Paris a des « échanges » avec l’état-major nigérien au sujet d’un retrait partiel de ses troupes

Comment maintenir une présence militaire relativement importante dans un pays dont on ne reconnaît pas la légitimité de ses dirigeants parce qu’ils sont arrivés au pouvoir à la faveur d’un coup d’État? Telle est la question posée à la France au sujet de ses troupes déployées au Niger, où, le 26 juillet dernier, des putschistes ont déposé Mohamed Bazoum, le président en exercice.

Et, histoire de compliquer la situation, ceux-ci ont dénoncé les accords de défense liant Paris à Niamey, exigé le départ des militaires français et déclaré Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, persona non grata.

« Il est notre représentant auprès des autorités légitimes du Niger […], nous n’avons pas à nous ranger aux injonctions d’un ministre qui n’a aucune légitimité », a encore fait valoir Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, dans les pages du quotidien Le Monde, au sujet du diplomate. « C’est ce qui explique le maintien de notre ambassadeur. Nous nous assurons qu’il puisse faire face en toute sécurité aux pressions des putschistes », a-t-elle insisté.

La ministre a repris le même argument pour la présence des forces françaises au Niger. « Il est important de rappeler que ces troupes sont là à la demande des autorités du Niger, pour les appuyer dans la lutte contre les groupes armés terroristes, et pour mener des actions de formation », a-t-elle rappelé. Cependant, a-t-elle concédé, « aujourd’hui, cette mission ne peut plus être assurée, puisque nous n’avons plus, de facto, d’opérations menées conjointement avec les forces armées nigériennes ».

Le souci est que cette situation risque de s’éterniser car, évidemment, les putschistes ne sont pas pressés de rendre le pouvoir. Le 21 août, leur chef, le général Abdourahamane Tchiani, a ainsi évoqué une « transition de trois ans »…

Ce qui a été qualifié de « plaisanterie » par la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest [CÉDÉAO], laquelle a pris des sanctions à l’égard du Niger après le coup d’État et menacé de lancer une intervention militaire pour restaurer l’ordre constitutionnel dans le pays… Une menace qui n’a pour le moment pas été suivie d’effet… et dont on voit mal comment elle pourrait être mise à exécution en raison de l’opposition qu’elle suscite au sein de l’Union africaine [UA].

Cependant, l’idée d’une « transition » au Niger semble faire son chemin, alors que la Chine a offert ses bons offices pour trouver une issue à cette « crise » nigérienne. Ainsi, le président nigérian, Bola Tinubu, qui dirige actuellement la CÉDÉAO, a récemment ouvert la porte à une éventuelle transition… mais à condition qu’elle soit courte, comme cela fut le cas pour son pays, en 1999. Il « n’y a pas de raison que celui ne puisse pas se reproduire au Niger, si les autorités militaires sont sincères », a-t-il fait valoir.

En attendant, placé à la tête du gouvernement nigérien par les putschistes, Ali Mahaman Lamine Zeine a estimé, le 4 septembre, que les forces françaises présentes dans son pays se trouvaient dans une « position d’illégalité ». Et d’ajouter que des « échanges » étaient en cours afin de « permettre très rapidement » leur retrait. « Ce qui nous intéresse c’est, si possible, de maintenir une coopération avec un pays avec qui on a partagé énormément de choses », a-t-il ensuite ajouté. Ce qui est une position assez curieuse… Pourquoi, alors, avoir dénoncé les accords militaires?

Quoi qu’il en soit, rapporte l’AFP, le ministère des Armées a confirmé des « échanges » avec les forces armées nigériennes… mais pas avec la junte. Il s’agit, a-t-il expliqué, de « faciliter les mouvements de moyens militaire français » présents dans le pays.

« Des échanges de coordination fonctionnelle existent localement entre militaires pour faciliter les mouvements de moyens militaires français immobilisés depuis la suspension de la coopération anti-terroriste », a en effet affirmé le ministère, sans donner plus de détails sur la nature de ces « mouvements » et sans évoquer, non plus, de « retrait ».

Cependant, s’appuyant sur les confidences de sources françaises « proches du dossier », le journal « Le Monde » avance que des « discussions sur le retrait de certains éléments militaires ont commencé », ce qui se justifierait par le fait que la « coopération antiterroriste est interrompue ».

Les unités basées à Ouallam et à Ayorou seraient les premières concernées. Elles « pourraient être redéployées dans la région, notamment au Tchad voisin, ou être directement rapatriées à Paris », écrit le quotidien.

Photo : Archives / État-major des armées

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