Berlin porte un coup sans doute fatal au projet de char franco-allemand de nouvelle génération

Lors des débats sur le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, des parlementaires suggérèrent de financer une solution intermédiaire pour faire le lien entre le Leclerc et la mise en service du char franco-allemand de nouvelle génération devant être issu du projet MGCS [Main Ground Combat System – Système principal de combat de terrestre], alors embourbé en raison de désaccords entre les industriels concernés. Seulement, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’y opposa… alors que, de son côté, Berlin venait de donner un gros coup de pouce au Leopard 2A8, la dernière version du Leopard 2 proposée par Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall.

En juillet, lors d’un déplacement à Berlin pour relancer ce programme, ce dernier déclara avoir eu des « discussions franches et décisives » avec Boris Pistorius, son homologue allemand. Et d’annoncer que les états-majors allaient se consulter pour établir un « document de base » commun afin d’harmoniser leurs attentes au sujet du MGCS. Et cela, six ans après son lancement… Une nouvelle rencontre était prévue d’ici la fin de cette année pour faire le point.

Aura-t-elle lieu? Rien n’est moins sûr… En effet, le 6 septembre, le quotidien économique allemand Handelsblatt, qui s’était déjà fait l’écho des doutes de Berlin au sujet du MGCS, a révélé que l’Allemagne venait de s’associer avec l’Italie, l’Espagne et la Suède pour développer un nouveau char de combat, décrit comme devant être le « successeur du Leopard 2″… De fait, la France se retrouve le bec dans l’eau…

Qui plus est, les pays associés à cette initiative allemande entendent demander « plusieurs centaines de millions d’euros » au Fonds européen de défense [FEDef] afin de financer le développement de ce nouveau char. En outre, des contrats auraient déjà été notifiés aux industriels concernés, avance Handelsblatt.

Ironie de l’histoire, il a récemment été rapporté que Paris envisageait d’élargir le projet MGCS à l’Italie, afin de trouver un nouvel équilibre avec l’Allemagne, celle-ci ayant agi de la même manière avec l’Espagne pour le programme SCAF [Système de combat aérien du futur].

Outre Krauss-Maffei Wegmann [ou KNDS] et Rheinmetall [qui, au passage, propose déjà le char KF-51 « Panther »], ce projet porté par l’Allemagne devrait réunir l’italien Leonardo [via Oto-Melara] et le suédois Saab. L’industriel espagnol n’a pas été précisé… mais il pourrait s’agir de Santa Bárbara Sistemas ou de TESS Defence.

Cela étant, l’Italie [qui envisage par ailleurs la commande de 125 Leopard 2A8] et l’Espagne [via un document intitulé « Fuerza 2035 » et publié en 2019] avaient très vite fait part de leur intérêt pour le MGCS. Mais, à l’époque, la France fit valoir qu’il était encore trop tôt pour accueillir de nouveaux partenaires dans ce programme. Aussi, les autorités italiennes avaient évoqué l’idée de lancer un projet concurrent. Quant à la Suède, elle avait demandé un statut d’observateur, comme, du reste, le Royaume-Uni.

Dans un rapport publié en 2020, le ministère allemand de la Défense, avait soutenu l’idée d’ouvrir le projet MGCS « aux autres membres de l’Union européenne et de l’Otan » ainsi qu’à « d’autres partenaires potentiels ». Et il avait dit souhaiter la participation du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède, de l’Espagne et de l’Italie. Visiblement, il est presque arrivé à ses fins…

Est-ce une réponse à l’ambitieux projet d’avion de combat Rafale F5 porté par la France, perçu à Berlin comme étant un possible « plan B » pour le SCAF? Toujours est-il que le projet de mettre au point un sucesseur au Leopard 2 met en péril le MGCS, dont le char de combat n’est qu’un élément puisqu’il doit déboucher sur un « système de systèmes » dans lequel cohabiteront des blindés, des robots et des drones au sein d’un « cloud de combat ». Ce qui nécessite de développer d’autres briques « technologiques ».

« Nous avons la volonté, de toute manière, d’avoir un avenir à notre feuille de route de char de combat. C’est suivi au plus haut niveau de l’État. Et donc, là aussi, il y a des jalons […] qui nous permettront de développer des solutions alternatives si jamais on se rend compte que le programme MGCS ne se réalise pas comme prévu », avait cependant expliqué Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], lors d’une audition parlementaire.

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