Les F-16 promis à Kiev ne devraient pas être prêts d’ici l’été 2024; Une rumeur sur un don de Mirage 2000 enfle

En mai, peu avant le sommet du G7 à Hiroshima [Japon], le président américain, Joe Biden, a fini par donner son accord au don à l’Ukraine de chasseurs-bombardiers F-16 par une « coalition » de pays européens, comprenant notamment les Pays-Bas, le Danemark, la Pologne et la Belgique [*].

Cependant, convaincre Washington n’aura pas été le plus difficile, d’autant plus que Kiev a donné l’assurance que de tels appareils ne seraient pas utilisés pour mener des frappes en Russie. En effet, il ne suffit pas de livrer des F-16 pour que ceux-ci soient opérationnels dans les plus brefs délais. Pour cela, il faut former non seulement des pilotes ukrainiens jusqu’alors habitués aux commandes d’avions de combat de facture soviétique mais aussi les techniciens au sol, sans lesquels aucune mission n’est possible.

Peu avant le feu vert donné par M. Biden Yahoo News s’était fait l’écho d’une note de l’US Air Force, selon laquelle il suffirait de seulement quatre mois à des pilotes ukrainiens chevronnés pour s’approprier le F-16 et son système d’armes. Mais seulement pour des « tâches minimales », c’est à dire que les procédures relatives au ravitaillement en vol ou encore à l’appui aérien rapproché ne leur avaient pas été enseignées. En outre, rien n’avait été dit au sujet de la formation des techniciens au sol, ainsi que sur la chaîne logistique et les infrastructures à mettre en place pour utiliser ce type d’avion.

En juillet, lors du sommet de l’Otan tenu à Vilnius [Lituanie], les pays formant la « coalition F-16 pour l’Ukraine » ont annoncé que l’entraînement des pilotes ukrainiens débuterait sans tarder au Danemark et qu’un centre de formation serait créé en Roumanie pour la suite des opérations. « Nous savons à quel point la défense aérienne est importante et nous commencerons très bientôt », avait alors insisté Kajsa Ollongren, la ministre néerlandaise de la Défense.

Seulement, ce plan s’avère plus compliqué à mettre en oeuvre que prévu, comme vient de le révéler le Washington Post [édition du 11 août]. Et il apparaît que les premiers pilotes ukrainiens de F-16 ne devraient pas être opérationnels d’ici l’été 2024, en raison de plusieurs obstacles.

Le premier est linguistique. Sur les trente-deux pilotes ukrainiens pressentis pour prendre les commandes d’un F-16, seuls huit ont démontré qu’ils maîtrisaient la langue anglaise pour apprendre à piloter l’appareil américain. Mais pas encore assez pour s’approprier les termes techniques.

Aussi, ces pilotes ukrainiens doivent suivre un stage de quatre mois au Royaume-Uni pour parfaire leurs connaissances. Et, finalement, ils ne pourront se familiariser avec le F-16 qu’à partir de janvier prochain. Ce qui devrait prendre six mois de plus.

En outre, comme la force aérienne ukrainienne ne peut que difficilement se passer de ses pilotes les plus expérimentés, la formation de ceux qu’elle destinera à piloter des F-16 prendra plus de temps… étant donné qu’ils auront plus à apprendre. Et, comme l’a indiqué un porte-parole du ministère néerlandais de la Défense au Washington Post, un autre problème est la pénurie d’instructeurs au sein des pays de la « coalition F-16 ». Et pour cause : la plupart d’entre-eux sont en train de mettre progressivement en service des F-35A.

Sur ce point, le porte-parole du Conseil de la sécurité nationale américain, John Kirby, a indiqué que la formation des pilotes ukrainiens pourrait finalement se faire aux États-Unis.

« Nos alliés européens […] mènent cet effort. Mais si leurs capacités de formation sont insuffisantes, nous sommes tout à fait disposés à former les pilotes ukrainiens ici, aux Etats-Unis », a-t-il en effet déclaré, lors d’un point de presse, le 11 août. Et de souligner qu’il faudra un « certain temps » avant que les F-16 « ne soient intégrés à la force aérienne ukrainienne » d’autant que cela implique « la mise en place de toute la logistique de maintenance et des efforts de maintien en condition opérationnelle qui vont de pair avec la présence d’avions modernes ».

Quoi qu’il en soit, alors que la livraison de F-16 à Kiev prendra du temps, une rumeur circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Et elle affirme que des Mirage 2000 auraient été livrés par la France à l’Ukraine.

Ainsi, rédacteur en chef « digital » chez Air et Cosmos et par ailleurs impliqué dans l’aide fournie aux Ukrainiens, Xavier Tytelman a dit avoir eu vent de « rumeurs » sur la présence de tels avions en Ukraine « depuis deux semaines ».

Une telle rumeur n’est pas sans fondement… D’abord, la France a des Mirage 2000C en réserve, notamment ceux ayant récemment été retirés du service au moment de la mise en sommeil de l’escadron de chasse 2/5 « Île-de-France ».

Puis, en mars, le quotidien Le Figaro révéla que des pilotes ukrainiens étaient en France depuis déjà plusieurs semaines pour suivre une « formation accélérée » pour apprendre à piloter des Mirage 2000. Et de préciser que celle-ci avait lieu sur les bases aériennes de Mont-de-Marsan et de Nancy [qui, justement, assure, depuis 2022, la « transformation » des équipages de l’armée de l’Air & de l’Espace sur Mirage 2000, ndlr]. « La France veut se garder toutes latitudes. Si un jour la décision politique est prise, il faudra que les pilotes soient formés », avait alors confié une source « proche du dossier » au journal.

Si le ministère des Armées s’est gardé de la moindre confirmation [« nous formons des équipages ukrainiens en France notamment à la défense sol-air et à la survie au cas où leur appareil serait abattu », avait seulement précisé un porte-parole], Le Figaro a toujours maintenu ses informations.

Cela étant, un autre élément est venu étayer cette rumeur. En effet, quand le ministère ukrainien de la Défense a annoncé la mise en service des missiles de croisière SCALP livrés par la France, il a montré le président Zelensky en train d’apposer sa signature sur l’un de ces engins. Or, et outre la mention SCALP EG écrite en bleu, blanc et rouge, on pouvait y distinguer une image associant la moitié d’un Su-24 Fencer à celle d’un… Mirage 2000.

[*] La liste complète : Belgique, Canada, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Luxembourg, Royaume-Uni et Suède, les trois derniers pays cités n’ayant jamais utilisé de F-16.

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