Quelques considérations sur la commande indienne portant sur 36 avions Rafale

« Si le Rafale était vendable, il serait vendu! », avait lancé, à l’antenne d’Europe1, le 7 décembre 2011, Michel Sapin, l’actuel ministre des Finances. C’est un « avion très sophistiqué et difficile à vendre », avait dit, en 2007, Hervé Morin, tout juste nommé ministre de la Défense…

Mais pour un avion « invendable », le Rafale vient de trouver preneur, en l’espace de deux mois, en Égypte (24 exemplaires) et en Inde. Il y a des déclarations qu’il aurait mieux vallu éviter de faire… D’autant plus que ce n’est pas fini!

1- A priori, pas de remise en cause du contrat M-MRCA

La commande de 36 Rafale annoncée le 10 avril par le Premier ministre indien, Narendra Modi, ne remet a priori pas en cause les négociations en cours  portant sur l’acquisition de 126 exemplaires dans le cadre du programme M-MRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft), lequel prévoit l’assemblage de 108 appareils en Inde.

« Ces 36 Rafale seront construits en France » et « les négociations sur l’accord initial (M-MRCA) continuent », a précisé, auprès de l’AFP, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

Pour l’Inde, il s’agit donc d’un « achat sur étagère », destiné à répondre à un « besoin opérationnel crucial », étant donné que l’Indian Air Force peine à mettre en ligne les 45 escadrons fixés par son contrat opérationnel.

Peut-être que cet achat aura des conséquences sur la cible finale visée par le programme M-MRCA. Mais rien n’est moins sûr. En attendant, les discussions, entamées en janvier 2012, se poursuivent. Ces dernières sont finalisées à 95%, selon Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation. Et la commande de 36 Rafale donnera un peu plus de temps pour régler les derniers points qui posent encore problème et permettra à HAL de mettre en place ses capacités de production.

2- Un contrat de quel montant?

Le gouvernement indien veut que la livraison des premiers appareils soit faite « dès que possible ». Avec le contrat égyptien, qui est également urgent, Dassault Aviation devra s’organiser en conséquence. De même que ses 500 sous-traitants.

Selon diverses sources, la commande indienne s’éleverait entre 3,5 et 4 milliards d’euros. Si on ajoute les contrats signés par l’Égypte (24 Rafale, 1 frégate multimissions, missiles), le niveau des exportations françaises d’armements égale déjà celui constaté en 2014 (qui reste encore à finaliser). Ceux qui prétendaient que la non livraison des deux BPC Mistral à la Russie allait porter atteinte à l’industrie de défense française en sont pour leurs frais…

3- Un pari gagné pour la Loi de programmation militaire

La Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 repose sur plusieurs paris, dont celui de l’exportation du Rafale. Pour maintenir sa ligne de production, Dassault Aviation doit assembler 11 avions par an.

Avec seulement 26 appareils commandés pour les besoins de l’aviation française entre 2014 et 2019, il fallait impérativement en vendre une trentaine à l’étranger. En deux contrats, ce sont donc60 Rafale qui ont été vendus! Et cela permettra de maintenir la ligne de production au-delà de 2020.

4- D’autres clients potentiels pour le Rafale

L’exportation du Rafale ne fait que commencer… Car d’autres pays envisagent de moderniser leur aviation de combat. C’est le cas du Qatar, du Koweit et des Émirats arabes unis. La piste malaisienne semble avoir un peu de plomb dans l’aile, étant donné les difficultés économiques du pays. En outre, Dassault Aviation vise aussi le marché canadien, chasse gardée de ses concurrents américains. Enfin, le constructeur français a une belle carte à jouer en Belgique, où une récente résolution du Parlement invite le gouvernement à « œuvrer pour le renforcement de programmes industriels européens d’équipements militaires » et à « y participer à travers » des industries belges.

5- Non, il n’a pas fallu attendre 30 ans pour exporter le Rafale

C’est la grossière erreur faite par de nombreux médias et autres commentateurs. Le démonstrateur du Rafale a pris son envol en 1986. Il a fallu attendre ensuite 5 ans pour voir le vol inaugural du premier prototype. Et ce n’est qu’au début des années 2000 que l’appareil a participé à son premier appel d’offres. En outre, le Rafale fait l’objet de mises à jour permanentes et bénéficie des dernières évolutions technologiques (radar à antenne active, nouveaux capteurs, etc…). Alors, il est vrai qu’il n’est pas « furtif » comme le F-35 américain. Mais la furtivité est-elle un critère pertinent? Pas sûr…. D’ailleurs, l’US Navy en doute…

6- Pour l’anecdote…

L’Égypte avait été le premier pays à commander des Mirage 2000, au début des années 1980, avant d’être suivi par l’Inde. Trente ans plus tard, il s’est passé la même chose pour le Rafale.

À noter que l’Indian Air Force aura un accent très français puisqu’elle mettra donc en oeuvre des Rafale et des Mirage 2000H modernisés.

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