M. Le Drian dit non à une armée fédérale européenne mais oui à plus d’unité entre les membres de l’UE

Fin décembre, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a remis l’idée d’une « armée commune européenne » sur le tapis, estimant que les « moyens affectés aux 28 armées nationales [des États membres de l’Union européenne, ndlr] pourraient être employés beaucoup plus intelligemment s’ils étaient mis en commun ».

Avant lui, d’autres responsables politiques ont avancé un tel projet, comme, l’an passé, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission de Bruxelles, pour qui une « armée commune à tous les Européens ferait comprendre à la Russie que nous sommes sérieux quand il s’agit de défendre les valeurs de l’Union européenne. »

Seulement, cette idée n’a pas les suffrages de Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense. Dans un discours prononcé à l’occasion de l’inauguration de la chaire « Grands enjeux stratégiques » à La Sorbonne, le 18 janvier, il n’a pas manqué d’évoquer les insuffisances de l’Union européenne en matière militaire, alors que le contexte actuel est lourd de menaces.

D’abord, le constat : « En 2012, a-t-il fait remarquer, l’Asie a dépassé l’Europe en termes de dépenses militaires cumulées. En 2014, les dépenses militaires de l’Asie atteignaient déjà 344 millions de dollars, contre 286 milliards pour l’Europe. Voilà un élément de réflexion pour l’avenir ».

« Les Européens ont pensé, bien avant la crise économique et budgétaire, que la paix sur notre continent s’étendrait au reste du monde par une espèce de porosité vertueuse. Or, ce sont désormais de nos frontières que s’approchent les conflits. Il nous faut en tirer le plus rapidement possible la leçon », a affirmé M. Le Drian. Et, a-t-il ajouté, face à la montée des périls, « l’Union européenne doit faire un saut qualitatif et quantitatif majeur » en matière de défense, ce qui passe par une hausse des dépenses militaires, laquelle devrait « être une claire priorité ».

Pour autant, certains pays ont accru significativement leur effort de défense au cours de ces derniers mois. D’autres ont mis un terme à la baisse de leurs budgets militaires. Seulement, aux yeux de M. Le Drian, « la remontée en puissance budgétaire européenne a certes inversé la tendance des années précédentes, mais elle reste très limitée (0,54 %). Elle ne permettra pas à une très large majorité d’États de rejoindre l’objectif fixé au Sommet de l’Otan en 2014 des 2 % du PIB consacrés aux dépenses de défense à horizon 2025. »

Alors que faire? Aller vers une armée européenne? Absolument pas pour M. Le Drian. Du moins dans l’immédiat. « L’Europe a moins besoin d’une ‘armée fédérale’ imaginaire, développée par certains comme une fuite en avant, que de solidarité concrète entre ses membres, y compris sur le plan militaire », a-t-il lancé. Et « c’est aux États qu’il appartient en premier d’entretenir une défense forte, et c’est aux plus importants d’entre eux de montrer la voie en Europe », a-t-il ajouté, précisant qu’il s’agissait pour lui d’une « conviction inébranlable ».

Les outils pour répondre aux crises existent déjà au niveau européen. Mais le mieux serait ainsi de commencer par s’en servir. L’UE « n’est certes pas parfaite mais elle offre des instruments essentiels pour répondre aux problèmes qui se posent actuellement : elle doit avoir la force, simplement, de les utiliser et de les améliorer », a ainsi estimé M. Le Drian. D’ailleurs, après les attentats du 13 novembre, c’est ce que la France a fait en ayant recours à la clause d’assistance mutuelle prévue par l’article 42.7 du Traité de l’UE au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire.

En outre, M. Le Drian a plaidé pour une nécessaire « unité » entre les membres de l’UE. « Cette Union, c’est notre Union, elle repose sur la volonté politique collective. Il nous faut donc faire face collectivement, il nous faut unir nos efforts pour donner à l’Union européenne les moyens d’être à la hauteur de cette ambition mais aussi à la hauteur des menaces et des risques », a-t-il dit.

Cette unité passe par une appréciation commune des menaces, sachant que certains États membres ont « le regard tourné vers l’Est » tandis que d’autres « se concentrent au Sud, où l’instabilité et le terrorisme ne cessent de croître », ainsi que, chaque fois les conditions le permettront, par la recherche, de « façon pragmatique » de « mutualisations ».

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