M. Macron veut revoir le fonctionnement du ministère des Armées pour éloigner le spectre de « L’étrange défaite »

Étant donné que les « cent jours » arrivent à leur terme, les spéculations sur un éventuel remaniement ministériel vont bon train et les pronostics sur le futur locataire de Matignon ne manquent pas. Cependant, lors de son traditionnel discours prononcé à l’Hôtel de Brienne avant le défilé du 14-Juillet, le président Macron a sans doute donné un indice sur ses intentions : Sébastien Lecornu devrait être maintenu à son poste… puisqu’il aura à remettre des « scénarios d’adaptation du ministère » des Armées d’ici l’été prochain.

En effet, M. Macron entend « repenser » le modèle actuel d’organisation et de fonctionnement du ministère des Armées, qui avait été mis en place « dans une période continue des dépenses pour la Défense ». C’est une « reponsabilité impérieuse », a-t-il insisté.

A priori, il s’agirait donc de revenir sur la « Révision générale des politiques publiques » [RGPP] qui, menée à la fin des années 2000, a conduit à supprimer 54’000 postes au sein des armées, à réformer la carte militaire, avec la disparition de plusieurs dizaines d’emprises, à mutualiser le soutien des unités avec la création des bases de défense, en rupture avec le principe « un chef, une mission, des moyens » et à recourir à l’externalisation.

Ces bouleversements ont suscité beaucoup de critiques. Notamment de la part du Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire [HCECM], celui-ci ayant déploré, dans plusieurs de ses rapports, une dégradation du soutien administratif [qui est pourtant d’une des conditions de l’efficacité des forces armées] ainsi qu’un effritement de la cohésion au sein des unités, en raison notamment d’une « interarmisation » plus poussée.

Alors chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre avait décrit, sans ambage, les effets de ces réformes lors d’une audition parlementaire, en 2018. « Les principes qui ont présidé à la réorganisation du ministère dans une période de forte déflation restent en vigueur, même après l’inversion de tendance » et « l’approche fonctionnelle, qui a supplanté l’approche organique de manière trop systématique, sans égard suffisant pour la singularité du fonctionnement des armées, nous a affaiblis », avait-il expliqué.

Aussi, et alors que la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit une hausse substantielle du budget alloué au ministère des Armées [413 milliards d’euros, ndlr], M. Macron estime donc que le modèle issu de la RGPP de 2008 a vécu.

Le modèle actuel « procède d’une logique qui faisait primer les économies sous couvert de rationalisation et de fragmentation budgétaires. Un logique qui ne place pas toujours, ou pas assez, la guerre au coeur de ses organisations ou de ses processus. Or, aujourd’hui, [il] n’est plus adapté », a fait valoir le locataire de l’Élysée.

« Il faut que tout le modèle s’adapte et continue de se transformer. Le contexte stratégique est radicalement différent, l’effort de défense est confirmé, de nouvelles formes de conflictualité se sont développées. En outre, les jeunes français ont un regard différent sur leur engagement. Et donc, il nous faut un ensemble de changements très concrets », a continué M. Macron.

Cette réforme devra permettre d’améliorer la fidélisation et se traduire par une meilleure attractivité du ministère des Armées tout en étant évidemment tournée vers la réussite des missions. Et la « subsidiarité », c’est à dire que les décisions devront être prises au niveau le plus adéquat. En clair, il s’agit de « déconcentrer » les responsabilités et de donner plus de champ à l’initiative.

« Je veux […] redonner les leviers d’action à ceux qui portent les missions en opérations comme au coeur des territoires », a dit M. Macron. Aussi, la nouvelle organisation « devra encourager la réactivité, faciliter la capacité à entreprendre, démultiplier les énergies, concentrer les volontés sur la réalisation de la mission, pas sur l’évitement des difficultés internes au risque de revivre les errements décrits par Marc Bloch », a-t-il poursuivi, en faisant une allusion au livre « L’étrange défaite« , dans lequel l’historien avait dénoncé la responsabilité des élites d’alors, et en particulier celle du haut-commandement, dans la « débâcle » de mai-juin 1940.

Cette « transformation » du ministère des Armées devra se faire selon quatre axes « essentiels » a enchainé M. Macron. D’abord, a-t-il dit, « il ne faut jamais perdre l’esprit stratégique », car il est « déterminant », ainsi que la « finalité des missions ». Ensuite, a-t-il continué, il « faut garder l’esprit de responsabilité » et « imposer partout la subsidiarité que nous savons penser en opérations et qu’il faut décliner à chaque endroit ». Enfin, il faut également de « l’agilité ».

« Partout où nous oublions ces quatre valeurs cardinales, nous nous perdons dans des lenteurs qui deviennent bureaucratiques, dans de la déresponsabilisation qui décourage et, au fond, nous perdons ce qui est la force de nos armées chaque fois qu’elles ont à agir », a fait valoir M. Macron.

Quoi qu’il en soit, cette tranformation a d’ores et déjà été lancée car selon le chef de l’État, l’actuel CEMA, le général Thierry Burkhard, a engagé la réforme du Centre de planification et de conduites des opérations [CPCO] en ce sens.

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