Aviation de combat du futur : L’Arabie Saoudite sème la zizanie entre le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon

En décembre 2022, le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon trouvèrent un accord pour établir une coopération afin de développer un « avion de combat de nouvelle génération » dans le cadre du « Global Combat Air Programme » [GCAP]. En clair, le projet britannique Tempest, dévoilé en juillet 2018, allait fusionner avec le programme japonais F-3. Pour justifier cette alliance, les trois pays avaient mis en avant leur détermination à « défendre l’ordre international libre, ouvert et basé sur des règles » et leurs valeurs communes.

Cela étant, d’autres pays pourraient être intéressés par une participation au GCAP. La Suède et la Belgique ont été citées… Mais c’est l’Arabie Saoudite qui se verrait bien devenir le quatrième partenaire de ce programme. En mars dernier, le ministre saoudien de la Défense, Khalid bin Salman, laissa entendre qu’une déclaration d’intention avait été signée à cette fin… Ce que Londres s’empressa de démentir, en évoquant seulement une « étude de faisabilité » pour déterminer les contours d’une éventuelle coopération entre Londres et Riyad sur de futures capacités en matière d’aviation de combat.

Cela étant, comme le dit l’adage, il n’y a pas de fumée sans feu. Et cette volonté saoudienne de rejoindre le GCAP a été confirmée, la semaine passée, par plusieurs sources proches du dossier auprès du Financial Times. Et celles-ci ont précisé que cette requête avait engendré des tensions entre Londres, Rome et Tokyo.

En effet, si le Royaume-Uni et l’Italie sont ouverts à l’idée d’une participation de l’Arabie Saoudite au GCAP, ce n’est pas le cas du Japon, qui s’y oppose fermement. Et cela, malgré la supplique adressée par le prince héritier Mohammed bin Salman au Premier ministre japonais, Fumio Kishida, lors d’un entretien à Djeddah, en juillet dernier.

Pour résumer la position des uns et des autres, Londres considère que la participation de Riyad impliquerait une contribution financière potentiellement importante. Selon le Financial Times, il serait question de « dizaines de milliards de dollars ».

« L’Arabie Saoudite est l’un des partenaires stratégiques du Royaume-Uni et le ministère de la Défense souhaite approfondir les travaux sur le GCAP. Nous considérons Riyad comme pouvant être un partenaire clé dans ce programme », a ainsi confié un responsable britannique de « haut niveau ».

Quant au Japon, il met en avant plusieurs arguments pour s’opposer à l’arrivée de l’Arabie Saoudite dans le GCAP. D’abord, il estime que cela affecterait le débat en cours sur l’assouplissement des restrictions qu’il s’est donné en matière d’exportations d’équipements militaires. Ensuite, et Dassault Aviation ne dit pas autre chose s’agissant du SCAF [Système de combat aérien du futur], la venue d’un quatrième partenaire ne pourrait que compliquer davantage les aspects industriels et technologiques du projet… même si Riyad n’a pas grand chose à apporter sur ces plans là. Enfin, Tokyo met en avant des préoccupations concernant la sécurité entourant le partage d’informations sensibles.

Quoi qu’il en soit, rejoindre le GCAP serait un moyen pour l’Arabie Saoudite d’atteindre son objectif de devenir un producteur d’équipements militaires… et non plus seulement un importateur.

« Le fait que l’Arabie Saoudite puisse rejoindre le Royaume-Uni et l’Italie montre également que les grandes puissances prennent le pays plus au sérieux qu’auparavant, bien que le Japon traîne les pieds, et cela représenterait un tournant diplomatique et commercial pour le royaume », a d’ailleurs estimé Neil Quilliam, un expert du Moyen-Orient au Royal Institute of International Affairs [Chatham House, ndlr], dans les pages du Telegraph.

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