Berlin assure que la coopération franco-allemande sur le futur système de combat terrestre va continuer

Lancé en 2017 et placé sous direction allemande, le programme de Système principal de combat terrestre [ou MGCS, pour Main Ground Combat System] peine à avancer, à cause de désaccords persistants entre les industriels impliqués, Nexter [la partie française de KNDS] s’opposant à Rheinmetall, imposé à Paris par Berlin. L’un des différends porte sur l’armement du char de nouvelle génération qui doit être développé dans le cadre de ce projet qui, pour rappel, vise à mettre au point un « système de systèmes » faisant cohabiter au sein d’un « cloud de combat » des blindés, des drones et des robots.

En juillet, il fut convenu que les états-majors des deux pays allaient plancher sur une fiche d’expression commune de leurs besoins en vue d’une prochaine réunion entre Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, et Boris Pistorius, son homologue allemand. Celle-ci doit avoir lieu le 22 septembre, à Évreux.

Seulement, ce n’est un mystère pour personne que le développement d’un char de nouvelle génération en coopération avec la France n’a pas bonne presse outre-Rhin. Des responsables politiques ainsi que des industriels ne cachent plus leurs doutes [si ce n’est leurs réticences] à l’égard du MGCS, estimant que, au regard de la situation actuelle, un Leopard 2 modernisé ferait l’affaire, d’autant plus qu’il s’agit de faire face à une hausse significative de la demande depuis le début de la guerre en Ukraine. Une telle approche ne peut pas satisfaire Paris, qui doit remplacer le char Leclerc à l’horizon 2035/40.

C’est dans ce contexte que le quotidien économique Handelsblatt a révélé, le 6 septembre, que l’Allemagne allait s’associer avec l’Italie, l’Espagne et la Suède pour développer un nouveau char de combat en sollicitant le Fonds européen de défense [FED], mis en place par la Commission européenne. Et d’ajouter qu’il était question d’un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros.

En réalité, si l’Allemagne s’est associée avec les trois pays européens, qui frappaient jusqu’alors à la porte du MGCS, c’est pour répondre à l’appel à projets « Main Battle Tank Platforme Systems », lancé en juin dernier par la Commission européenne, avec une dotation de 20 millions d’euros.

« Les chars de combat restent un élément essentiel de la manœuvre militaire terrestre, en particulier dans un contexte de guerre conventionnelle. […] Néanmoins, les chars actuellement utilisés par les forces armées des États membres et celles des pays associés au FED [Norvège] sont soit vieillissants, soit obsolètes. Par conséquent, il y a une nécessité impérieuse de les moderniser ou de remplacer ceux qui approchent de la fin de leur durée de vie opérationnelle », est-il expliqué dans la présentation de cet appel à projets.

Aussi, poursuit le document, les « propositions devront porter sur les études et la conception de mises à niveau des technologies actuelles et le développement des futurs technologies de chars de combat », en prenant en compte les impératifs de « mobilité, de déployabilité, d’automie, de puissance de feu, de protection et de cybersécurité ».

Évidemment, au regard du MGCS, l’absence d’industriels français dans le tour de table réuni par l’Allemagne a de quoi interroger… Et, sur ce point, deux versions s’affrontent. Selon La Tribune, Paris aurait refusé la participation de Nexter/KNDS et de Thales pour… contester l’hégémonie allemande et préparer une offre concurrente. Or, d’après le quotidien « Süddeutsche Zeitung », c’est Berlin qui a mis un veto à la présence de Nexter dans ce projet, ce qui aurait entraîné le « forfait » de Thales.

Quoi qu’il en soit, dans les pages de la Süddeutsche Zeitung, M. Pistorius s’est voulu rassurant. « Avec le MGCS, nous voulons développer l’un des systèmes de chars de combat les plus modernes et les plus puissants du futur », a-t-il dit. « Il est donc important que nous continuions à développer ce système d’armes pour l’avenir. L’Allemagne et la France se coordonnent étroitement sur le programme du système principal de combat principal terrestre », a ajouté le ministre. Et de conclure : Le fait qu’il y ait une initiative simultanée de la Commission européenne « ne fait pas obstacle au projet franco-allemand. Bien au contraire. Les deux se complètent ».

Cela étant, et si tout est si limpide, il est tout de même curieux que, les ministères français et allemands n’aient ni l’un ni l’autre publié de communiqué pour corriger les éventuelles erreurs d’appréciation du Handesblatt… et pour réaffirmer leur volonté de faire aboutir le MGCS.

La revue spécialisée italienne RID [Rivista Italiana Difesa] qui, au passage, indique que la Belgique a aussi rejoint l’initiative allemande, a sans doute livré un bon résumé de la situation.

« Le projet du Fonds européen de défense concernant le système de chars de combat principal s’élève à 20 millions d’euros, auxquels il faudra ensuite ajouter les fonds alloués par les pays participants, pour mener à bien une revue de conception préliminaire », a-t-elle commencé par rappeler. Cette « initiative est très importante sur le plan stratégique car elle signale les difficultés toujours croissantes de l’axe franco-allemand dans le domaine militaire. […] L’Allemagne envoie donc un signal assez précis à la France concernant le char du futur, en formant un bloc, avec notamment l’Italie », a-t-elle conclu.

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