Le Pentagone cherche des solutions pour capturer les ballons espions stratosphériques

Historiquement délaissée en raison d’un manque de moyens pour y intervenir, la couche de l’atmosphère qui commence à 20 km d’altitude et qui s’étend jusqu’à la limite inférieure de l’espace extra-atmosphérique [fixée à une hauteur de 100 km par la Fédération aéronautique internationale] constitue un espace où tout est pratiquement permis puisqu’il n’est pas possible de le réglementer. Aussi peut-elle être une nouvelle source de menaces, comme l’a souligné un colloque organisé par l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] au début de cette année.

D’ailleurs, lors d’une récente audition au Sénat, son chef d’état-major [CEMAAE], le général Stéphane Mille, a confirmé qu’une stratégie dédiée à ce que l’on appelle la « très haute altitude » [THA] allait être prochainement dévoilée.

« Nous nous sommes assurés que nos radars pourraient, moyennant certains réglages, être en mesure de détecter les ballons dans la tranche d’altitude où ils ont été détectés aux États-Unis, c’est-à-dire la tranche basse de la tranche évoquée. Nous n’avons pas de radars permettant d’observer ce qui se passe dans la partie haute de cette tranche. Nous sommes en capacité d’utiliser les mêmes moyens d’interception que les Américains », a-t-il expliqué.

Le CEMAAE a ainsi fait référence à l’affaire qui mit les États-Unis en émoi en février dernier, quand un ballon stratosphérique chinois fut repéré alors qu’il survolait les sites sensibles américains, dont les bases de lancement de missiles balistiques stragégiques Minuteman III. Pour rappel, cet aérostat fut abattu par un F-22A Raptor, au large de Myrtle Beach [Caroline du Sud], à une altitude comprise entre 60’000 et 65’000 pieds.

L’analyse des débris de ce ballon chinois a permis de déterminer qu’il se livrait bien à des activités d’espionnage. Cela étant, et curieusement, il n’aurait pas transmis de renseignements à Pékin. C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé le général Pat Ryder, le porte-parole du Pentagone, en juin dernier.

« Nous estimons aujourd’hui qu’il n’a pas collecté d’informations pendant qu’il traversait les États-Unis ou les survolait », a-t-il en effet déclaré, avant de laisser entendre que les mesures prises par les forces américaines pour limiter l’éventuelle « moisson » de renseignement par ce ballon avaient « certainement aidé ».

Cependant, il est apparu que l’aérostat en question était équipé de composants de fabrication… américaine ainsi que de systèmes chinois « fortement influencés par la technologie dérivée d’autres pays », selon la Defense Intelligence Agency [DIA]. Cela étant, les analyses sont toujours en cours.

Par ailleurs, selon le général Glen VanHerck, le chef du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord [NORAD], le périple de ce ballon chinois au-dessus des États-Unis a révélé des « lacunes dans la capacité à détecter les menaces » évoluant à très haute altitude. « Nos radars étaient capables de le voir mais nous filtrions alors ces données », a-t-il expliqué à NBC News, le 20 juillet dernier. « Nous avons beaucoup appris. Et j’ai aussi appris que je devais pouvoir voir plus loin, plus loin dans le Pacifique, plus loin dans l’Arctique et dans l’Atlantique », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, cette affaire a donné matière à réfléchir… Et la DARPA, l’agence du Pentagone dédié à l’innovation, vient de lancer le programme CAPTURE [pour Capturing Aerial Payloads to Unleash Reliable Exploitation] qui, comme son nom l’indique, vise à développer une solution pour capturer un ballon stratosphérique. Ce qui serait par ailleurs plus économique que de le détuire avec un missile air air AIM-9X Sidewinder.

Ce programme se concentre « sur la capacité à amener les systèmes stratosphériques à l’altitude, à l’endroit et au moment de notre choix afin de minimiser les dommages collatéraux, récupérer sa charge utile et réduire le coût de la réponse », a confié Kyle Woerner, le chef de ce projet à la DARPA, auprès d’Aviation Week.

Une sollicitation a été adressée aux entreprises de défense « non traditionnelles », via le dispositif SBIR [Small Business Innovation Research] de la DARPA. La date limite pour y répondre a été fixée au 21 septembre.

Ce qui suppose que les candidats potentiels auront plusieurs défis techniques à relever… puisqu’il s’agira d’imaginer une solution pour capturer des objets évoluant à des altitudes que seuls deux types d’avions militaires américains sont en mesure d’atteindre, à avoir le U-2 Dragon Fly et le F-22A Raptor [et encore, le plafond maximal pour ce dernier est de 65’000 pieds…]. Ensuite, la « capture » de l’objet , « potentiellement non coopératif », devra se faire d’une « manière permettant une descente contrôlée ».

Cependant, le projet CAPTURE ne trouvera pas nécessairement une traduction opérationnelle, l’objectif étant surtout de faire émerger des concepts. « La mission de la DARPA se concentre sur la suppression rapide des risques les plus compliqués faisant partie d’un problème spécifique », a rappelé Kyle Woerner.

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