Vers une quatrième armée pour le cyberespace?

defnet-20141006

Des troupes séparatistes, encouragés par Outland, éclatent dans trois pays appelés Inland, Greyland et Rogueland. Les régimes de ces derniers sont soutenus par Blueland et Greenland, qui sont alliés sur le plan militaire mais concurrents au niveau économique et également victimes de cyberespionnage de Farland, qui est un partenaire d’Outland. Voilà une situation qui, si elle paraît compliquée au premier abord, présente bien des similitudes avec des événements récents en Ukraine…

En tout cas, tel a été le contexte géostratégique de DEFNET 2014, le premier exercice de cyberdéfense qui a eu la semaine dernière aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Il a impliqué 3 groupes d’intervention rapides (GIR) et l’activation d’une cellule de crise. Soit au total une soixantaine de participants issus de l’État-major des armées (EMA), de la Délégation Générale de l’Armement, du Centre d’analyse en lutte informatique défensive, de l’armée de Terre, de l’armée de l’Air, de la Marine Nationale et de la DIRISI ainsi que du monde civil (DCI, ACYAN, INTRINSEC).

Le but de l’exercice était donc de contrer les menées d’un groupe hostile mystérieux appelé D4TA/CITIZ3NS en faisant intervenir les 3 GIR pour contrer une attaque visant le système d’information de la base aérienne de Solenzara, un vol de données classifiées chez un fabricant de radar et une tentative de pénétration dans les réseaux militaires alors que les radars ne fonctionnent plus.

Pour déjouer les attaques de la cellule d’animation (qui tenait le rôle du « méchant »), les GIR disposaient une vaste gamme de logiciels leur permettant, par exemple, de surveiller les flux réseaux, de déboguer les systèmes corrompus ou bien encore d’analyser les virus.

Pour le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a posé la première pierre d’un bâtiment d’expertise cyber de haute sécurité de la DGA à Bruz (l’équivalent d’un laboratoire P4 pour l’informatique, selon lui) ce 6 octobre DEFNET 2014 a été le « premier exercice à jouer, de manière coordonnée, le déploiement de trois groupes d’intervention rapide cyber et l’activation d’une cellule de crise dans le cadre des futures formations prévues par le pacte Défense Cyber ».

« Au quotidien, nous constatons que l’espace numérique est devenu une zone de confrontations dont les acteurs sont extrêmement divers, souvent masqués, allant des États aux groupes d’activistes, en passant par les terroristes aux buts les plus barbares. Il faut donc entraîner nos forces armées. Il faut apprendre à opérer dans un contexte de menace informatique, où nous pourrions perdre des systèmes importants au cours d’une action », a fait valoir M. Le Drian, dans son allocution prononcée aux Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan.

« Imaginez simplement un calculateur de tir qui tombe en panne au moment de riposter à un raid d’avions adverses, ou bien la propulsion d’un navire qui ne répondrait plus. Nos forces armées doivent appréhender cette nouvelle donne. Elles doivent – vous devez – vous approprier ce nouvel espace de conflictualité, à la fois pour vous défendre, mais aussi pour y opérer en soutien à nos opérations », a encore insisté le ministre.

Plus tôt, à Bruz, M. Le Drian a même évoqué une « quatrième armée » aux côtés de l’armée de Terre, de la Marine nationale et de l’armée de l’Air. « Je parle de quatrième armée » car « je considère que l’enjeu (de la cybersécurité) est tellement fort, tellement inter-armées, que dans les années qui viennent, ce sera sans doute aussi fort qu’une armée », a-t-il dit, selon les propos rapportés par l’AFP. Des propos à mettre en perspective avec ceux tenus récemment par l’amiral Arnaud Coustillère, officier général Cyberdéfense à l’EMA, lors d’un point presse du ministère de la Défense. « La cyberdéfense est aussi importante que l’apparition des premiers chars et des premiers avions », avait-il dit.

S’agissant du bâtiment d’expertise cyber de haute sécurité de la DGA, son coût est estimé à 30 millions d’euros et s’étendra sur 10.000 m2, « avec des possibilités d’extension qui sont déjà prévues », a indiqué le ministre.

« Nous avons décidé de mobiliser un milliard d’euros sur la période 2014-2019 », a rappelé M. Le Drian, ajoutant que cela « se traduit par le recrutement de chercheurs et d’ingénieurs de haut niveau, 400 au total, dont une partie est déjà réalisée ». Et de poursuivre : « Cela se traduit aussi par ce qu’on appelle la réserve citoyenne cyber, des experts en cybersécurité qui travaillent dans le privé mais qui sont mobilisables », ainsi que par « l’innovation de très haut niveau qui se fait ici ».

D’après le ministre, la cybersécurité représentera « des centaines et des centaines » d’emplois à l’avenir. « C’est la technologie de défense de demain et elle n’est pas uniquement militaire puisque beaucoup d’entreprises sont préoccupées par leur propre sécurité. Il y a là ce que je serais tenté d’appeler un écosystème dual du cyber qui est en train de se mettre en place », a-t-il fait valoir.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]