuivi Kim Jong-un. Et de promettre, en faisant allusion aux sanctions, une action « sidérante pour faire payer [aux États-Unis] le prix de la douleur subie par notre peuple. »

Pour autant, cette annonce a suscité une réaction très modérée chez M. Trump. « Nous avons bien signé un contrat qui parle de dénucléarisation. C’était la phrase numéro un, cela a été fait à Singapour. Je pense que c’est un homme de parole », a-t-il dit.

Même ton pour Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine. « Nous voulons la paix, pas l’affrontement », a-t-il dit, sur la chaîne CBS. « Si le président Kim a renié ses engagements pris auprès du président Trump, c’est profondément décevant. […] J’espère qu’il ne suivra pas ce chemin », a-t-il ajouté.

En attendant, la politique menée par M. Trump à l’égard de la Corée du Nord est loin de plaire à tout le monde à Washington. Surtout à John Bolton, son ancien conseiller à la sécurité nationale, qui a rendu son tablier en septembre justement en partie à cause d’un désaccord profond sur ce dossier.

« Cela fait maintenant près de trois ans que cette administration est en place, et il n’y a aucun progrès tangible pour que la Corée du Nord prenne la décision stratégique de ne pas développer des armes nucléaires », a estimé M. Bolton, dans un entretien donné au site d’information Axios, le 23 décembre. « Le temps joue en faveur du proliférateur », a-t-il averti.

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