La Gendarmerie expérimente une méthode d’analyse prédictive en matière de délinquance

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Être capable de prévoir un crime pour l’empêcher… Tel est le thème du livre « Minority Report », de l’écrivain américain Philip K. Dick. Mais comme souvent (et c’est bien pour ça que l’on aurait bien tort de la négliger), la science-fiction est une source d’inspiration sans fin pour les scientifiques et les ingénieurs.

Ainsi, certains cherchent à prévoir les événements à venir en utilisant des algorithmes pour analyser des données du passé, selon le principe « les mêmes causes donnent les mêmes effets ». C’est notamment le cas d’Éric Horvitz (Microsoft) et de Kira Radinsky (Technion-Israel Institute) : pour eux, il serait possible de générer des alertes (maladies, épidémies, sécurité, etc…) en compilant et en analysant toutes les données disponibles sur un sujet donné à un instant t.

Cela étant, des solutions d’analyse prédictive sont déjà sur le marché. Ainsi, la police de Los Angeles (LAPD) utilise le programme PredPol (Predictive Policing), mis au point par des chercheurs de l’Université de Californie. En compilant les données concernant les infractions passées et les quartiers à risques, les policiers sont en mesure de d’établir là où il y a plus de chance qu’un crime soit commis. Résultat : en 6 mois, les agressions ont diminué de 33% et les crimes violents de 21%.

En France, la Gendarmerie s’intéresse de près à cette approche, au point que, à cet effet, elle a mis en place une cellule dédié au sein de son Service central du renseignement criminel (SCRC), installé au Pôle judiciaire de Cergy-Pontoise, lequel regroupe également l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) et le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).

Cette cellule réunit plusieurs spécialistes des mathématiques fondamentales, de la cartographie associée à l’informatique, et de l’informatique décisionnelle.

Pour faire simple, il s’agit d’exploiter, via des algorithmes, des séries de données de différentes natures, issues de l’Open Data ou des bases propres à la Gendarmerie, afin de déterminer une tendance possible. Ainsi, avec 600 variables fournies par l’INSEE, il est possible de déterminer des facteurs pouvant expliquer certains délits.

« Au niveau spatial, nous étudions à la fois les faits les plus contemporains et leur localisation géographique et nous regardons s’il y a une répétabilité. Cela nous permet de dégager ce qu’on appelle des ‘hot spots’ et de voir s’ils sont en cohérence avec les faits réels. Si l’étape de validation est pertinente, nous projetons ces données sur les mois suivants », expliquait, en janvier, le colonel Patrick Perrot.

Pour cela, les gendarmes utilisent plusieurs outils mathématiques comme le lissage exponentiel ou encore l’approche ARIMA (méthode autorégressive à moyenne mobile intégrée). « Nous implémentons toutes ces méthodes, puis nous calculons une marge d’erreur théorique entre l’adaptation du modèle de prédiction et les faits et nous prenons la marge d’erreur la plus faible », précisait encore le colonel Perrot.

Visiblement, ces travaux semblent prometteurs. En effet, lors de son audition devant les députés de la commission de l’Assemblée natinonale, le général Richard Lizurey les a brièvement évoqués en faisant une allusion à une expérimentation en cours.

« Nous travaillons aussi sur la dimension prédictive en matière de délinquance, qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation en Aquitaine », a ainsi affirmé le directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN).

« Il s’agit d’utiliser le big data pour agréger autant d’éléments que possible sur la délinquance, les données socio-économiques, etc., afin de déterminer à quel moment une zone risque plus ou moins d’être exposée à la délinquance – bref, de prévoir en quelque sorte la météo de la délinquance », a-t-il rapidement expliqué aux députés. Et de conclure : « Pas plus que la météo, ce n’est une science exacte, mais cela guide la réflexion de nos commandants d’unité, qui oriente à son tour les services. Nous en escomptons des résultats intéressants. »

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