Le Pentagone a choisi General Atomics et Aurora Flight Sciences pour développer un Ekranoplan

En août 2021, la Darpa, c’est à dire l’agence du Pentagone dédié à l’innovation, diffusa une demande d’informations auprès de l’industrie en vue de développer une « nouvelle classe » d’aéronef capable de « s’affranchir des limitations opérationnelles des plateformes de transport aérien et maritime traditionnelles » afin de transporter une charge utile de 100 tonnes. Le tout avec une capacité de vol « étendue hors effet de sol pour éviter les obstacles ».

Dix mois plus tard, la Darpa fut en mesure de dévoiler le concept « Liberty Lifter », reposant sur un aéronef combinant les avantages de l’hydravion avec ceux de l’Ekranoplan. Appelé à « révolutionner » le transport aérien, cet appareil devait aussi pouvoir réaliser des missions de recherche et de sauvetage ainsi que des opérations amphibies.

En clair, l’idée de la Darpa était d’aller au-delà du concept de l’Ekranoplan, que les Soviétiques développèrent durant la Guerre Froide. Pour rappel, le principe d’un tel appareil repose sur un phénomène aérondynamique appelé « effet de sol ». Celui-ce se traduit par une augmentation de la portance et une diminution de la trainée à très basse altitude.

Un Ekranoplan présente plusieurs avantages : en volant en-deçà de la couverture radar [entre 3 à 15 mètres d’altitude], il peut évoluer dans des environnements dits « contestés » et donc déjouer les capacités de déni et d’interdiction d’accès d’un adversaire. Sa grande capacité de transport permet [potentiellement] de s’affranchir du transport maritime, vulnérable aux mines et autres sous-marins. Seulement, peu maniable, un tel appareil ne peut être utilisé que par mer calme. Et c’est la raison pour laquelle le « Liberty Lifter » devra être en mesure de voler à une altitude d’envron 10’000 pieds, ce qui en fera aussi un hydravion.

« L’accent sera mis sur l’utilisation de cet appareils dans des mers agitées, en le dotant d’une capacité de portance élevée à basse vitesse afin de réduire l’impact des vagues lors du décollage et de l’atterrissage », avait en outre expliqué l’agence du Pentagone.

Moins d’un an après avoir précisé ses attentes, la Darpa vient de sélectionner deux industriels dans le cadre de ce programme, dont Aurora Flight Sciences [filiale de Boeing] et General Atomics. Et, selon le chef du projet, Christopher Kent, deux approches radicalement différents vont s’opposer.

Ainsi, General Atomics défend une conception à double fuselage [inaugurée par l’avion expérimental allemand Messerschmitt Bf 109 Z Zwilling, ndlr], avec une propulsion distribuée reposant sur douze turbomoteurs. Quant à l’approche d’Aurora Flight Sciences, qui s’est associé à Gibbs & Cox, une filiale de Leidos, elle est plus traditionnelle [photo ci-dessus]. Elle n’est pas sans rappeler celle du Boeing « Pelican ULTRA », un appareil de 152 mètres d’envergure et pouvant transporter 1270 tonnes qui aurait pu voir le jour si les crédits destinés à son développement n’avaient pas été coupés en 2003.

Désormais, les deux industriels ont quinze mois pour affiner leurs travaux… et trois mois leur seront donnés pour fabriquer un démonstrateur en vue du lancement de la seconde phase, soit à la mi-2024.

Cela étant, il n’est pas certain que ce programme aille jusqu’au bout… Tout dépendra de son coût, le Pentagone ayant insisté sur une « production abordable » du Liberty Lifter à grande échelle. D’où la demande de la Darpa visant à utiliser des matériaux moins onéreux que « ceux utilisés dans la construction aéronautique traditionnelle » et « disponibles à l’achat en grande quantité ».

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