La directive européenne sur le temps de travail dégrade la capacité opérationnelle de la Gendarmerie

gendarmes-20160621

En 2015, le Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire (HCECM) s’inquiétait des conséquences de la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail sur le bon fonctionnement des forces armées.

Ce texte prescrit en effet un repos journalier de 11 heures consécutives au moins par période de 24 heures ainsi qu’un repos hebdomadaire de 24 heures tous les 7 jours. Et si, initialement, les forces armées et de sécurité bénéficiaient d’une dérogation, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en a limité la portée.

En effet, selon la jurisprudence de la CJUE, les dérogations à cette directive ne peuvent pas s’appliquer aux forces armées (et de police) prises dans leur globalité mais seulement à certains missions qu’elles assument, en particulier dans le cas « d’évènements exceptionnels à l’occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel (…) accorde une priorité absolue à l’objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint. »

Cela étant, comme l’a indiqué son directeur, le général Richard Lizurey, lors de son audition devant les députés de la commission de la Défense, la Gendarmerie nationale n’avait pas de problème avec cette directive pour la bonne raison qu’elle ne l’appliquait pas. Seulement, elle a dû finalement s’y plier.

« Nous y sommes (…) contraints par l’obligation qui nous incombe de transposer la directive européenne sur le temps de travail. Nous sommes actuellement en phase de précontentieux, l’Union européenne nous ayant signifié que nous ne respections pas la directive. Nous avons donc entrepris la transposition, en lien avec la défense, dans le cadre d’une approche statutaire », a ainsi indiqué le général Lizurey.

Qui plus est, une association a déposé un recours devant le Conseil d’֤État pour contester la précédente instruction sur le temps de travail de la Gendarmerie. Et elle a eu gain de cause.

« Nous avons demandé au Conseil d’État s’il était possible d’attendre la transposition définitive, en 2017, pour régler le problème. Il nous a expliqué qu’il serait obligé de nous condamner si nous maintenions notre texte, ce qui nous a contraints, en mars 2016, à retirer l’instruction et à engager un travail de concertation avec le CFMG [Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie, ndlr] pour rédiger un nouveau texte, lequel est entré en vigueur le 1er septembre », a expliqué le général Lizurey.

La Direction générale de la Gendarmerie (DGGN) a donc fait en sorte de remplir certaines exigences de la directive en question. « Alors qu’elle prévoit 24 jours de vacances par an, nous sommes à 45 jours de permission. Alors qu’elle prévoit 24 heures de repos par semaine, nous sommes à 48 heures », a détaillé le général Lizurey. Toutefois, il est plus difficile d’appliquer les 11 heures de repos physiologique par jour et les 48 heures de travail maximal hebdomadaire.

Aussi, pour le DGGN, ce nouveau texte complique « la manoeuvre car chaque gendarme doit désormais avoir 11 heures de repos journalier par tranche de 24 heures. À défaut, il a un droit à un temps de récupération, appelé repos physiologique compensateur, qui donne lieu à des calculs assez complexes. »

Par exemple, si un gendarme est rappelé au bout de 8 heures de repos pour une intervention, « on lui doit les 11 heures précédentes » et si c’est au bout de 9 heures, alors « on lui calcule la différence entre onze heures et le moment où il a été rappelé. » De l’aveu du général Lizurey, « de telles complexités administratives ne facilitent pas la tâche des commandants de brigade. »

Qui plus est, a-t-il fait observer, avec cette directive, « quand on assure une garde à vue de 96 heures, on a quinze jours de repos ensuite! Ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons aujourd’hui. »

Et cela se traduit, selon les premiers retours des unités, par une « dégradation du service », avec une baisse de 3 à 5% de temps de service en moins, ce qui, pour 100.000 personnels, représente « 3.000 à 5.000 équivalents temps plein (ETP) ». Ce qui fait dire au DGGN que « cette directive est un peu à contre-courant au moment où nous devons tous nous mobiliser contre le terrorisme. » Sans compter que cela réduit par conséquent la portée de la hausse des effectifs…

Le général Lizurey prévoit un premier retour d’expérience (RETEX) à la fin novembre et un second au début de l’année prochains afin de « voir comment aménager ces dispositions. » Mais comme « la mesure est tout en état de cause définitive », la DGGN travaille également à une transposition complète de la directive, avec les 48 heures maximales de travail hebdomadaire.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]