Pour la troisième fois en 20 ans, Séoul et Pyongyang amorcent un rapprochement « historique »

Alors qu’une conflit impliquant la Corée du Nord et les États-Unis était la crainte numéro un de beaucoup d’observateurs, tout le monde s’est félicité et a salué l’engagement pris conjointement par Séoul et Pyongyang d’oeuvrer en faveur d’une dénucléarisation de la péninsule coréenne, lors d’un sommet « historique » ayant réuni le nord-coréen Kim Jong-Un et le sud-coréen Moon Jae-in.

Ce sommet, organisé dans le village de Panmunjom, située dans la Zone démilitarisée séparant les Nord et le Sud, fait suite à l’annonce de la suspension des activités de la Corée du Nord dans le domaine nucléaire et celui des missiles balistiques intercontinentaux.

« Le travail pour installer des ogives nucléaires sur des missiles balistiques est terminé », avait alors expliqué, la semaine passée, Kim Jong-Un. Mais il n’était nullement de « dénucléarisation » étant donné que la possession de l’arme nucléaire est l’assurance-vie du régime de Pyongyang. Aussi, le dirigeant nord-coréen a pu arriver au sommet de Panmunjom avec un canon chargé, ce qui n’était pas le cas de son père avant lui.

La déclaration signée par MM. Kim Jong-Un et Moon Jae-in indique que la « Corée du Sud et la Corée du Nord confirment l’objectif commun d’obtenir, au moyen d’une dénucléarisation totale, une péninsule coréenne non nucléaire » et qu’elles « partagent le point de vue selon lequel les mesures initiées par la Corée du Nord sont très significatives et cruciales pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne. » En outre, elles « conviennent de mener à bien le désarmement par étapes, à mesure que les tensions militaires s’apaisent et que des progrès substantiels sont réalisés pour établir la confiance militaire. »

Le texte parle également de « poursuive le programme de réunion des familles séparées à l’occasion du Jour de la libération nationale le 15 août cette année » et de participer « conjointement à des événements sportifs internationaux comme les jeux asiatiques 2018 ». Et de décréter qu’une « nouvelle ère de paix a commencé ».

 

Comme un air de déjà-vu

Cela étant, certains de ces objectifs avaient déjà été avancés le 15 juin 2000, lors d’un sommet qualifié également « d’historique » entre Kim Jong-il, le père de Kim Jong-Un, et Kim Dae-jung, alors président de la Corée du Sud et promoteur de la « politique du rayon de soleil », laquelle lui vaudra le Prix Nobel de la Paix.

La suite est connue : en décembre 2002, la Corée du Nord expulsa les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), avant de se retirer, quelques semaines plus tard, du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Et, malgré des cycles de négociation à Six (avec la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis, la Russie et la Chine), Pyongyang effectua son premier essai nucléaire en 2006.

On dit que chat échaudé craint l’eau froide… Pas à Séoul visiblement puisqu’en octobre 2007, à l’issue d’un nouveau sommet « historique » entre Kim Jong-il et le président sud-coréen Roh Moo-hyun, les objectifs de la déclaration du 15 juin 2000 furent réaffirmés. Et Séoul et Pyongyang prirent l’engagement « de ne pas se montrer hostiles l’un à l’autre, de relâcher la tension militaire et de résoudre les problèmes litigieux à travers le dialogue et des négociations » tout en décidant de « s’opposer à toute guerre dans la péninsule coréenne et de respecter fermement leur obligation de non-agression. »

Moins de deux ans plus tard, la Corée du Nord procédait à son second essai nucléaire. Et, en 2010, une corvette sud-coréenne fut coulée (vraisemblablement par une torpille nord-coréenne) et l’île de Yeonpyeong fut bombardée par l’artillerie nordiste.

Aussi, les annonces du sommet de Panmunjom sont à prendre avec prudence au regard de celles faites par le passé. Sans doute que les sanctions économiques prises contre Pyongyang par le Conseil de sécurité des Nations unies pour ses derniers essais nucléaires et autres tirs de missiles balistiques intercontinentaux expliquent l’attitude de Kim Jong-Un, qui chercherait ainsi à les amender.

D’autant plus que lors de la dernière réunion plénière du comité central du Parti du travail [le parti unique nord-coréen], le leader nord-coréen a expliqué que la Corée du Nord doit dorénavant « se concentrer sur le développement de l’économie socialiste » maintenant que le « caractère opérationnel des armes nucléaires a été vérifié. »

En outre, le processus de dénucléarisation ne concerne que la Corée du Nord. Et il supposera qu’il y ait des inspections pour s’assurer qu’il est en bonne voie. Le retour dans le Traité de non-prolifération nucléaire et la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) seraient autant de signes de la bonne volonté de Pyongyang. Peut-être qu’il en sera question lors du sommet, très attendu, entre le président américain, Donald Trump, et Kim Jong-Un.

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