L’armée allemande va accepter des rabbins au sein de son aumônerie militaire

« Joseph Jacobs [41 victoires], issu d’une grande famille juive allemande, s’est imposé pendant la Grande Guerre comme le recordman des victoires sur Fokker triplan DR1, le même type d’appareil performant que celui du célèbre Baron rouge, d’un pilotage néanmoins très exigeant; le sien était noir et décoré d’un démon ailé crachant le feu », rappelle Pierre Razoux dans son livre intitulé « Le siècle des As (1915-1988)« .

On ignore si Joseph Jacobs était croyant ou pratiquant [ou ni l’un ni l’autre]. Cependant, son cas était assez rare dans les armées du Kaiser Guillaume II, les soldats d’origine juive étant victimes d’un fort courant antisémite, nourri par les préjugés de l’époque et conforté par le « Judenzählung » [« comptage des Juifs »], effectué par l’état-major allemand à partir de 1916.

Ainsi, les Juifs allemands étaient accusés de chercher à éviter de partir au front. Or, des études menées ultérieureurement montrèrent que les Juifs allemands avaient rempli leurs obligations militaires dans les mêmes proportions que les non-juifs. La preuve avec Joseph Jacobs.

D’ailleurs, des rabbins servaient en tant qu’aumôniers au sein de l’armée allemande. Mais cette dernière ayant été réduite à sa plus simple expression après le Traité de Versailles, plus aucun ne put porter l’uniforme.

D’autant plus que, par la suite, les discriminations, les vexations et les persécutions à l’égard des Juifs allemands atteignirent leur paroxysme sous le régime nazi, avec les atrocités que l’on sait.

Près de 75 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne n’en a visiblement pas fini avec l’antisémitisme, comme l’a malheureusement montré la tentative d’attentat contre la synagogue de Halle.

Selon le ministère allemand de l’Intérieur, les actes actes criminels à caractère antisémite ont augmenté de quelque 20 % dans le pays en 2018. Je ne peux pas conseiller aux juifs de porter la kippa partout tout le temps en Allemagne », a même déclaré Felix Klein, un commissaire du gouvernement pour la lutte contre l’antisémitisme.

Par ailleurs, plusieurs affaires concernant la Bundeswehr ont récemment défrayé la chronique. Ainsi, il avait découvert des reliques nazies et des objets rappelant la Wehrmacht dans certaines casernes. En outre, en 2017, le Militärische Abschirmdienst [MAD], le contre-espionnage militaire, avait indiqué qu’il tenait à l’oeil 275 soldats pour leurs sympathies pour des organisations d’extrême-droite.

Or, c’est donc dans ce contexte que la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a annoncé que, désormais, des rabbins pourront officier au sein de la Bundeswehr [forces armées allemandes, ndlr]. « Après environ 100 ans, nous établirons à nouveau des rabbins militaires juifs au sein de la Bundeswehr. Un signe clair: la vie juive est une évidence dans notre pays », a-t-elle en effet indiqué, ce 11 décembre.

Cette annonce a été faite après une concertation avec le le Conseil central des Juifs d’Allemagne.

« Les citoyens de confession juive doivent faire partie de la Bundeswehr afin de renforcer aussi la cohésion sociale dans une société ouverte », a fait valoir le gouvernement allemand.

Actuellement, la Bundeswehr compterait, selon des estimations au doigt mouillé [parce qu’il n’y aucune statistique à ce sujet], environ 300 militaires juifs dans ses rangs, contre 94.000 chrétiens et 3.000 musulmans.

Justement, des discussions sont en cours pour que des représentants musumans puissent également intégrer l’aumônerie de la Bundeswehr, comme c’est le cas au sein des forces françaises depuis 2005. Cependant, comme il n’y a pas, en Allemagne, d’équivalent au Conseil français du culte musulman [CFCM], elles sont compliquées, faute de trouver un interlocuteur unique.

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