Témoignage d’un chef de tir du 11e RAMa qui a dirigé des missions ayant neutralisé près de 150 jihadistes en Irak
La communication de l’État-major des armées [EMA] au sujet de la Task Force Wagram, c’est à dire le détachement d’artilleurs français déployé en Irak avec quatre CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie] est relativement succinte. Chaque semaine, le compte-rendu des opérations se borne en effet à indiquer le nombre de missions de tir effectuées contre les positions de l’État islamique [EI ou Daesh] dans le nord de l’Irak et, plus récemment, dans la vallée de l’Euphrate.
Aussi, on ne sait que peu de choses sur le quotidien des artilleurs français, qui sont quasiment « au contact » des jihadistes, si ce n’est que leur rôle a été important dans les récentes défaites infligées à l’EI, que ce soit à Mossoul, à Tal Afar ou encore à Hawijah.
Certes, l’EMA a publié quelques articles sur la TF Wagram. Mais leur objet était plus de mettre en avant une spécialité [comme celle de pyrotechnicien] que de mettre en avant les résultats obtenus par les artilleurs français. Mais ce 22 juin, l’armée de Terre a cependant levé un coin du voile, en mettant à l’honneur l’un des siens, en l’occurrence l’adjudant Ivan, chef de tir sur CAESAr au 11e Régiment d’Artillerie de Marine (RAMa), qui a récemment été décoré lors d’une cérémonie aux Invalides pour sa conduite en Irak.
Ainsi, l’on apprend que cet adjudant, qui a intégré le 11e RAMa en 2003, a notamment commandé « 5 tirs précis qui ont permis de neutraliser une pièce d’artillerie et 9 mortiers » mis en oeuvre par Daesh et « 8 missions de feux brutales » qui ont neutralisé une « soixantaine d’ennemis et des positions défensives. En outre, il a fait délivrer « plusieurs obus pour sécuriser le dispositif irakien et neutraliser une quarantaine de jihadistes » et encore dirigé 7 tirs qui ont permis de mettre hors de combat « 45 combattants » de Daesh afin de couvrir un axe d’attaque en direction de Mossoul.
« Cela doit faire plusieurs décennies qu’aucune section d’artillerie n’a délivré de façon quotidienne autant de tirs. Alors on vit cette opération avec un enthousiasme et une motivation à toute épreuve, d’autant plus que nous savons parfaitement qui est l’ennemi que nous combattons, ce qui ne fait que renforcer notre détermination », a commenté ce sous-officier.
La mise en condition opérationnelle des artilleurs du 11e RAMa a dû être effectuée rapidement étant donné que, comme il l’explique, le « théâtre [d’opérations] venait d’être ouvert » à l’époque. « Nous avons capitalisé sur l’expérience passée, profité des moindres intervalles pour nous entraîner et finalisé la préparation lors d’une manœuvre à Canjuers », raconte ce bigor.
L’on apprend également que les séances de CrossFit ont été importantes pour les « les servants et munitionnaires », d’autant plus qu’il a fallu aux artilleurs affronter des conditions plutôt rudes, avec des températures de -10°c en hiver et de +50°c durant l’été. « La débrouillardise et l’inventivité sont rapidement venus en aide pour s’organiser dans la durée », confie l’adjutant du 11e RAMa.
Actuellement, la TF Wagram participe à l’opération Roundup, qui vise à chasser l’EI des dernières positions qu’il tient encore sur la rive orientale de l’Euphrate, à la frontière irako-syrienne. Désormais, elle ne compte plus que trois CAESAr étant donné que son dispositif a été « ajusté » en fonction des besoins opérationnels sur le terrain. Depuis leur engagement en Irak [septembre 2016, ndlr], les artilleurs fraçais ont réalisé 1.807 missions de tir, ce qui correspond à plus de 12.000 obus tirés.
Photo : (c) U.S. Army / Spc. Zakia Gray