Berlin se décide à céder des chars Leopard 2 à Kiev… qui recevra des Abrams américains à plus long terme

Ayant lié la livraison de chars Leopard 2 à celle de M1 Abrams par les États-Unis dans le cadre de l’aide militaire fournie aux forces ukrainiennes, le chancelier allemand, Olaf Scholz, n’a plus de raison de tergiverser.

En effet, selon les médias américains, l’administration Biden a fini par approuver l’envoi d’au moins trente M1 Abrams en Ukraine, malgré les réserves du Pentagone. D’où les annonces que s’apprêterait à faire M. Scholz, ce 25 janvier.

Ainsi, d’après l’hebdomadaire Der Spiegel, Berlin devrait livrer à l’armée ukrainienne des Leopard 2A6 prélevés dans l’inventaire de la Bundeswehr [sans doute de quoi former un escadron, soit 14 exemplaires] et autoriser la Pologne et la Finlande à en faire autant avec les chars du même type qu’elles possèdent. D’ailleurs, ces deux pays avaient été précédemment encouragés par Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, à commencer la formation des équipages ukrainiens.

Ces décisions font suite aux annonces faites par Paris et Londres au sujet de l’envoi en Ukraine de chars AMX-10RC et Challenger 2… ainsi qu’aux dissensions au sein de la coalition gouvernementale allemande, qui était jusqu’alors divisée sur ce sujet. En effet, ces dernières semaines, les écologistes et les libéraux ont ouvertement soutenu la livraison de Leopard 2 à Kiev, malgré les réserves des sociaux-démocrates, à commencer par celles de M. Scholz.

« Le Leopard est libéré! Espérons qu’il puisse maintenant aider rapidement l’Ukraine dans sa lutte contre l’attaque russe », a d’ailleurs commenté Katrin Göring-Eckardt, la vice-présidente du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], via Twitter.

Seulement, Kiev en veut davantage. « Les discussions doivent finir par des décisions. […] Les alliés ont le nombre requis de chars » nécesssaires pour renverser les troupes russes. […] Les besoins sont plus importants » que « cinq, dix ou quinze chars », a fait valoir Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, dans son allocution quotidienne du 24 janvier.

Cela étant, et alors que les chars T-72 d’origine soviétique ont en grande partie été cédés à l’armée ukrainienne par les membres de l’Otan qui en possédaient encore, certains partenaires de Kiev ne sont pas prêts à se séparer de leur Leopard 2. Tel est le cas de la Suède.

« Nous ne pouvons pas donner des équipements au détriment de nos propres capacités. Tout le monde doit comprendre que la Russie est là depuis au moins 500 ans. Et qu’elle sera encore là à long terme », a fait valoir un haut responsable militaire suédois, lors d’une conférence sur les blindés organisée à Londres, selon Breaking Defense.

Par ailleurs, la décision américaine de livrer des Abrams à Kiev devrait mettre du temps à se concrétiser. Il est question de « plusieurs mois », voire de « quelques années ».

« Je n’ai rien à annoncer aujourd’hui au sujet des M1 [Abrams]. Comme nous l’avons dit depuis le début, nous continuons d’entretenir un dialogue très solide avec l’Ukraine, nos alliés et partenaires internationaux pour nous concentrer sur les besoins immédiats [des Ukrainiens], à court terme, mais nous avons également des discussions sur ce dont ils pourraient avoir besoin à moyen et à long terme », a expliqué le général Pat Ryder, un porte-parole du Pentagone, le 24 janvier.

Et d’ajouter : « Le M1 est un système d’arme complexe dont la maintenance est difficile. C’était vrai hier. C’est vrai aujourd’hui. Ce sera vrai à l’avenir ».

A priori, et selon Defense News, la livraison éventuelle de M1 Abrams – dont des milliers d’exemplaires sont stockés par l’US Army – se ferait dans le cadre de l’Initiative d’assistance à la sécurité de l’Ukraine, laquelle s’inscrit dans le long terme. Jusqu’ici, l’aide militaire fournie par Washington à Kiev relevait de programmes distincts.

Reste que, au-delà des difficultés logistiques et du temps nécessaire pour former les équipages ainsi que les techniciens, d’autres éléments sont à prendre en considération. Comme celui évoqué par Jon Jeckell, un ancien officier de l’US Army, cité par Breaking Defense. « Les Ukrainiens vont également devoir trouver un moyen de faire passer l’Abrams sur leurs ponts, sachant qu’il est beaucoup plus lourd que n’importe quel char russe. Et il n’y a probablement pas beaucoup de ponts dans le pays qui peuvent supporter son passage. Et renforcer les ponts donnerait une indication sur l’endroit où vous prévoyez d’attaquer ».

Un autre élément concerne la configuration des M1 Abrams susceptibles d’être livrés à l’Ukraine, avec des enjeux de sécurité opérationnelle à la clé, le risque étant qu’ils soient capturés par les forces russes avec leurs technologies les plus récentes.

Quoi qu’il en soit, l’envoi de M1 Abrams en Ukraine représenterait, pour la diplomatie russe, une « autre provocation évidente ». En tout cas, c’est ce qu’a affirmé Anatoli Antonov, l’ambassadeur de Russie aux États-Unis.

« Il est évident que Washington tente délibérément de nous infliger une défaite stratégique. Si les Etats-Unis décidaient de livrer des chars, alors justifier ce choix en invoquant l’argument des ‘armes défensives’ ne fonctionnera pas. Cela représenterait une autre provocation évidente contre la Fédération de Russie », a-t-il en effet estimé.

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