La Russie s’en prend à plusieurs responsables des pays baltes en lançant des poursuites « pénales »

En suggérant que, s’il était de nouveau élu à la Maison Blanche, il refuserait de protéger les pays membres de l’Otan qui ne feraient pas assez d’efforts pour assurer leur défense [comme porter leurs dépenses militaires à au moins 2 % de leur PIB], Donald Trump a fait du Donald Trump. En 2016, il avait dit peu ou prou la même chose…

Cela étant, lors de son mandat [2017-21], avec la participation des forces américaines à des exercices d’une ampleur qui n’avait été plus vue depuis la fin de la Guerre Froide ou encore avec la réactivation de la 2e Flotte de l’US Navy [qui avait été dissoute en 2011] pour mener des opérations dans l’Atlantique Nord, l’engagement des États-Unis à l’égard de l’Alliance ne fut pas revu à la baisse. En outre, l’administration de M. Trump avait également soutenu l’Ukraine, en livrant à cette dernière, entre autres, les missiles antichars FGM-148 Javelin… que celle du président Obama lui avait refusés.

En revanche, il est vrai que Donald Trump eut la dent dure avec l’Allemagne, en critiquant la faiblesse de ses dépenses militaires ainsi que sa dépendance au gaz russe. D’où sa volonté de retirer une partie des forces américaines de ce pays… au profit de la Pologne.

Le candidat à la primaire du Parti républicain reprend donc les ficelles qui lui avaient permis d’entrer à la Maison Blanche. Faut-il laisser dire ? s’en étonner ? Ou le redouter ? En tout cas, ses propos ont sans doute atteint le but recherché : celui de faire réagir non seulement ses adversaires mais aussi les principaux responsables européens. À commencer, d’ailleurs, par Olaf Scholz, le chancelier allemand, pour qui les déclarations de M. Trump sont « irresponsables » et « dangereuses ».

En attendant, ces dernières semaines, en Europe, les appels visant à augmenter les dépenses militaires afin de se préparer à une éventuelle confrontation avec la Russie d’ici cinq ans se multiplient. Et cela signifie qu’il faut faire en quelques années ce qui ne l’a pas été depuis dix ou quinze ans. Voire rebâtir ce qui a été détruit…

Pourtant, s’agissant de l’attitude de la Russie, les signaux n’ont pas manqué, comme la reprise des vols de bombardiers stratégiques aux abord de l’Otan, la guerre en Géorgie au sujet de l’Ossétie du Sud, l’annexion de la Crimée, le jeu trouble avec les talibans afghans, la multiplication des interactions jugées « dangereuses » et « non professionnelles »… Ou encore les cyberattaques massives qui, en 2007, visèrent l’Estonie, suite au déplacement d’une statue qui commémorait les soldats soviétiques de la Seconde Guerre Mondiale [le Soldat de bronze].

Justement, l’Estonie semble être dans le collimateur du Kremlin. En effet, ce 13 février, la Russie a lancé un avis de recherche contre Kaja Kallas, la cheffe du gouvernement de cet État balte. Elle n’est d’ailleurs pas la seule : le secrétaire d’État estonien, Taimar Peterkop, le ministre lituanien de la Culture, Simonas Kairys, ainsi que trois responsables polonais, dont Karol Rabenda, un ancien vice-ministre des Affaires étrangères, font aussi l’objet d’une telle mesure.

Selon le ministère russe de l’Intérieur, Mme Kallas est poursuivie dans une « affaire pénale », sans plus de précision. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en a toutefois donné. « Ces gens sont responsables de décisions qui sont de facto une insulte à l’Histoire, ce sont des gens qui mènent des actions hostiles contre la mémoire historique, contre notre pays », a-t-il dit.

Il est vrai que, ces dernières années, plusieurs monuments liés à l’Armée rouge ont été démontés dans les États baltes, ces derniers rejetant la période soviétique. Ce que l’on n’admet pas à Moscou, où l’on prétend par ailleurs que les minorités russes sont « opprimées » en Lituanie, en Estonie et en Lettonie.

Quoi qu’il en soit, Mme Kallas a dénoncé une « tactique d’intimidation habituelle » de la part de la Russie en évoquant l’avis de recherche dont elle fait l’objet. « Je ne me tairai pas, je continuerai à soutenir l’Ukraine avec force et je me prononcerai en faveur du renforcement de la défense européenne », a-t-elle aussi fait valoir, via un communiqué.

Cet avis de recherche visant Kaja Kallas a été diffusé au moment où le service de renseignement estonien s’apprêtait à publier son rapport annuel sur les menaces pesant sur la sécurité nationale du pays. « La Russie a choisi la voie d’une confrontation à long terme […] et le Kremlin anticipe probablement un éventuel conflit avec l’Otan au cours de la prochaine décennie », a résumé Kaupo Rosin, son directeur, devant la presse.

Pour autant, a-t-il ajouté, un attaque militaire russe serait « hautement improbable » à court terme, notamment en raison de son engagement en Ukraine. Mais « si nous n’étions pas préparés, la probabilité [d’une attaque militaire russe] serait beaucoup plus élevée que si nous l’étions », a-t-il conclu.

Photo : Keith Ruffles – CC BY 3.0

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]