La France et l’Inde vont soutenir le développement conjoint d’un « système de combat aérien »

Le 13 juillet, alors que le Premier ministre indien, Narendra Modi, était accueilli à Paris par son homologue française, Elisabeth Borne, le Conseil d’acquisition de la défense [DAC – Defence Acquisition Council] a confirmé l’intention de New Delhi d’acquérir vingt-six chasseurs-bombardiers embarqués Rafale Marine ainsi que trois sous-marins de type Scorpène supplémentaires, ces derniers devant être construits, comme les six précédents, sous licence par Mazagon Dock Shipbuilders Limited [MDL].

« Les 26 Rafale Marine de l’Indian Navy viendront à terme rejoindre les 36 Rafale déjà en service, qui donnent entière satisfaction à l’Indian Air Force, faisant ainsi de l’Inde le premier pays à faire le même choix militaire que la France en opérant les deux versions de l’avion pour contribuer à assoir sa supériorité dans les airs et sur les mers et à garantir sa souveraineté », a souligné Dassault Aviation, via un communiqué diffusé le 14 juillet.

À noter que Naval Group n’a pas encore réagi à l’annonce indienne au sujet des trois sous-marins Scorpène.

Cela étant, l’essai reste à transformer, des négociations devant être menées afin de préciser la valeur et les modalités des contrats afférents à ces deux programmes d’armement.

Cependant, d’autres projets devraient être conduits conjointement par la France et l’Inde en matière de défense dans les années à venir. C’est en effet ce qu’indique la feuille de route « vers le centenaire des relations franco-indiennes », publiée par l’Élysée à l’issue de la visite de M. Modi.

« Depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1947 et le rehaussement du partenariat au niveau stratégique en 1998, la France et l’Inde ont constamment agi main dans la main, en s’appuyant sur une confiance mutuelle de haut niveau, un attachement partagé aux principes inscrits dans la Charte des Nations Unies et des valeurs communes ancrées dans le droit international », est-il d’abord rappelé dans cette déclaration.

Et celle-ci insiste sur le renforcement des « capacités souveraines de défense » de la France et de l’Inde, qui se sont engagées à « co-développer » et à « co-produire ensemble des technologies de défense avancées, y compris au bénéfice de pays tiers ». Et l’accent sera notamment mis sur l’aéronautique et la construction navale, l’armement terrestre étant visiblement mis de côté.

Ainsi, la déclaration évoque le soutien au « développement conjoint d’un système de combat aérien », sans plus de précision.

Actuellement, l’Inde mène deux projets d’avions de combat, confiés au constructeur aéronautique HAL, à savoir le TEDBF [Twin Engine Deck Based Fighter], destiné à son aéronautique navale, et l’AMCA [Advanced Medium Combat Aircraft], un appareil de 5e génération susceptible d’être au centre d’un « système de systèmes » incorporant des effecteurs connectés pouvant évoluer en essaim, des drones de type « loyal wingman » [ou « ailier fidèle »].

Certains analystes doutent de la capacité de l’Inde à mener à bien un tel programme, faute de disposer d’une base industrielle et technologique de défense [BITD] suffisamment « robuste ». Et d’avancer que New Delhi pour rejoindre un autre projet, comme le SCAF [système de combat aérien du futur, mené par la France, l’Allemagne et l’Espagne] ou le « Global Combat Air Programme » [GCAP, ex-Tempest, conduit par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon]. D’ailleurs, en avril 2022, Londres lui avait proposé « le meilleur du savoir-faire britannique » dans le domaine de l’aéronautique…

Est-ce au SCAF que fait référence la feuille de route publiée par l’Élysée, avec le possible développement de « briques technologiques » communes? Sans doute… À moins qu’il ne s’agisse du développement du Rafale F5, lequel doit être mis en service à l’horizon 2030.

Quoi qu’il en soit, et toujours dans le domaine de l’aéronautique, le texte cite la participation de Safran Helicopter Engines au programme « India Multi Role Helicopter », un appareil de 10 à 12 tonnes.

« Afin de progresser dans le cadre de ce programme, une convention d’actionnaires entre la société indienne Hindustan Aeronautics Limited et Safran Helicopter Engines pour le développement de moteurs a été conclue. Ces coentreprises s’inscrivent dans l’esprit de confiance mutuelle qui caractérise la relation franco-indienne concernant l’échange et le développement conjoint de composants et d’éléments technologiques essentiels, en se fondant sur l’expérience positive en matière de transfert de technologies entre la France et l’Inde », est-il précisé dans la feuille de route.

S’agissant de la construction navale, le document n’évoque pas explicitement l’acquisition de trois sous-marins Scorpène supplémentaires envisagée par New Delhi. En revanche, avance-t-il, les deux pays se « félicitent du succès du premier programme » P75 « Kalvari » [désignation indienne du Scorpène, ndlr], qui est un « exemple représentatif des capacités industrielles de l’Inde [le ‘Make in India’] et du partage de savoir-faire dans le domaine naval entre les entreprises des deux pays ».

Et il est question d’aller plus loin puisque « la France et l’Inde sont prêtes à étudier des projets encore plus ambitieux afin d’accroître la flotte sous-marine indienne et d’améliorer ses performances ». Cela peut faire référence aux trois Scorpène devant être dotés d’un système AIP qui, développé par l’agence de l’armement indienne [DRDO], permet de prolonger le temps de navigation en plongée. Mais aussi à une éventuelle coopération dans le domaine des sous-marins nucléaires d’attaque [SNA]. Une telle hypothèse avait pris de la consistance en septembre 2021, c’est à dire après l’annonce de l’alliance AUKUS [Australie, Royaume-Uni, États-Unis].

Enfin, la feuille de route met en avant un protocole d’accord entre Naval Group et Garden Reach Shipbuilders and Engineers Ltd [GRSE, l’un des principaux fournisseurs de l’Indian Navy, ndlr] en vue d’établir une collaboration « dans le domaine des navires de surface qui répondent aux besoins des forces navales indiennes et internationales ».

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