LPM 2024-30 : Le général Burkhard explique le décalage des livraisons d’équipements par un souci de cohérence

Bien que doté de 413 milliards d’euros, le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit de décaler les livraisons de plusieurs équipements majeurs, à commencer par ceux du programme SCORPION, avec 1266 blindés [Griffon, Jaguar, Serval, Leclerc modernisés] qui ne seront pas reçus par l’armée de Terre en 2023.

Devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le 5 avril, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a justifié ce décalage en évoquant des considérations industrielles et la nécessité de trouver des marges de manoeuvres pour financer une hausse de l’activité des forces. Lors de son audition par cette même commission, le lendemain, le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], a avancé un autre argument, que l’on a pu déjà entendre lors de précédentes LPM.

D’abord, il a précisé que ce projet de LPM 2024-30 avait été élaboré en tenant compte de deux points de vigilance, à savoir le soutien et la cohérence.

« Le soutien n’est pas quelque chose d’annexe : c’est une mission à part entière », a soutenu le CEMA. Or, a-t-il continué, ce soutien « n’est pas toujours à la hauteur après avoir subi une optimisation à outrance et des flux tendus », ce qui, selon lui, « n’est pas compatible » avec les « exigences de la haute intensité, la fidélisation [du personnel] et la singularité militaire ».

Aussi, selon le rapport mis en annexe du projet de LPM, le soutien bénéficiera de 42 milliards d’euros de crédits, soit 10 milliards de plus par rapport à la LPM 2019-25.

« Le but est bien de changer de logique, de dimensionner les moyens pour que les soutiens puissent remplir une mission et non pas des contrats de service », a insisté le général Burkhard, qui a dit les avoir « mis en garde » car il y aura une « vraie exigence dans les effets à obtenir une fois que leurs moyens seront revenus à un meilleur niveau ».

Le sujet du soutien va de pair avec celui de la cohérence. Ainsi, pour le CEMA, il faut « privilégier la cohérence dans les actions de renouvellement capacitaire, ce qui est un peu différent d’une logique de parc, […] car le plus important n’est de voir ce que l’on possède mais de voir ce que l’on est capable de faire fonctionner », a-t-il fait valoir.

« On doit être capable de diposer non seulement des matériels mais également des potentiels d’utilisation, des munitions pour la préparation opérationnel et pour l’engagement. C’est quelque chose qui est extrêmement important et ça veut bien dire que l’autonomie logistique est quelque chose d’essentiel », a expliqué le général Burkhard aux députés. « Le matériel, si on n’a pas la capacité à le déployer, si on a des personnels qui ne sont pas entraînés et si on n’a pas les munitions pour l’utiliser » alors cela « ne nous permet pas de remplir notre mission », a-t-il ajouté, avant de souligner la nécessité « d’ajuster l’ambition sans la dénaturer » tout en « sincérisant nos capacités opérationnelles ».

Cela étant, le décalage du programme SCORPION est aussi lié à la « transformation » que s’apprête à subir l’armée de Terre. Bien que le nombre de ses réservistes est appelé à doubler dans les années à venir, celui de ses militaires d’active restera constant. Et sa force opérationnelle terrestre [FOT] en comptera toujours 77’000.

Or, à l’occasion d’un entretien donné au journal Le Figaro, M. Lecornu a précisé que « 10’000 soldats » [soit l’équivalent d’environ dix régiments] verraient « leur mission évoluer et donc être formés pour des compétences nouvelles à forte valeur ajoutée », après avoir annoncé que l’armée de Terre allait « prodigieusement se numériser, se digitaliser tout en se dotant de moyens capacitaires ».

En clair, il y aura moins de compagnies de combat dans les régiments [leur nombre devant passer de cinq à quatre]… et donc des besoins probablement moindres en véhicules blindés comme les Griffon.

Ce mouvement n’a pas attendu le projet de LPM 2024-30 pour s’enclencher : il a commencé en réalité en 2022, avec la dissolution de compagnies de combat dans plusieurs régiments d’infanterie. « De nouvelles adaptations sont apparues nécessaires pour permettre à l’armée de Terre de conserver la supériorité opérationnelle dans la perspective d’engagements majeurs, y compris dans les nouveaux champs de conflictualité, qui transforment les menaces liés aux conflits de haute intensité », avait alors justifié le ministère des Armées.

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