Les drones MQ-9 Reaper block 5 de l’armée de l’Air et de l’Espace ne sont toujours pas autorisés à voler en France

En 2017, soit après trois ans d’utilisation intensive au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, les drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper Block 1 de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] furent autorisés à évoluer dans l’espace aérien français après avoir obtenu un certificat de navigabilité auprès de la Direction de la sécurité aéronautique de l’État [DSAE]. Ce qui permit d’engager, pour la première fois, l’un de ces appareils dans le Dispositif particulier de sûreté aérienne [DPSA] mis en place pour le défilé militaire sur les Champs-Élysées de cette année-là.

Depuis, il a été décidé de porter ces MQ-9 Reaper au standard dit « Block 5 ». Ainsi modernisés, ces appareils disposent d’un nouveau système électrique, de capacités accrues, dont la possibilité d’emporter des missiles air-sol Hellfire et des bombes GBU-48 à guidage laser et GPS en plus des GBU-12 de 250 kg ainsi que d’une suite logicielle et des capteurs plus performants. En clair, il s’agit presque d’un nouveau drone… Et pour le faire voler en France, il faut à nouveau obtenir un certificat de navigabilité. Et, visiblement, cela pose un problème qui n’a toujours pas été réglé à ce jour.

Ainsi, lors d’une audition parlementaire, en juin 2021, Joël Barre, alors Délégué général pour l’armement, avait que expliqué la difficulté avec les MQ-9 Reaper Block 5 venait de ses équipements américains. « L’affaire montre notre degré de dépendance dans ce genre de processus, face à une configuration de logiciel entièrement nouvelle et à un niveau de qualité dont nous ne savons pas s’il est suffisant, alors que nous sommes responsables du niveau de sécurité associée à la mise en œuvre des matériels », avait-il développé.

« Il a fallu instruire la façon dont nous pourrions permettre l’emploi des Reaper Block 5 en opération au Mali, malgré l’incertitude liée au logiciel. Nous avons donc donné un avis technique permettant à l’autorité d’emploi [c’est à dire l’AAE, ndlr] d’utiliser ce drone, uniquement en opération », avait-il ensuite ajouté. Cependant, avait-il ensuite insisté, « il est hors de question qu’il survole le territoire national, parce que nous ne pouvons pas garantir la sécurité du vol d’un tel matériel ».

Deux ans plus tard, on en est toujours au même point. Actuellement, l’AAE – plus précisément la 33e Escadre de reconnaissance et de surveillance – dispose encore de trois MQ-9 Reaper Block 1, lesquels ont d’ailleurs récemment été engagés dans une campagne de tir de GBU-12 à Captieux. Trois autres ont été envoyés aux États-Unis pour être portés au standard Block 5. Quant aux six derniers, déjà « rétrofités », trois sont déployés au Niger et trois se trouvent sur la base aérienne 709 de Cognac… sans pouvoir être utilisés, faute de certificat de navigabilité valable pour l’espace aérien français.

« En France, nous avons trois Block 5 mais nous n’avons pas encore l’autorisation de les faire voler : nous sommes en attente de l’accréditation du certificat de navigabilité pour opérer dans l’espace aérien en métropole. Une nouvelle version logicielle doit être intégrée sur ces appareils, puis être testée et validée par la DGA [Direction générale de l’armement] », a expliqué le commandant de l’escadron de drones 2/33 Savoie au magazine spécialité Raids Aviation.

« Dès que nous aurons la ‘clearance’ pour voler avec les Block 5 en France, nous enverrons nos trois derniers Block 1 en rétrofit », a ajouté l’officier.

Le souci est que du retard est pris pour l’intégration des missiles Hellfire et des bombes GBU-49 sur le Reaper Block 5.

« Nous sommes tributaires de l’accréditation du certificat de navigabilité pour l’intégration de ces nouveaux armements », a en effet affirmé le commandant du 2/33 Savoie. « Le missile Hellfire sera intégré en premier, il sera suivi par la GBU-49 », a-t-il précisé.

Cela étant, un rapport du Sénat, publié en juin 2021, avait dénoncé des « règles de navigabilité et d’insertion dans le trafic aérien » trop « contraignantes » pour les drones militaires.

Ceux-ci sont « soumis à des règles spécifiques, inspirées de celles de l’aviation civile, en ce qui concerne tant leur navigabilité – que leur circulation dans l’espace aérien. Ces règles sont parfois souvent ressenties comme très contraignantes dans la mesure où elles conduisent à freiner la mise en service et l’utilisation de ces systèmes », avaient relevé ses auteurs, avant de recommander un « assouplissement ».

La « phase de certification, nécessaire à la sécurité des zones survolées, est parfois perçue comme excessivement longue , alors que les forces armées ont souvent un besoin urgent des équipements concernés » et les « restrictions constituent un frein à l’utilisation des drones sur le territoire national pour la formation, l’entraînement mais aussi pour les missions de surveillance [postures particulières de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, missions intérieures comme Harpie…] », avaient encore soutenu les sénateurs.

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