L’Espagne n’entend pas réduire sa participation au programme SCAF après l’entrée de la Belgique

Au départ, le Système de combat aérien du futur [SCAF] devait faire l’objet d’une coopération réunissant uniquement la France et l’Allemagne. Puis, en 2019, ce programme s’ouvrit à l’Espagne, sur la base d’un partage équitable des tâches entre les trois pays désormais associés.

Mais cela profita à Airbus Defence & Space dans la mesure où, s’agissant du développement de l’avion de nouvelle génération [New Generation Fighter – NGF], le groupe européen était dès lors en mesure de revendiquer les deux tiers de la charge de travail face à Dassault Aviation, pourtant désigné maître d’oeuvre. D’où les négociations âpres entre les industriels au sujet de la phase 1B du projet. Un accord ayant fini par être trouvé, celle-ci a été officiellement lancée le 28 avril dernier.

Mais à peine les travaux ont-ils commencé que la Belgique a été invitée à rejoindre le SCAF, mais avec cependant le statut d’observateur. Et l’industrie aéronautique belge nourrit de grands espoirs avec cette décision.

« Le contrat d’achat des avions F-16 a eu un impact énorme sur le secteur pendant plusieurs dizaines d’années » et, avec le SCAF, « je pense qu’on peut arriver aux mêmes retombées économiques. […] En tout cas, c’est l’ambition que l’on doit avoir » pour la Belgique, a ainsi fait valoir Stéphane Burton, le PDG du groupe Orizio, qui fédère la Sabca et Sabena Engineering.

Cela étant, lors d’une audition au Sénat, fin mai, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, ne cacha pas ses réticences face une éventuelle participation de la Belgique au programme SCAF.

« Je pense qu’il faut nous en tenir à ce sur quoi nous nous sommes engagés, ce qui n’est déjà pas facile. Nous devons réaliser la phase 1B à trois. J’espère que nous poursuivrons avec la phase 2, qui permettra de faire voler le futur avion, toujours à trois. Si on veut élargir la coopération, les discussions seront plus longues. Je rappelle que nous, Français, nous ne représentons plus qu’un tiers de ce projet. Je crains qu’aller plus loin ne se traduise par une perte de compétences utiles », expliqua M. Trappier.

Et celui-ci d’insister : « Si on rouvrait trop vite la possibilité de nouvelles coopérations, pour donner du travail aux sociétés belges, je me battrais pour faire valoir mon point de vue, même si bien sûr l’État peut toujours imposer le sien ».

Et l’État a donc fait valoir son point de vue… « La participation de la Belgique comme observateur va accroître la dimension européenne du programme SCAF. La France, chef de file du projet, ainsi que l’Allemagne et l’Espagne reconnaissent l’investissement belge en matière de progrès technologique et d’innovation », s’est par ailleurs félicité le ministère des Armées.

À l’antenne de BFMTV, s’il a pris acte de cette décision, M. Trappier a de nouveau rappelé que les coopérations reposant sur le principe du « juste retour en industriel » [les pays impliqués reçoivent une part de travail proportionnelle à leurs commandes] ne permettent pas de produire les « meilleurs appareils ». Le cas de l’Eurofighter Typhoon en est un exemple…

Cela étant, beaucoup se réjouissent de l’implication de la Belgique dans le programme SCAF… Pour autant, encore faudra-t-il lui faire de la place. Et l’Espagne a déjà marqué son périmètre, par la voix d’Amparo Valcarce, sa secrétaire d’État à la Défense.

« Pour l’instant, nous avons seulement accepté la Belgique comme observateur. C’est très important puisque cela renforce le programme SCAF », a d’abord souligné Mme Valcarce, selon des propos rapportés par le site spécialisé InfoDefensa et tenus lors du salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget.

Et, avec « un investissement de 2,5 milliards d’euros » et la création de « 1200 emplois en Espagne », le SCAF « aura un impact sur l’économie espagnole équivalent à celui qu’a eu l’Eurofighter dans les années 1990 », a poursuivi Mme Valcarce. Aussi, a-t-elle soutenu, il « faut être en mesure de s’assurer que ce programme soit au service de l’économie et de la création d’emplois de haut niveau ».

Quant à savoir ce qu’impliquerait la venue de la Belgique, la secrétaire d’État espagnole a été inflexible : il ne sera pas question pour Madrid d’une quelconque réduction de sa participation au programme. « En ce moment, je défends fermement les 33% de participation de notre industrie », a-t-elle en effet assuré.

Si l’Espagne n’entend pas réduire sa participation dans le SCAF, alors il sera difficile à la France et à l’Allemagne de faire des concessions, sauf à en donner les clés à Madrid. Une solution passerait par une extension du projet à d’autres capacités. Mais cela alourdirait la facture. En tout cas, cela augure de nouvelles discussions animées entre les participants de ce programme…

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