Guerre en Ukraine : Le commandant en chef ukrainien admet l’échec de la contre-offensive

Malgré des frappes retentissantes sur les lignes arrière russes, grâce aux missiles SCALP/Storm Shadow et ATACMS, une résistance acharnée à Avdiivka [oblast de Donetsk] où les CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie] mis en oeuvre par la 55e Brigade d’artillerie de l’armée ukrainienne démontrent chaque jour leur efficacité, et des succès tactiques avec les reprises de Robotyne, d’Andriivka et de Klishchiivka, la contre-offensive lancée par Kiev en juin dernier n’a pas atteint les objectifs qui lui avaient été donnés.

C’est en effet ce qu’a admis le général Valeri Zaloujny, le commandant en chef des forces ukrainiennes, dans les pages de l’hebdomadaire britannique The Economist, ce 2 novembre. « Il n’y aura probablement pas de percée profonde et belle », a-t-il dit, avant de préciser que ses troupes n’avaient gagné que 17 kilomètres depuis le début de cette contre-offensive, pour laquelle l’Ukraine avait reçu des dizaines de chars occidentaux, dont des Leopard 1, des Leopard 2, des Challenger 2 et des AMX-10RC [qui ne sont pas considérés comme des chars au sens strict, ndlr].

Il faut dire que les forces russes, après leurs revers de l’automne 2022, ont eu le temps de se préparer, en mettant en place un solide rideau défensif et en renforçant leurs moyens de guerre électronique le long de la ligne de front.

Cela étant, le général Zaloujny a confessé avoir commis des erreurs. D’abord en pensant que les pertes infligées aux forces russes [dont on ne connaît pas l’ampleur de façon indépendante] allaient avoir des conséquences sur la suite des opérations. « Dans n’importe quel pays, de telles pertes auraient mis fin à la guerre », dit-il.

Ensuite, le commandant en chef ukrainien a reconnu s’être trompé en estimant que les difficultés de la contre-offensive étaient dues à des problèmes de personnes. « Au début, j’ai pensé qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec nos commandants, alors j’en ai changé certains. Puis, j’ai pensé que nos soldats n’étaient peut-être pas adaptés à leur mission, alors j’ai transféré des soldats dans certaines brigades », a-t-il expliqué. Or, cela n’a rien changé…

La planification a sans doute été déficiente. « Selon les manuels de l’Otan et les calculs que nous avions faits, quatre mois auraient dû être suffisants pour que nous puissions atteindre la Crimée, y combattre et en revenir », raconte le général Zaloujny. Mais c’était sans compter sur l’efficacité des lignes défensives établies par les forces russes, qui ont aussi fait preuve d’une certaine capacité d’adaptation.

« Nous voyons tout ce que fait l’ennemi et il voit tout ce que nous faisons », résume l’officier ukrainien. Aussi estime-t-il que la situation est arrivée à une impasse.

« Tout comme lors de la Première Guerre mondiale, nous avons atteint un niveau technologique qui nous met dans une impasse », affirme en effet le général Zaloujny. Et, pour en sortir, il « faudrait un saut technologique massif », ce qui passe par un effort important en matière d’innovation, que ce soit pour la guerre électronique, les drones, la robotique, l’artillerie, etc.

« Il est important de comprendre que cette guerre ne peut être gagnée avec les armes de la génération passée et des méthodes dépassées. […] Elles entraîneront inévitablement des retards et, par conséquent, une défaite », explique le commandant en chef ukrainien, qui veut éviter de mener une guerre de « tranchées » que ses troupes ne pourraient pas soutenir indéfiniment, faute de pouvoir relever leurs combattants. « Tôt ou tard, nous nous rendrons compte que nous n’avons tout simplement pas assez de monde pour nous battre », souligne-t-il.

L’évaluation du général Zaloujny rejoint celle faite par la Direction du renseignement militaire [DRM] en juillet dernier… Via son « patron », le général Jacques Langlade de Montgros, elle avait estimé que la guerre en Ukraine pourrait s’éterniser en raison de l’absence de « game changer », c’est à dire d’armes [conventionnelles] pouvant inverser le cours des combats.

Par ailleurs, et alors que le soutien à l’Ukraine pourrait perdre de la vigueur en raison de l’évolution de la situation politique chez certaines de ses partenaires, la Russie a noué des accords avec l’Iran et la Corée du Nord pour refaire ses stocks de munitions. Selon l’agence Bloomberg, elle aurait ainsi récemment reçu 1 million d’obus de facture nord-coréenne…

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