Le ministre français des Armées évoque des « projets industriels innovants » avec l’Arabie Saoudite

Durant la période 2013-2022, le montant total des prises de commandes de l’Arabie Saoudite auprès de l’industrie française de l’armement a atteint 9,5 milliards d’euros, grâce notamment aux contrats obtenus en 2013 [pour 1,9 milliard] et en 2014 [pour 3,6 milliards].

Cela étant, ce résultat peut être trompeur… car les ventes d’équipements militaires français à Riyad tendent à s’essouffler. Ainsi, l’an passé, selon l’édition 2023 du rapport au Parlement sur les exportations d’armes, elles se sont élevées à « seulement » 164,9 millions d’euros. Et, depuis 2018, elles connaissent des hauts et des bas.

Dans le même temps, alors que les États-Unis et le Royaume-Uni étaient jusqu’à présent les principaux fournisseurs de ses forces armées, l’Arabie Saoudite cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement, en particulier auprès de la Chine… et, plus récemment, de la Turquie, avec la signature d’un important accord d’exportation et de coopération concernent le drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Akinci.

Cette politique s’explique en grande partie par des rapports de plus en plus tendus entre Riyad et Washington, notamment depuis que Joe Biden est à la Maison Blanche. Celui-ci avait en effet affirmé qu’il voulait faire de l’Arabie Saoudite un « paria » sur la scène internationale, en raison de son intervention militaire au Yémen et de l’assassinat du journaliste [saoudien] Jamal Khashoggi en 2018. Et cela au nom de la défense des valeurs démocratiques et des droits humains…

Puis M. Biden s’était ravisé en juillet 2022, en expliquant que son but était de « réorienter » et non de « rompre » les liens avec l’Arabie Saoudite, l’objectif étant de la convaincre d’augmenter sa production pétrolière pour calmer l’envolée des cours du baril causée par la guerre en Ukraine. Mais, quelques mois plus tard, et n’ayant pas obtenu ce qu’il voulait, le président américain a de nouveau parlé de « réévaluer » la relation des États-Unis avec le royaume.

Par ailleurs, au Congrès, les ventes d’armes américaines à l’Arabie Saoudite sont désormais régulièrement décriées… Ainsi, en octobre 2022, deux parlementaires démocrates, à savoir le sénateur Richard Blumenthal et la représentante Ro Khanna, ont tenté de faire adopter une proposition de loi visant à les interdire. Et cela aurait pu clouer au sol une bonne partie des avions de combat de la Royal Saudi Air Force [RSAF], laquelle dispose de plus de 200 chasseurs-bombardiers F-15E.

Évidemment, cela ne peut qu’inciter Riyad à considérer d’autres voies pour moderniser ses capacités militaires. D’autant plus qu’il y a aussi des difficultés avec le Royaume-Uni, lequel avait, pendant un temps, suspendu ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, avant de décider de les reprendre, en juin 2020. En outre, l’achat de 48 à 70 avions de combat Eurofighter Typhoon destinés à la RSAF n’est pas près d’aboutir… Car, dans cette affaire, les Britanniques sont tributaires d’un feu vert de l’Allemagne, qui n’a nullement l’intention de le donner…

En outre, récemment, l’Arabie Saoudite a subi un autre camouflet avec le refus du Japon de l’accueillir dans le Global Combat Air Programme [GCAP], un projet qui, mené en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, doit aboutir à un avion de combat de 6e génération.

Aussi, dans un tel contexte, une rumeur ne cesse d’enfler depuis plusieurs mois [et singulièrement depuis deux ou trois semaines]. Et elle affirme que l’Arabie Saoudite pourrait se tourner vers la France pour renforcer ses forces aériennes… via l’acquisition de 100 à 200 Rafale. En tout cas, elle est suffisamment crédible pour qu’elle soit évoquée par le magazine spécialisé américain Defense News. Et, il est possible qu’elle ait un lien avec l’intention prêtée à M. Biden de proposer à Riyad un nouvel accord de défense [avec la vente d’armes à la clé] en échange de sa reconnaissance d’Israël…

Quoi qu’il en soit, lors d’un déplacement à Riyad, le 8 septembre, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a dit avoir eu des « échanges fructueux sur la sécurité et stabilité dans le Golfe et au-delà » avec Kalid ben Salman, son homologue saoudien.

Et d’ajouter, sans donner plus de détails : « Nous partageons la même volonté d’approfondir notre relation bilatérale militaire et de développer ensemble, des projets industriels innovants ».

Les domaines de coopération en matière de défense sont nombreux… Mais il est tentant de penser que le sujet du Rafale a été évoqué par les deux dirigeants…

Cela étant, de son côté, le ministre saoudien n’a pas parlé de « projets innovants » mais « d’opportunités de coopération et de coordination conjointe dans les domaines militaires » ainsi que des « moyens de les renforcer et de les développer ».

Sur ce point, le dernier rapport au Parlement sur les exportations françaises d’équipements militaires note que « au Proche et Moyen-Orient, différents facteurs [recherche d’une autonomie accrue à la suite de certains embargos de pays européens sur les armes lors du conflit au Yémen, anticipation de la fin de la manne pétrolière, nécessité de développer une politique sociale et économique, etc.] ont amené certains pays à mettre en place, en marge des contrats d’armement, des mesures destinées à développer localement leur industrie de défense ».

Ainsi, poursuit-il, « c’est le cas de l’Arabie Saoudite, dans le cadre du projet ‘Vision 2030’ de diversification de son économie et de développement de l’industrie locale, notamment au travers de transferts de technologies et de productions dans le cadre des acquisitions de défense ».

À noter que, après l’avoir reçu à l’Élysée en juin dernier [et pour la seconde fois en un an], le président Macron rencontrera le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, à l’occasion du sommet du G20, qui se tient actuellement en Inde.

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