Canada : Un « manque d’intégrité » favorise l’avion de patrouille maritime P-8A Poseidon, accuse Bombardier

En réponse à une sollicitation du ministère canadien de l’Approvisionnement dans le cadre du programme « Aéronef multimissions canadien » [AAMC], qui doit permettre de remplacer les 14 avions de patrouille maritime CP-140 Aurora de l’Aviation royale canadienne [ARC], l’agence américaine chargée de l’exportation des équipements militaire [DSCA] a émis un avis favorable à la possible vente par Boeing de 16 P-8A Poseidon à Ottawa, pour un montant évalué à 5,9 milliards de dollars.

Seulement, le constructeur québécois Bombardier Defence s’était mis en ordre de marche dans l’espoir d’obtenir ce marché, en proposant une version militarisée de l’avion d’affaires Global 6500, avec le concours de General Dynamics Mission Systems Canada, implanté en Ontario. Aussi, espérait-il le lancement d’un appel d’offres « ouvert et transparent » afin d’être en mesure de défendre ses chances.

Or, l’avis de la DSCA suggère au contraire que le gouvernement canadien envisage de signer un contrat de gré à gré avec son homologue américain pour se procurer des P-8A Poseidon. Très vite, le Premiers ministres du Québec, François Legault, et son homologue de l’Ontario, Doug Ford, sont montés au créneau pour exiger un appel d’offres.

« On ne voit pas pourquoi, étant donné les retombées – on parle de plus de cinq milliards de dollars –, le [gouvernement] fédéral ne fait pas d’appel d’offres. […] Nous comprenons que le gouvernement américain puisse faire fortement pression sur le gouvernement canadien, mais nous avons une compagnie canadienne qui a des usines en Ontario et au Québec qui peut fournir ce qui est nécessaire », avait ainsi plaidé M. Legault, en juillet. Mais en vain…

On en était resté là quand, le 17 octobre dernier, Simon Page, le sous-ministre adjoint de la Direction générale de l’Approvisionnement maritime et de défense, a expliqué, devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, que le choix du P-8A Poseidon avait été recommandé par le cabinet de conseil américain Avascent, celui-ci ayant soutenu qu’aucune autre solution n’était possible.

Or, cette société n’avait manifestement pas pris la peine de s’intéresser à l’offre de Bombardier Defence et de General Dynamics Mission Systems Canada. Mieux : selon La Presse, l’un et l’autre n’avaient jamais entendu parler d’un quelconque mandat attribué par le gouvernement canadien à Avascent pour le programme AAMC avant l’audition de M. Page.

D’où la colère d’Éric Martel, le PDG de Bombardier, qui n’a pas mâché ses mots. « On a seulement entendu des excuses à ce jour. Je pense que maintenant, le boulot des politiciens, c’est de poser des questions sur l’intégrité du processus. Il y a un manque de transparence. Je vais même dire qu’il manque d’intégrité », a-t-il dénoncé, selon des propos rapportés par La Presse.

« C’est inexplicable que des bureaucrates puissent faire une recommandation sans n’avoir posé aucune question à l’industrie. […] C’est inacceptable. J’ai demandé aux politiciens : ‘Est-ce que la décision a été prise?’ Ils me disent non, mais clairement, j’entends les hauts fonctionnaires en train de vendre le P-8. Ça devient embêtant », a poursuivi M. Martel.

Le PDG de Bombardier a enfoncé le clou dans les pages du Globe and Mail, affirmant que le gouvernement canadien aurait l’intention de recourir à une « exception » au nom de la sécurité nationale pour éviter de lancer un appel d’offres et accélérer l’achat de P-8A Poseidon sans s’exposer à de possibles contestations sur le terrain judiciaire.

« D’autres pays frappent à notre porte aujourd’hui parce qu’ils considèrent [notre solution] comme un produit d’avenir. C’est un peu ahurissant si l’on considère que dans notre propre pays, nous ne sommes même pas pris en compte à l’heure actuelle », a-t-il dit.

Dans un courrier adressé à Jean-Yves Duclos, le ministre canadien des Services publics et de l’Approvisionnement, le 23 octobre, Éric Martel et Joël Houde, vice-président de la division internationale de General Dynamics Mission Systems, ont dénoncé les « signes d’une tentative délibérée visant à orchestrer un résultat particulier sans analyse appropriée ni vérification raisonnable de la part d’experts ». Et d’estimer que Boeing fait l’objet d’un traitement de faveur.

