L’Allemagne va vendre 150 missiles air-air IRIS-T à l’Arabie Saoudite

L’accord trouvé en octobre 2021 par le Parti social-démocrate [SPD], les libéraux-démocrates [FDP] et les écologistes [Bündnis 90/Die Grünen] pour former une nouvelle coalition gouvernementale sous l’autorité d’Olaf Scholz avait été très clair : l’Allemagne allait « durcir » ses règles en matière de ventes d’équipements militaires, y compris au niveau de l’Union européenne [UE]. En clair, cela suggérait que Berlin n’accorderait des licences d’exportation qu’à des pays membres de l’Otan [ou associés], étant entendu que la vente d’armes à des États en guerre serait toujours exclue.

Dans de telles conditions, il était inconcevable de voir Berlin revenir sur sa décision d’interdire toute vente d’équipements militaires à l’Arabie Saoudite. Celle-ci avait été prise en 2018, en raison de l’implication de Riyad dans la guerre au Yémen et de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi par les services saoudiens. À l’époque, le gouvernement allemand, alors dirigé par Angela Merkel, avait appelé ses partenaires européens à l’imiter… Ce qui donna lieu à une « passe d’armes » avec le président Macron.

« C’est pure démagogie que de dire d’arrêter les ventes d’armes » à l’Arabie Saoudite. […] Elles n’ont rien à voir avec M. Kashoggi, il ne faut pas tout confondre. Je suis très admiratif envers ceux qui, avant de savoir, disent ‘on ne vendra plus d’armes’! Ils en vendent déjà parfois plus que la France à travers les joint ventures [coentreprises] qu’ils ont! », avait-il en effet lancé, en répondant à une question sur la décision de Berlin.

Quoi qu’il en soit, l’intransigeance affichée par l’Allemagne empêcha le Royaume-Uni de conclure une vente de 48 avions de combat Eurofighter Typhoon supplémentaires à l’Arabie Saoudite qui, depuis, faute d’avoir pu obtenir ce qu’elle voulait, dit envisager de se procurer 54 Rafale auprès de la France…

Cela étant, le contexte international aura eu raison des résolutions de la coalition gouvernementale allemande sur les ventes d’équipements militaires. L’an passé, celles-ci ont battu un record, Berlin ayant approuvé des exportations d’armes pour une valeur totale de 11,71 milliards d’euros.

Toutefois, 90% d’entre-elles ont concerné des membres de l’Union européenne et/ou de l’Otan, ainsi que des États proches de ces deux organisations. Pays en guerre, l’Ukraine représente à elle seule un tiers des licences accordées.

En réalité, ce total pourrait être encore plus élevé car, a priori, il ne prend pas en compte la vente de 150 missiles air-air que le Conseil fédéral de sécurité d’outre-Rhin a approuvé à la fin de l’année… au profit de l’Arabie Saoudite.

L’information, révélée par l’hebdomadaire Der Spiegel, a été confirmée par Steffen Hebestreit, le porte-parole du gouvernement allemand, ce 10 janvier. Elle survient quarante-huit heures à peine après que la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock [écologiste] a déclaré que Berlin ne s’opposerait plus à la vente de 48 Eurofighter Typhoon par le Royaume-Uni à l’Arabie Saoudite.

« Nous ne nous voyons pas, en tant que gouvernement fédéral allemand, nous opposer aux considérations britanniques sur d’autres Eurofighter », a en effet affirmé Mme Baerbock. Pour expliquer cette volte-face, Berlin fait valoir que Riyad a adopté une « attitude constructive » dans la guerre opposant Israël au Hamas, en contribuant de « manière déterminante » à la sécurité de l’État hébreu, en interceptant des missiles et des drones lancés depuis le Yémen.

Cependant, la vraie « rupture » concerne la vente des 48 Typhoon… En effet, en juillet dernier, il avait été rapporté que le gouvernement allemand allait assouplir sa position sur les exportations d’équipements militaires vers l’Arabie Saoudite, sous la pression, notamment, du FDP. Ainsi, un accord avait été conclu entre les trois partenaires de la coalition pour autoriser de telles ventes d’armes « dans des cas spécifiques ».

« Ces armes ne devront pas être utilisées au Yémen et ne devront pas être utilisées en relation avec d’éventuelles violations des droits de l’homme », avait expliqué M. Hebestreit.

Photo : Von HaraF – CC BY-SA 3.0