Une frégate française a navigué dans le détroit de Taiwan lors d’exercices militaires chinois

La France est-elle attachée au statu-quo dans le détroit de Taïwan? En tout cas, lors de sa visite à Pékin, en compagnie de la présidente de la Commission europénne, Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron n’a visiblement pas abordé le sujet avec Xi Jinping, son homologue chinois.

Mieux : à son retour, au journal Les Échos, et alors que l’Armée populaire de Libération [APL] terminait des manoeuvres d’encerclement de Taïwan, le locataire de l’Élysée a affirmé que la « pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ».

Si ce de tels propos ont beaucoup plu à Pékin, ils ont en revanche été mal accueillis non seulement par les États-Unis mais aussi par la plupart des pays européens. « L’Union européenne reste fermement opposée à l’usage de la force pour tenter de briser le statu quo dans le détroit de Taïwan », a d’ailleurs résumé Eric Mamer, le porte-parole de la Commission européenne, le 11 avril.

Pourtant, la situation dans le détroit de Taïwan n’est pas sans intérêt pour la France en particulier et l’Europe en général, comme l’a rappelé une note de l’Institut français des relations internationales [IFRI] publié peu avant la visite de M. Macron à Pékin.

L’expression d’une vive préoccupation au sujet de la stabilité dans le détroit de Taïwan « servirait deux intérêts français. D’une part, elle permettrait de rappeler à Xi Jinping que, quel que soit le statut de Taïwan, une crise serait fatalement internationale et que les puissances voisines et européennes seraient contraintes de réagir d’une manière ou d’une autre pour sauvegarder leurs intérêts. D’autre part, exprimée publiquement, cette prise de position renforcerait la fragile crédibilité de la France dans l’Indo-Pacifique », affirme cette note, après avoir souligné qu’une « crise dans le détroit, quel qu’en soit le responsable, aurait des conséquences directes et significatives sur les entreprises et l’économie françaises et européennes ».

Par ailleurs, la Revue nationale stratégique [RNS], publiée en novembre 2022, met aussi en garde. « Au-delà de sa pérennisation au pouvoir, l’objectif du parti communiste chinois [PCC] et de l’armée populaire de libération [APL] reste de supplanter les États-Unis comme première puissance mondiale. Considérant la puissance américaine et le modèle occidental en déclin, le régime chinois estime que le leadership occidental sur l’ordre international est fragilisé et qu’il peut l’affaiblir encore davantage en mettant à profit son influence nouvelle », affirme-t-elle.

Et d’ajouter : « La modernisation de l’appareil militaire chinois se poursuit et permet à l’APL d’appuyer une stratégie de plus en plus affirmée, y compris sur le plan militaire, que ce soit dans la région Indopacifique, en particulier s’agissant du statu quo dans le détroit de Taïwan, mais aussi dans les autres régions du monde où sa diplomatie lui crée des clientèles, notamment en Afrique ».

Quoi qu’il en soit, et au-delà de la polémique déclenchée par M. Macron, et après avoir fait escale à Hải Phòng [Vietnam], la frégate de surveillance « Prairial » a transité par le détroit de Taïwan, entre le 9 et le 10 avril. Soit au moment où l’APL entamait ses manoeuvres militaires autour de l’île considérée comme « rebelle » à Pékin.

Cette information, révélée par le magazine Challenges, a été confirmée par le général Yen Yu-hsien, un responsable du renseignement au ministère taïwanais de la Défense. Cependant, celui-ci s’est gardé de préciser l’identité du navire de la Marine nationale.

A priori, la frégate « Prairial » a transité par le détroit pour se rendre en mer de Chine orientale, où elle doit participer à une mission « AITO », dans le cadre de l’UNSC ECC [United Nations Security Council Enforcement Coordination Cell], une structure chargée de documenter les violations des sanctions internationales infligées à la Corée du Nord.

Pour le moment, les autorités chinoises n’ont fait aucun commentaire. Pour rappel, Pékin considère que le détroit de Taïwan est sous sa souveraineté. D’où les protestations émises par le ministère chinois des Affaires étrangères dès qu’un navire américain s’y aventure à l’occasion d’une mission dite FONOP [Freedom of Navigation Opérations].

En outre, en avril 2018, le passage de la frégate Véndémiaire dans le détroit avait donné lieu à une « note de protestation solennelle » adressée à Paris par la diplomatie chinoise. Mais le transit du navire de renseignement Dupuy de Lôme et celui, à nouveau, du Vendémiaire, ne suscitèrent pas de réaction officielle.

Cependant, à plusieurs reprises, l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale, a dénoncé le comportement des forces navales chinoises à l’égard des navires français.

« Nous avons beaucoup d’éléments qui montrent un changement de posture [chez les Chinois, ndlr]. Nos bateaux sont systématiquement suivis, parfois contraints de manœuvrer face à des navires chinois pour éviter une collision, au mépris des règles de la liberté de navigation que nous défendons », avait-il ainsi affirmé dans les pages du quotidien Le Monde, en juillet 2021.

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