L’éventuel choix de l’avion de patrouille maritime P-8A Poseidon est contesté au Canada

En juin, l’agence chargée de l’exportation des équipements militaires américains [DSCA – Defense Security Cooperation Agency] a publié un avis favorable à la vente de 16 avions de patrouille maritime P-8A Poseidon au Canada, pour un montant évalué à 5,9 milliards de dollars. Et cela, en réponse à une demande adressée quelques semaines plus tôt par le ministère canadien de l’Approvionnement, dans le cadre du programme « Aéronef multimissions canadien » [AMMC], lequel vise à remplacer les 14 CP-140 Aurora actuellement mis en oeuvre par l’Aviation royale canadienne [ARC].

Même si aucune décision définitive n’a été encore prise [celle-ci devra être basée sur « les capacités offertes, la disponibilité, les prix et les avantages pour l’industrie canadienne », a fait valoir Ottawa], le P-8A Poseidon paraît bien placé pour succéder au CP-140, d’autant plus que, dans l’optique d’éventuelles compensations industrielles, son constructeur, Boeing, s’est associé au groupe CAE, lequel fédère 81 sous-traitants canadiens.

Cela étant, un autre industriel lorgne sur ce marché. En effet, Bombardier Defense a récemment fait savoir qu’il proposerait au ministère canadien de la Défense une solution de patrouille maritime reposant sur l’avion d’affaires Global 6500, doté d’un système de mission fourni par General Dynamics Mission Systems Canada. Seulement, pour pouvoir défendre ses chances face à Boeing, encore faudrait-il qu’un appel d’offres « ouvert et transparent » soit lancé par Ottawa. Ce qui, a priori, n’est pas d’actualité. Du moins, pas encore…

En effet, la semaine passée, les Premiers ministres du Québec et de l’Ontario, à savoir François Legault et Doug Ford, ont publié une déclaration conjointe pour appeler Ottawa à lancer une telle procédure. Leur démarche n’est pas désintéressée : Bombardier et General Dynamics Mission Systems Canada sont implantés dans les provinces qu’ils gouvernent…

« On ne voit pas pourquoi, étant donné les retombées – on parle de plus de cinq milliards de dollars –, le fédéral ne fait pas d’appel d’offres. […] Nous comprenons que le gouvernement américain puisse faire fortement pression sur le gouvernement canadien, mais nous avons une compagnie canadienne qui a des usines en Ontario et au Québec qui peut fournir ce qui est nécessaire », a ainsi fait valoir M. Legault, selon des propos rapportés par Radio Canada. « Je pense que c’est un principe qui devrait être continuellement utilisé par le gouvernement fédéral : si c’est possible d’avoir des retombées économiques au Canada, on devrait le faire », a-t-il ajouté.

« Si Boeing est le meilleur, alors Boeing aura le contrat. Si Bombardier est le meilleur, le contrat ira à Bombardier. Mais ça nous prend un processus juste et équitable. J’aime les produits fabriqués au Canada », a plaidé Doug Ford.

Cet appel a depuis reçu l’appui de David Eby, le Premier ministre de la Colombie-Britannique. « Je soutiens pleinement l’appel lancé par le Québec au gouvernement fédéral pour qu’il utilise son processus d’approvisionnement – comme d’autres pays le font pour la défense – afin de développer des opportunités pour les entreprises canadiennes », a-t-il affirmé. En revanche, les responsables des provinces de Manitoba et de l’Alberta n’ont pas souhaité faire de commentaires.

Reste à voir le sort qui sera fait à la demande de MM. Legault et Ford… Sachant que le P-8A Poseidon a l’avantage d’être déjà sur le marché… alors que le Global 6500 en version « patrouille maritime » n’existe que sur la planche à dessin pour le moment. Cependant, Bombardier assure être en mesure de livrer ses avions à l’Aviation royale canadienne d’ici 2030, qui est la date limite envisagée par Ottawa pour remplacer les CP-140 Aurora.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]