Cela étant, l’avis publié en juin par la DSCA a une durée limitée… Et, pour le moment, Ottawa n’a annoncé aucune décision au sujet du successeur du CP-140 Aurora.

En tout cas, un contrat au Canada serait une bonne nouvelle pour Boeing, qui accumule les déconvenues actuellement, notamment au niveau de ses activités militaires, avec la fin annoncée de la production du chasseur-bombardier F/A-18 Super Hornet et la fermeture possible des lignes d’assemblage du P-8A Poseidon en 2025. À cela s’ajoutent des difficultés qui peinent à être surmontées dans certains programmes, comme celui des avions ravitailleurs KC-46A Pegasus ou encore celui du futur « Air Force One ».

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38 contributions

  1. cases olivier dit :

    depuis le f105 arrondissement, les canadiens sont les petits toutous obéissants des usa, hélas.

    • SimLabeng dit :

      F-105? Vous parlez du Thunderchief? Un appareil que le Canada a manqué d’acquérir…

      Oui, je sais, vous parlez du Avro Arrow. Le CF-105.

      C’est une théorie. Comme pour l’acquisition de sous-marin d’attaque nucléaire de la classe Rubis à la fin des années ’80.

      On dit plutôt que le propriétaire d’Avro n’était pas dans les faveurs du gouvernements canadiens, les canadiens-français de Canadair, qui avait fabriqué sous-licences les Sabre (meilleur que les modèles américains) avait de plus beaux yeux…

      Et n’oublions pas qu’a la fin des années ’50, les experts, surtout anglais, déclaraient les avions pilotés obsolètes et que le futur allait au tout missiles. Les anglais ont quelques avions qui ont disparus selon l’application de ce concept.

  2. Vittorio dit :

    Je comprends la déception d’Éric Martel, mais force est de constater que Bombardier n’est pas en mesure d’apporter une solution rapidement. Comme aucun autre fabricant au monde, à l’exception du Japon. Cependant, cela coûte très cher.
    C’est pourquoi l’Aviation Royale Ccanadienne se concentre sur le seul produit disponible aujourd’hui. Produit testé et très efficace.
    J’espère que l’Italie l’achètera bientôt. Et j’espère que des accords seront conclus avec d’autres États européens (Espagne, Grèce, Hollande) pour un achat commun dans l’espoir d’économiser de l’argent.
    Si nous attendons un avion européen, il sera prêt pour la cinquième guerre mondiale…..
    Traduction de Google.

  3. Clavier dit :

    Bienvenue dans le monde impitoyable de l’espace militaro-industriel des Etats dits Unis……..

  4. reglab dit :

    la vache ils font trés fort les canadiens 🙂

  5. EchoDelta dit :

    Pauvres canadiens, je les plains de devoir en permanence lutter eux aussi contre leur classe politique qui les sabordent consciencieusement. On a l’impression d’avoir les même en Europe.

  6. Artistick dit :

    Canada indépendant, la bonne blague depuis… depuis… bin depuis l’origine.

  7. Calimero dit :

    Pourquoi ce sont toujours les Américains qui gagnent ? C’est trop injuste !

    • Orel dit :

      Parce qu’ils sont les seuls en Occident à maintenir et à financer une force militaire et une BITD réellement capables de développer, de produire, d’acquérir et d’utiliser une structure de forces équipée pour atteindre les objectifs de l’intérêt national n’importe où dans le monde et pendant plus longtemps que n’importe qui d’autre.

      Attendre de la France, ou de n’importe qui d’autre, qu’elle soit au même niveau pour toutes les capacités dans toutes les catégories relève de la pure fantaisie lorsque l’on sait que la France peine à atteindre ne serait-ce que 2 % de son PIB en dépenses annuelles de défense depuis des décennies et que son armée est terriblement trop petite et sous-équipée pour mener à bien des opérations militaires d’envergure à l’étranger. Même dans l’environnement proche de l’Afrique de l’Ouest, la France doit compter sur les renseignements, les transports, la logistique et la puissance de feu des États-Unis.

