La France va livrer des missiles de croisière SCALP à la force aérienne ukrainienne
Lancée il y a maintenant plus d’un mois, la contre-offensive des forces ukrainiennes n’a pas encore permis de percer la ligne russe, même si Kiev a fait état de gains territoriaux limités. Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer cette situation.
D’abord, les forces russes n’ont pas été prises par surprise et elles ont eu le temps d’établir un dispositif défensif solide. Ensuite, elles ont adapté leurs tactiques, en tirant les leçons de leurs échecs passés. Enfin, les troupes ukrainiennes au contact manquent de certaines capacités, notamment en matière de lutte anti-aérienne de courte portée [SHORAD], d’où la liberté de manoeuvre retrouvée des hélicoptères d’attaque russes Kamov Ka-52, lesquels ont payé un lourd tribut durant les premiers mois de la guerre.
Quoi qu’il en soit, le scénario qui se dessine est celui d’une guerre d’usure et d’attrition. À moins qu’un élément nouveau – et décisif – ne vienne changer la donne.
En attendant, l’Ukraine n’est pas encore près de rejoindre l’Alliance atlantique. Du moins tant que le conflit ne sera pas terminé. Une telle perspective ménerait l’Otan « dans une guerre avec la Russie », a ainsi fait valoir Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. Aussi, les Alliés mettront l’accent sur l’aide militaire qu’ils peuvent encore apporter à Kiev.
Et, à l’occasion du sommet de l’Otan, qui se tient actuellement à Vilnius, le président Macron n’est pas venu les mains vides. En effet, il a annoncé que la France livrerait à la force aérienne ukrainienne des missiles de croisière SCALP [Système de croisière conventionnel autonome à longue portée].
« Nous avons décidé de livrer de nouveaux missiles permettant des frappes dans la profondeur à l’Ukraine. […] Je pense qu’aujourd’hui ce qui est important pour nous c’est d’envoyer un message de soutien à l’Ukraine, d’unité de l’Otan », a affirmé M. Macron à son arrivée en Lituanie.
Si le Royaume-Uni a déjà livré de tels missiles [appelés « Storm Shadow dans la nomenclature britannique] à l’Ukraine, la France avait jusqu’à présent exclu une telle possibilité en raison du risque de voir ces munitions « complexes » être utilisées pour frapper le territoire russe. Cette réserve est donc désormais levée.
Les missiles SCALP seront livrés « en gardant la clarté, la cohérence de notre doctrine c’est-à-dire permettre à l’Ukraine de défendre son territoire », a fait valoir M. Macron.
A priori, et comme elle l’a déjà fait avec les missiles britanniques, la force aérienne ukrainienne devrait utiliser des bombardiers tactiques Su-24 « Fencer » pour mettre en oeuvre les SCALP promis par Paris.
Pour rappel, 500 SCALP ont été acquis, dans les années 2000, par la France, dont 450 pour l’armée de l’Air & de l’Espace et 50 pour la Marine nationale. Ces missiles ont notamment été utilisés pour des frappes contre l’État islamique [EI ou Daesh] au Levant ainsi que durant l’opération Hamilton, menée en avril 2018 contre le programme chimique syrien. En décembre 2016, un contrat a été notifié à MBDA pour procéder à la rénovation à « mi-vie » des exemplaires encore en stock, afin de garantir leur efficacité opérationnelle jusqu’en 2030.
Par ailleurs, M. Macron n’a pas précisé si les SCALP destinés à l’Ukraine verront leurs performances bridées. Le Régime de contrôle de la technologie des missiles [RCTM], dont la France fait partie, impose des restrictions pour l’exportation d’engins ayant une capacité maximale supérieure ou égale à 300 km de portée et une charge militaire de 500 kg.
En tout cas, la Russie a indiqué qu’elle prendrait des « contre-mesures » après l’annonce du président français.
« De notre point de vue, c’est une décision entachée d’erreur, lourde de conséquences pour la partie ukrainienne, car naturellement cela va nous contraindre à prendre des contre-mesures », a en effet affirmé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Celui-ci avait dit la même chose après la décision britannique de livrer des Storm Shadow à l’Ukraine…
Par ailleurs, après la décision américaine de livrer à Kiev des obus à sous-munitions de 155 mm de type « DPICM » [dual-purpose improved conventional munition / munition conventionnelle améliorée à double usage], l’Allemagne a fait part de son intention de renforcer l’armée ukrainienne, dans le cadre d’une aide de 700 millions d’euros. Ainsi, Berlin envisage de lui livrer des lanceurs pour le système de défense aérienne Patriot, des blindés Marder, des chars Leopard 1A5 et des obus d’artillerie.