Ceux de 14 (3) : Le lieutenant Marcel Brindejonc des Moulinais, un pionnier de l’aviation oublié

brindejonc-20141102À la veille de la Première Guerre Mondiale, Marcel Brindejonc des Moulinais était une célébrité. On mesure mal l’engouement de l’époque pour l’aviation. Prendre un vol commercial, de nos jours, est devenu tellement banal que l’on en oublie les exploits réalisés au debut du siècle dernier. Et, par conséquent, ceux qui les ont réalisés.

Né en février 1892 à Plérin, dans les Côtes d’Armor, et fils d’un capitaine d’infanterie, Marcel Brindejonc des Moulinais se passionne très tôt pour tout ce qui est « plus lourd que l’air ». Mais c’est en 1909 que sa vocation se confirme, en assistant à un vol de Santos Dumont.

Une fois bâchelier, avec une licence de mathématiques en poche, le jeune homme emprunte 4.000 francs à sa famille pour acquérir un avion « Demoiselle ». Malgré une santé fragile (une appendicite le fera souffir jusqu’à la fin de sa vie), il s’inscrit à l’école d’aviation de Pau. Il obtient son brevet de pilote civil (n°448) en mars 1911.

Pour rembourser son prêt et gagner sa vie, Marcel Brindejonc de Moulinais multiplie les exhibitions aériennes. Engagé par la suite par l’avionneur Morane-Saulnier en qualité de pilote, il est victime d’un accident dans lequel il aurait pu y laisser sa vie sans un concours de circonstances favorable. Sorti de l’hôpital, il reprend ses activités, cette fois en se concentrant sur les raids aériens.

À l’époque, des prix étaient offerts aux aviateurs qui parcouraient la plus grande distance possible avec leur appareil. Commence alors une série d’exploits pour le jeune aviateur. S’il est alors souvent devancé – sans jamais démérité – dans les différentes courses auxquelles il participe, il remporte, le 10 juin 1913, la Coupe Pommery, qui récompensait les pilotes ayant volé sur la plus grande distance en un jour, en reliant Paris et Varsovie.

Mais Marcel Brindejonc des Moulinais ne s’arrête pas en Pologne : il continue son périple avec son Morane-Saulnier H en faisant le tour des grandes villes européennes : Dwinsk, Saint-Pétersbourg, Reval, Stockhom, Copenhague, La Haye puis Paris (2 juillet). La tournée est triomphale, de même que son retour en France, où, pour son exploit, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur à l’âge de 21 ans, ce qui en fait le plus jeune des titulaires de cette décoration.

Avant ce périple, Marcel Brindejonc des Moulinais s’était fait connaître pour avoir été l’un des premiers aviateurs à être sanctionné pour avoir survolé, en mai 1913, Londres, ce qui venait tout juste d’être interdit par les autorités britanniques! Et cela avait failli lui côuter le trophée Geisler, qu’il avait pourtant brillamment remporté.

Après ses exploits, le jeune pilote doit remplir ses obligations militaires. En octobre, il est incorporé au 1er groupe aéronautique de Versailles en tant que simple soldat (mais simple soldat chevalier de la Légion d’Honneur!) avant d’être réaffecté, avec le galon de caporal, au 2e groupe d’aviation de Lyon.

Quand vient la Première Guerre Mondiale, le caporal Brindejonc des Moulinais est affecté à l’escadrille DO-22, équipée d’une poignée d’avions Dorand DO-1. Les observations qu’il fera au début du mois de septembre seront capitales : il signalera en effet, et au moins à 3 reprises, l’existence d’un trou entre les différents corps d’armée allemand dans la Marne, lequel permettra la contre-offensive victorieuse française. L’aviateur connaît alors une promotion accélérée : il est promu sergent le 3 septembre, puis sous-lieutenant en décembre.

Victime d’une crise d’entérite en 1915, il est contraint au repos. Ne pouvant retrouver ses camarades en première ligne, Marcel Brindejonc des Moulinais est affecté en tant que chef pilote à l’école Morane-Saulnier. Même s’il est dans son élément, il s’impatiente… Et songe même à demander son affectation dans l’infanterie pour retrouver au plus vite le front.

Finalement, il est affecté, en mai 1916, à l’escadrille n°23, qui, commandée par le capitaine Robert de Beauchamp, est équipée de Nieuport 11 / 16 et de 3 Sopwith 1A2 Strutter (des avions britanniques). Cette unité est assez « spéciale » dans la mesure où il lui revient d’effectuer des missions particulières… Comme le bombardement des usines Krupp d’Essen (24 septembre 1916), après avoir modifié deux Sopwith pour les rendre plus légers, où encore celui de Munich (17 novembre).

Mais le plus souvent, l’escadrille n°23 effectue des missions de chasse et de bombardement, ainsi que des vols de reconnaissance. C’est ainsi qu’elle enverra au tapis des ballons d’observation ennemis afin d’aveugler son artillerie dans le secteur de Verdun (mai 1916).

Le 30 juillet 1916, le lieutenant Brindejonc des Moulinais (il a été promu en décembre 1915), remporte sa première victoire aérienne en coopération avec Maxim Lenoir, qui en comptera 11 avant d’être tué, avec son avion portant la devise « Trompe la mort »). Deux jours plus tard, il abat un autre avion allemand, « ridiculeusement surpris », comme il le confiera après.

Malheureusement, le tableau de chasse du jeune officier s’arrêtera là. Le 18 août 1916, il est à son tour abattu par des… Français, qui avaient pris son avion pour un appareil ennemi. Il sera cité – pour la troisième fois – à l’ordre de l’armée à titre posthume. « Officier aussi brave que modeste, incarnant en lui toutes les qualités qui font le héros simple et accompli », dira le texte.

« Brindejonc, c’est l’homme au panache, c’est le symbole léger, vivant, c’est la beauté, l’honneur qui passe très haut, au-dessus de la vie », affirmera le capitaine de Beauchamp.

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