La coalition a un plan pour chasser l’EI de Raqqa mais manque de ressources pour l’appliquer

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Si l’opération visant à chasser l’État islamique (EI ou Daesh) de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, se met progressivement en place, il en va tout autrement pour Raqqa, l’autre bastion de l’organisation jihadiste, situé en Syrie.

Et cela pour une raison simple : en Irak, la coalition anti-EI, dirigée par les États-Unis, qui agit à la demande de Bagdad, peut compter sur les Forces de sécurité irakiennes (FSI), qu’elle contribue à former, ainsi que sur les combattants du Kurdistan irakien (peshmergas).

En, Syrie, la situation est radicalement différente dans la mesure où toute collaboration avec le régime de Damas est exclue. Et quand bien même elle serait envisagée, il n’est pas certain que les forces gouvernementales syriennes soient en mesure d’atteindre Raqqa.

« Mon sentiment est que la stratégie des Forces armées et de sécurité syriennes (FASS) de Bachar el-Assad n’est pas d’aller attaquer Raqqa. L’appui russe ne suffirait pas, le site est éloigné, il faudrait un soutien aérien à plus long rayon d’action. Nous avions pu l’envisager lorsque ces forces ont repris Palmyre, mais la question ne me paraît plus à l’ordre du jour », a expliqué, aux députés et aux sénateurs, en juillet, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

Or, a-t-il ajouté, « la reprise de Raqqa est un objectif essentiel » car « c’est bien depuis Raqqa qu’agissent aujourd’hui la majorité des responsables des attaques en Europe occidentale. » Aussi, a estimé le ministre, « il ne suffira pas d’isoler Raqqa une fois Mossoul reprise, mais qu’il faudra l’attaquer aussi. »

Pour le moment, les seules troupes sur lesquelles la coalition internationale peut s’appuyer pour chasser l’EI de Raqqa sont donc celles des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance qui réunit les milices kurdes syriennes (YPG) et plusieurs groupes sunnites armés.

Toujours d’après M. Le Drian, il « faudrait un effectif d’environ 10.000 personnes pour reprendre Raqqa ». Mais à en croire le général Joseph Dunford, le chef d’état-major interarmées américain, les FDS compteraient désormais 30.000 combattants, dont 16.000 miliciens kurdes et 14.000 volontaires arabes.

Seulement, les relations avec la Turquie compliquent la donne étant donné que, à Ankara, les YPG sont considérés comme terroristes, en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Or, pour envisager une opération à Raqqa, il faudrait en effet pouvoir armer les FDS, qualifiées par le général Dunford de groupe « le plus efficace que nous ayons en Syrie », lors d’une audition au Congrès.

D’où l’idée de fournir des armes aux YPG, afin de rendre encore « plus efficace » les Forces démocratiques syriennes. Jusqu’à présent, seuls les groupes arabes de cette alliance ont reçu, d’après Washington, des équipements militaires américains.

« Si nous renforçons les capacités actuelles des FDS, cela augmentera les chances de succès à Raqqa », a estimé le général Dunford. « Nous travaillons très étroitement avec les alliés turcs (…) pour être sûrs que nous pouvons conduire des opérations efficaces et décisives à Raqqa avec les FDS, et en même temps dissiper les craintes turques sur l’évolution à long terme des Kurdes syriens », a-t-il expliqué.

De son côté, le chef du Pentagone, Ashton Carter, s’est dit également favorable à la livraison d’armes aux YPG. « Je soutiens toute initiative qui permet d’aider » les FDS « à avancer vers Raqqa », a-t-il affirmé. Mais « nous n’avons pas pris de décision » sur la question de l’armement des Kurdes, a-t-il toutefois précisé.

Quoi qu’il en soit, le plan pour chasser Daesh de Raqqa consiste à isoler la ville par le nord (d’où la prise de Manbij par les FDS, en août) et par le sud, à partir de la frontière irakienne. Et les milices kurdes sont appelées jouer un rôle déterminant dans cette opération.

Seulement, la question de « l’après » se pose. Et elle n’a pas encore de réponse. En effet, les YPG, d’après le général Dunford, n’auront pas vocation à occuper la ville, cette tâche devant revenir aux groupes sunnites des FDS, à conditions qu’ils aient les effectifs suffisants pour cela. « Nous avons un plan » pour tenir Raqqa, mais « il n’a pas encore les ressources suffisantes », a-t-il admis.

Mais au-delà de cet aspect, tout ne sera pas définitivement réglé pour autant. « Quand nous aurons détruit le cœur de Daesh, ce ne sera pas fini, pour deux raisons : non seulement cette idéologie aura pénétré les esprits, mais on peut craindre que d’autres – Jabhat al-Nosra, AQMI… – ne prennent le relais. Pour éviter de telles métastases, il faut s’employer à définir des solutions politiques durables dans les territoires concernés », a fait valoir M. Le Drian.

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