Les pays nordiques veulent se doter d’une « défense aérienne unifiée »

Cela fait très longtemps que les pays nordiques parlent de mutualiser – voire d’unifier – leurs capacités militaires. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la Suède, la Norvège et le Danemark avaient ainsi le projet de créer l’Union de défense scandinave [sans la Finlande, en raison de ses liens avec l’Union soviétique]. Mais cette initiative fut finalement abandonnée en 1948… au profit d’un Conseil nordique tenu éloigné des affaires militaires.

Cependant, soixante ans plus tard, les cinq membres de ce Conseil nordique [Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède] s’entendirent sur un programme de « Coopération de défense nordique » [NORDEFCO], appelé à succéder aux accords de défense précédents [NORDSUP, NORDAC et NORDCAPS]. Mais il n’était pas encore d’une alliance militaire entre ces pays du nord de l’Europe.

Cela étant, l’idée d’en créer une fut remise sur la table en 2013 par les ministres suédois de la Défense et des Affaires étrangères, ceux-ci ayant alors évoqué un « pacte de défense nordique » à l’occasion de la conférence annuelle sur la défense de Sälen. Mais elle fut fraichement accueillie à l’époque, notamment en raison des obstacles qu’il fallait surmonter, dont la faiblesse des investissements militaires des membres du Conseil nordique [seule la Norvège faisait exception, grâce à ses ressources pétrolières et gazières], la disparité des équipements mis en oeuvre par leurs forces armées et de leur politique étrangères, la Suède et la Finlande étant membres de l’Union européenne mais pas de l’Otan… et inversement pour la Norvège.

Mais l’annexion de la Crimée par Moscou que l’activité militaire russe de plus en plus intense dans la région de la Baltique et dans celle du Grand Nord changèrent la donne.

Ainsi, en 2015, soulignant que la Russie venait de montrer qu’elle était prête « à utiliser des moyens militaires pour atteindre ses objectifs politiques, même en violation des principes du droit international », les ministres de la Défense du Conseil nordique plaidèrent pour une coopération militaire plus étroite. La suite leur a donné raison avec l’invasion de l’Ukraine.

Par ailleurs, et depuis cet appel, les membres du Conseil nordique ont significativement augmenté leurs dépenses militaires [sans pour autant atteindre la norme des 2% du PIB] tandis que la Suède et la Finlande ont lancé les démarches pour rejoindre l’Otan. Et ce qui était difficilement envisageable il y a dix ans est désormais devenu possible…

En effet, le 24 mars, les ministères de la Défense de quatre pays membres du Conseil nordique, savoir le Danemark, la Suède, la Finlande et la Norvège [l’Islande étant hors jeu, ses capacités militaires étant anedotiques], ont dit vouloir se doter d’une « défense aérienne unifiée », une lettre d’intention allant dans ce sens ayant été signée par les chefs d’état-major de leurs forces aériennes respectives à Ramstein [Allemagne], en présence du général James Hecker, le « patron » du Commandement aérien de l’Otan et de l’US Air Force en Europe.

« La déclaration d’intention renforce [notre] coopération et ouvre la voie à un renforcement supplémentaire des forces aériennes nordiques », ont fait valoir les quatre pays concernés, dans un communiqué conjoint. « L’objectif est de pouvoir fonctionner comme une seule force en développant un concept nordique d’opérations aériennes conjointes, basé sur la méthodologie déjà connue de l’Otan », ont-ils ajouté.

Il est ainsi question de capacités de commandement et de contrôle intégrées, de « déploiements flexibles et résilients » des forces aériennes de ces quatre pays, d’une surveillance conjointe de l’espace aérien et de formation ainsi que de manoeuvres conjointes.

« À l’avenir, les forces aériennes des pays nordiques renforceront les liens transatlantiques, poursuivront le processus d’intégration et de coopération en cours, prépareront la mise en œuvre des opérations multi-domaines et adopteront des solutions à long terme pour atteindre des objectifs communs », assure le communiqué. À noter que celui-ci n’évoque pas de menace russe… Mais elle est sous-entendue.

En tout cas, le chef de la force aérienne danoise, le général Jan Dam, l’a clairement évoquée auprès de l’agence Reuters.

« La décision d’intégrer les forces aériennes est motivée par l’invasion russe de l’Ukraine en février de l’année dernière », a-t-il dit, notant au passage que les moyens aériens mis en commun seront comparables à ceux d’un « grand pays européen ».

À terme, cette aviation de combat « combinée » reposera sur 153 chasseurs-bombardiers F-35A [52 norvégiens, 37 danois et 64 finlandais] ainsi que sur 90 JAS Gripen suédois.

Cela pourrait d’ailleurs poser des soucis d’interopérabilité, notamment au niveau de la communication entre ces appareils, le système de liaison de données du F-35 [le MADL, pour Multi Function Advanced Data Link] n’étant pas compatible avec ceux utilisés par d’autres avions de combat, ce qui nécessite de mettre au point une « passerelle » de communication, appelée BACN [Battlefield Airbone Communication Node]. En tout cas, une solution devra être rapidement trouvée au regard de l’ambition affichée par ces pays nordiques.

« Nous aimerions voir si nous pouvons intégrer davantage notre surveillance de l’espace aérien, afin que nous puissions utiliser les données radar des systèmes de surveillance de chacun et les utiliser collectivement », a en effet expliqué le général Jan Dam. Or, a-t-il ajouté, « nous ne faisons pas cela aujourd’hui ».

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