La Roumanie admet que son territoire a été touché lors d’une frappe russe contre des ports ukrainiens

Depuis qu’elle a refusé de reconduire l’accord qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses céréales via la mer Noire, la Russie a multiplié les frappes, menées le plus souvent avec des munitions téléopérées [MTO] Shahed-136/Geran-2, contre les infrastructures portuaires ukrainiennes, notamment celles d’Odessa, de Reni et d’Ismail, ces dernières localités étant situées dans les bouches du Danube, non loin de la frontière avec la Roumanie, membre de l’Otan.

Selon les autorités ukraniennes, de telles frappes visent les infrastructures industrielles civiles ainsi que les silos à grains et des entrepôts de céréales. « Chaque attaque russe contre ces ports porte un coup aux prix mondiaux des denrées alimentaires, à la stabilité sociale et politique en Afrique et en Asie », a d’ailleurs commenté le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, après un raid russe mené le 16 août dernier.

À Moscou, on se défend évidemment de vouloir porter atteinte à la « sécurité alimentaire mondiale » en ciblant les installations portuaires ukrainiennes. Et de justifier de telles frappes en affirmant qu’elles visent les dépôts de carburants de l’armée ukrainienne. Tel est, en tout cas, l’argument servi pour celles ayant une nouvelle fois touché le port de Réni, le 3 septembre.

Les frappes effectuées contre les ports de Reni et d’Ismail sont systématiquement et fermement condamnées par les autorités roumaines car elles sont « injustifiées et en profonde contradiction avec les règles du droit humanitaire international ».

Mais ces dernières semblent redouter par-dessus tout de voir tomber un drone kamikaze russe du mauvais côté de la frontière… Ce qui ne manquerait pas d’avoir des répercussions diplomatiques. Aussi prennent-elles soin de préciser, dans leurs réactions, que les frappes menées par la Russie « n’ont à aucun moment généré de menace militaire directe pour le territoire national ou les eaux territoriales de la Roumanie ».

Or, après les dernières frappes contre Ismail, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a affirmé détenir des preuves selons lesquelles des MTO russes seraient tombés en Roumanie.

« Selon les informations des gardes-frontières de l’Ukraine, au cours d’une attaque massive menée par la Russie dans la zone du port [ukrainien] d’Izmaïl, des [drones] ‘Shahed’ russes sont tombés et ont explosé sur le territoire de la Roumanie cette nuit », a en effet affirmé Oleg Nikolenko, le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, le 4 septembre.

Et d’ajouter : « C’est une nouvelle confirmation du fait que la terreur des missiles russes constitue une menace énorme non seulement pour la sécurité de l’Ukraine mais aussi pour celle des pays voisins, y compris des États membres de l’Otan ».

Une telle déclaration fait penser à l’affaire du missile de défense aérienne S-300 tombé près de la localité polonaise de Przewodów, en novembre 2022. À l’époque, Kiev avait affirmé que l’engin avait été tiré par les Russes… ce qui aurait pu conduire Varsovie à faire valoir la clause de défense collective prévue par l’article 5 du traité de l’Atlantique-Nord. Finalement, il s’avéra que le missile en question était… ukrainien.

Quoi qu’il en soit, le ministère roumain de la Défense a démenti les affirmations du porte-parole de la diplomatie ukrainienne. Et d’assurer qu’il exerçait une surveillance en « temps réel » de la situation.

« Il n’y a pas de débris, pas de drone ou d’autre bout d’appareil qui ont atteint la Roumanie. […] Nous avons un contrôle total de notre espace aérien. Nous avons absolument tout vérifié et je peux rassurer la population », a enchéri Klaus Iohannis, le président roumain, le 5 septembre. « Mais oui, nous sommes inquiets du fait de la très grande proximité » de ces attaques répétées, a-t-il ensuite admis.

Cependant, Kiev a maintenu ses affirmations. Il y a une « tendance de la part de la Roumanie à minimiser certains événements afin de ne pas être entraînée dans un conflit direct », a ainsi affirmé Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères. « Il est inutile de nier » que des drones russes sont tombés en Roumanie car « il existe des photos que nous sommes prêts à partager pour le prouver », a-t-il dit.

En outre, le groupe d’analystes de renseignements en sources ouvertes [OSINT] GeoConfirmed a par la suite affirmé qu’au moins un drone russe était tombé dans une zone agricole située sur le territoire roumain. Et de donner les coordonnées : 45°19’43.9″N 28°48’13.0″E.

Finalement, le gouvernement roumain a dû se rendre à l’évidence. Ce 6 septembre, son ministre de la Défense, Angel Tilvar, a admis que les débris d’un drone russe présumé avaient été retrouvés en Roumanie. « Je confirme que des pièces qui pourraient être des éléments d’un drone ont été trouvées », a-t-il en effet concédé, lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision Antena 3 CNN.

« On a constaté que dans un laps de temps assez court, la Russie a lancé une série d’attaques contre les installations portuaires et les entrepôts ukrainiens. C’est pourquoi je pense qu’il est important de renforcer les mesures de vigilance. Nous aurons plus de points d’observation, plus de patrouilles », a expliqué M. Tilvar.

Le porte-parole du ministère roumain de la Défense, Constantin Spînu, a ensuite précisé que « plusieurs fragments assimilables à des éléments de drones » avaient été découverts dans la soirée du 5 septembre… et qu’ils pouvaient provenir d’attaques précédentes. « Nous rendrons les conclusions publiques dès que possible, car une telle situation ne peut pas rester sans réponse », a-t-il dit.

Reste à voir la réaction de Bucarest… Interrogé sur ce qu’il ferait dans le cas où des munitions russes toucheraient le territoire roumain, le président Iohannis avait assuré qu’il ne serait pas pris au dépourvu. « Lors du dernier sommet de l’Otan, nous avons décidé de choses concrètes et je sais exactement quoi faire si quelque chose tombe sur le sol de l’Otan. Tout est précisé dans nos procédures » et « il existe des scénarios et des plans pour chaque incident possible », avait-il en effet expliqué, sans livrer plus de détails.

Photo : Débris de drone Shahed-136/Geran-2 – Archive

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