      • Un complotiste probablement dit :

        Faux. Les achats de matériel militaire ne se font pas par lot (on achète pas des tanks et des avions en même temps avec la même commande), et pour chaque achat il y a plusieurs choix raisonnables. Mais les USA sont les seuls à être capables d’exercer une pression suffisante sur de nombreux gouvernements pour imposer leurs produits.

  8. Byzance dit :

    What a suprise !

  9. Achille-64 dit :

    Bon, Bombardier construira le kit SAR et on appellera ça le CP-148 ‘TrucMachin’.
    Quoi de neuf sous le soleil canadien ?
    Ou alors, il faut en parler au chef de l’Etat, sa majesté comment déjà ?
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_du_Canada

  10. Acapulco dit :

    Douloureuse prise de conscience qu’un homme ou une femme politique est devenu par essence un individu corrompu.. Bien venu dans le monde réel….

  11. Momo dit :

    Pour ceux qui ne le sauraient pas il y a aussi un historique particulièrement gratiné entre Boeing (US) et Bombardier (Canada) suite a des manoeuvres protectionnistes (US) pour pénaliser Bombardier (Canada) en jouant sur des taxes particulièrement relevées.
    Bombardier (Canada) a ensuite dit que ces actions (US) avaient affaiblies Bombardier (Canada) au point que le nouveau modèle série C avait dû être vendu à Airbus (ROW).
    Mais le gouvernement de Trudeau (Canada), élu, est tellement nul qu’il est effectivement tout à fait capable d’aller encore maintenant faire des risettes à Boeing et Biden (US).
    Il sont wokes ces canadiens 😉

    • SimLabeng dit :

      Boeing a déjà été assez pénalisé. Le gouvernement a aimé mieux acheté un lot de AF/A-18 australien usagé au lieu d’acquérir un lot de Super Hornet flambant neuf pour supporter la flotte plus que vieillissants de CF-18. Pour le remplacement des CF-18, le F/A-18E/F Block3 n’a même pas fait l’étape finale de la soumission. C’est le JAS-39 Gripen qui s’est battu comme le gagnant, le… F-35… Et il y a eu un refus catégorique de regarder le KC-46 pour remplacer les Polaris.

      Et si le Canada avait un projet d’acquisition d’hélicoptère de combat, je suis sûr qu’il cracherait sur le Apache pour prendre des Viper, « because » l’usine Bell de Mirabel au Québec.

      Mais je m’inquiète pas, ils vont avoir le contrat de maintenance pour garder l’usine Boeing du Manitoba ouverte.

      Peut-être, pour fermer la trappe à Bombardier (et remercier la docilité de Saab sur leur défaite du JAS-39 contre le F-35), l’acquisition de quelques Global Eye pourrait mettre un beaume sur leur plaie. Et pourquoi pas le remplacement des Challenger du gouvernement en même temps?

      • Momo dit :

        A mon avis Boeing n’a pas été assez pénalisé d’avoir changé sa culture d’excellence d’ingénierie pour celle du résultat à court terme et du cours de l’action. Mc Donnell m’a tuer…
        Pour les Global Eye je paries que non, pas un pour le (Canada).
        A regret

  12. Vernel dit :

    Assez des manigances des USA. Ils sont prêts à tout pour damer le pion, y compris de ceux qu’ils osent appeler amis.
    Mais alors là, les responsables canadiens font très fort même à couler leur propre industrie pour favoriser les Américains et Boeing.
    On comprend mieux pourquoi les Québécois demandaient leur indépendance. Ils sont pieds et mains liés par les USA.

  13. Framlucasse dit :

    Amusant. Le biais US semblait moins les déranger quand il s’agissait des Rafales et Typhoon, qui n’avaient même pas participé à une « compétition » jouée d’avance.

    • SimLabeng dit :

      Les français et Rafale se sont auto-sortie, question de sécurité et five eyes. Typhoon, même chose. sans compter le prix. Mais le Super Hornet Block III s’est fait sortir en demi-finale. Pas trop joué d’avance pour un appareil américain. Seul le Gripen s’en est sorti comme finaliste.

      Ouain, peut-être pour montrer, faussement, que ce n’était pas joué d’avance…

  14. SimLabeng dit :

    Des fois, c’est bon les manques d’intégrité. Ça accélère les processus d’achat ultra-lent du gouvernement canadiens.

    Combien de temps prendra la production d’un prototype? Les tests? La production? 10-15-20 ans?

