La tension monte entre Manille et Pékin au sujet d’un atoll situé en mer de Chine méridionale

Le mode opératoire est quasiment toujours le même : quand elle revendique sa souveraineté sur un îlot qui ne lui appartient pas, la Chine envoie dans ses environs une flottille de navires de pêche, qui appartiennent en réalité à sa milice maritime [PAFMM – People’s Armed Forces Maritime Militia], sous la protection de sa garde côtière. Puis, de fil en aiguille, elle s’approprie le territoire convoité et met le pays auquel il appartenait devant le fait accompli.

C’est ainsi que, dans les années 1990, les Philippines ont dû abandonner le récif Mischief qui, situé dans l’archipel Spratley, en mer de Chine méridionale, abrite désormais une base de l’Armée populaire de libération [APL]. Et il est arrivé la même chose à l’atoll Scarborough, en 2012. Et même si, quatre ans plus tard, Manille a porté l’affaire devant la Cour pemanente d’arbitrage [CPA] de La Haye et obtenu gain de cause.

Pour autant, cette décision, considérée comme nulle et non avenue par les autorités chinoises, n’a rien changé à la situation de cet atoll. Mieux : Pékin lorgne sur d’autres îlots philippins, poussant ainsi Manille à renforcer sa coopération militaire avec Washington. Coopération qui avait été mise à mal durant le mandat du président Rodrigo Duterte [2016-22], celui-ci ayant amorcé un rapprochement avec la Chine et la Russie.

Quoi qu’il en soit, et après Mischief et Scarborough, la Chine convoite les îlots de Pag Asa et de Whitsun [encore appelé « Juan Felipe »], ce qui donne régulièrement lieu à de vives tensions entre les forces philippines et les gardes-côtes chinois. Mais ces derniers temps, c’est l’atoll d’Ayungin [ou Re’nai pour les Chinois], encore appelé Second Thomas Shoal, qui cristallise les relations entre Manille et Pékin.

Situé à 200 km de l’île philippine de Palawan et à 1000 km de Hainan, où sont basés des sous-marins chinois, le Second Thomas Shoal est gardé par une petite unité de Marines philippins, laquelle tient garnison dans le BRP Sierra Madre, un ancien navire américain de la Seconde Guerre Mondiale qui y a été volontairement échoué à la fin des années 1990. Évidemment, cela ne peut que contrarier les plans de Pékin pour se l’approprier.

Aussi, la tactique mise en oeuvre par la Chine consiste à empêcher le ravitaillement de la garnison établie à bord du BRP Sierra Madre. Un premier incident a ainsi été rapporté en 2014. À l’époque, deux navires civils philippins avaient été contraints de renoncer à accoster sur le récif par la garde côtière chinoise. Si Manille avait émis une protestation diplomatique, Pékin fit valoir que les bateaux philippins avaient « violé la souveraineté territoriale de la Chine » ainsi qu’un code de bonne conduite en mer de Chine méridionale signé en 2002.

S’il en fut [un peu] moins question par la suite, le Second Thomas Shoal connaît actuellement un regain d’intérêt. Ainsi, le 5 août, les gardes-côtes chinois ont fait usage d’un canon à eau pour empêcher une opération de ravitaillement de la garnison philippine qui y est installée. Cette action a été condamnée par les États-Unis, qui ont parlé d’agissements « dangereux » ainsi que par le Canada et le Japon tandis que le le Royaume-Uni et l’Union européenne ont « exprimé leurs inquiétudes ».

Pour rappel, depuis janvier 2021, la garde côtière chinoise a reçu de nouveaux pouvoirs puisqu’elle est autorisée à utiliser « tous les moyens nécessaires » [dont les armes] pour dissuader toute menace posée par des navires étrangers naviguant dans les eaux « sous juridiction » chinoise. En outre, elle peut également effectuer des « frappes préventives sans avertissement préalable » si nécessaire.

Évidemment, Manille n’a pas manqué de réagir à cet incident, notamment en convoquant l’ambassadeur de Chine pour lui remettre une « note verbale comprenant des photos et des vidéos sur ce qui s’est passé ».

« Pour mémoire, nous n’abandonnerons jamais l’atoll d’Ayungin. Nous sommes attachés à l’atoll d’Ayungin », a fait valoir Jonathan Malaya, le porte-parole du Conseil national philippin de sécurité.

Seulement, pour la Chine, il n’y a pas de discussion à avoir au sujet du Second Thomas Shoal. En effet, ce 8 août, elle a exhorté Manille à retirer le BRP Sierra Madre de l’atoll. « Les Philippines, à maintes reprises, se sont explicitement engagées à enlever ce navire militaire en le remorquant. Mais 24 ans ont passé. Non seulement les Philippines ne l’ont pas enlevé, mais elles tentent en plus de le réparer et de le consolider, à grande échelle, afin de concrétiser leur occupation permanente de Ren’ai », a répondu un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

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