    Pour quel coûts? Plus ou moins que le P-8? Avec cette inflation?

    • Momo dit :

      Message un peu ‘collaboratif’, non?
      pas sûr que ce soit l’avis majoritaire des québécois 😉

      • CANADA dit :

        Le jour où les Québécois auront quelque chose à dire au Canada, le poulet français aura des dents.

  15. PHILIPPE dit :

    En résumé, sur tous les plans (militaire, marchés civils, marchés monétaires, droit des affaires, géopolitique) la vassalisation est générale.
    Et que d’aventures désastreuses : Somalie, Liban, Kosovo, Afghanistan, 2 ème guerre d’Irak, Syrie….
    A l’instar des BRICS ne serait-il pas temps de reprendre une nécessaire distance d’avec cet encombrant « grand frère » ?

  16. Tom dit :

    Les politiciens sont véreux ? Pas possible. Si ils ne l’étaient pas le f35 ne se serait pas vendu…

  17. Jay dit :

    aucun rapport avec les americains..le probleme majeur ici est que nous somme tres en retard pour remplacer les tres vieux et mal en point cp140, nous devons acheter ce qui est deja operationnel. et de plus nous avons besoin d’un appareil 100% compatible avec nos alliers en mesure d’avoir du service lors des operations communes. Bombardier est incapable de fournire un avion de ce genre dans un delais rapide et acceptable et a perdu l’expertise militaire il y a tres longtemps, aller avec Bombardier fera un flop castatrophique au meme point que le c295. le common sens…acheter ce qui est disponible maintenent et la redevelopper lninsdustrie aeronautique militaire.

    • Bourbon-l'Archambault dit :

      On vole avec nos ailiers et on s’allie avec nos alliés.

    • FNSEA dit :

      Dans nos campagnes, la patrouille maritime n’est pas la première de nos préoccupations, mais les délais de livraison de nos fournisseurs constituer des difficultés importantes.
      Ce qui nous amène à réaffirmer que le mot délai s’écrit sans s au singulier.
      Un délai rapide, le délai de livraison, le délai de latence, le délai de paiement, le délai de réflexion, le délai de réponse.

  18. JILI dit :

    Bof, c’est la normale, est du même acabit que pour le F35 et l’Aukuss, et rappelle la triste fin du projet franco-allemand pour l’avion maritime car les allemands ont manqué d’intégrité! Bref, « Puterie  » et « Immoralité » sont devenus les principales règles du monde occidental, et malgré les nombreuses et uniques qualités qu’ils possèdent, ces nuisances politico- économiques sont devenues l’accélérateur de son déclin!

  19. Saint Laurent dit :

    Ah !!!! En hiver et au Canada le brouillard au dessus de la banquise quel spectacle……. Comme les ouragans on lui donne des noms tous « ben » différents. Un jour, c’est classe Rubis. Un autre, c’est LM F 35. Et maintenant c’est P 8 Poseïdon. Mes Frères ! Qué cafoutiau c’t affaire….. Heureusement qu’ la Céline elle, même en « sous service » y compris aux armées, sera toujours là. Une Québécoise capable de faire sortir le Grand-Charles de sa tombe.

  20. Pierre dit :

    btw, bombardier aviation as été vendu a Airbus il y a un moment… donc l’argument « favoriser l’entreprise locale » on repassera.

    • Maxime dit :

      Ce n’est pas Bombardier Aviation
      qui a été vendu a Airbus c’est le programme C-serie, c’était le seul moyen de sauver le programme après les taxes protectionniste que les USA ont imposé au Canada dans le conflit Bombardier/Boeing.
      Après niveau « entreprise locale » le C-serie est toujours assemblé au Québec ça faisait parti de l’accord de vente.
      Pour le Québec l’avantage ils sauvaient le site au Québec.
      L’avantage pour Airbus c’est qui ajoutait à leur catalogue un avion déjà développé et certifié pour un prix fixe (pas de surprise de surcoût de développement ou de pénalités pour retards de production).

    • Etienne Hannosset dit :

      Vous vous trompez. Bombardier à été divisé en plusieurs branches et Airbus n’a repris que la branche des A220. Bombardier, société canadienne, a conservé la branche des avions d’affaires. Le Global 6500 est toujours produit par Bombardier.