Le 6 août 1914, le premier officier français tombait au champ d’honneur

drieux-20140806Bien que la guerre n’était pas encore déclarée à la France par l’Allemagne (ce qui sera fait le lendemain), le caporal Jules-André Peugeot, du 44e Régiment d’Infanterie est considéré comme ayant été le premier soldat français tué à l’ennemi de la Première Guerre Mondiale.

Le 2 août, il avait en effet surpris, avec sa compagnie, un peloton de cavaliers ennemis alors en mission de reconnaissance dans les environs du village de Joncherey, au sud du Territoire de Belfort. Au cours de l’accrochage qui suivit, le caporal Peugeot fut mortellement touché, tout comme sous-lieutenant allemand Albert Mayer.

Seulement, pour certains historiens, la caporal Peugeot ne serait pas le premier soldat français tué de la Grande Guerre. Tout simplement parce que cette dernière a commencé le 3 août. Ainsi, selon l’Est Républicain, qui a évoqué les recherches d’un passionné de cette période, il s’agirait de Fortuné Émile du 12e Régiment de Chasseurs, tué le 4 août ou bien du soldat Georges Bigard du 165e Régument d’Infanterie (RI), mortellement blessé quelques heures plus tôt par un tir… ami.

La même source indique que le premier officier français tué serait le sous-lieutenant Paul Honoré, du 26e Bataillon de Chasseurs à pied. Originaire de Roubaix, il a effectivement perdu la vie le 6 août 1914, au signal de Lesménils, alors qu’il venait d’avoir 33 ans.

Sauf que, dans les colonnes de l’Indépendant, cette fois, un autre historien prétend que le premier officier français tué à l’ennemi est le lieutenant Lucien Bedos, du 149e RI.

« Réglementairement, le lieutenant Lucien Bedos, qui était de Rivesaltes et appartenait au 149e régiment d’infanterie, est le premier officier mort, en tout début de guerre, en Lorraine », affirme ainsi Renaud Martinez. « Cependant, on apprend aujourd’hui qu’un autre officier aurait été tué avant lui », a-t-il pris la peine de préciser. Et pour cause, la fiche de cet officier consultée via le site Mémoire des Hommes indique qu’il a été tué le 9 août à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace.

Quoi qu’il en soit, pour le ministère de la Défense, il n’est question d’aucun des deux… En effet, dans le dernier numéro d’Armées d’ajourd’hui, le premier officier mort pour la France de la Grande Guerre est le lieutenant Maurice Drieux, du 16e Bataillon de Chasseurs à pied.

« Alors que les premiers affrontements de la guerre ont lieu dans l’Est, le lieutenant Maurice Dreux est le premier officier tombé au champ d’honneur. Il est mort pour la France, au pied de son quartier, près du village de Labry, à l’ouest de Metz, à deux pas de la frontière », peut-on lire dans le mensuel.

En fait, c’est bel est le sous-lieutenant Paul Honoré qui fut le premier officier à tomber sous les balles ennemies. Pour le savoir, il suffit de consulter les journaux des marches et opérations des régiments de l’époque. Celui du 26e Bataillon de Chasseurs à pied indique laconiquement, pour la journée du 6 août 1914 :

« À 0h40, un petit poste de la 2e compagnie commandée par le sous-lieutenant de réserve Honoré est attaqué sur la pente sud-est du [signal du] Xon, au col de Lesménils. Le sous-lieutenant de réserve Honoré tombe mortellement atteint ».

En revanche, le lieutenant Maurice Drieux est le premier Saint-Cyrien (promotion Sud Oranais, 1902-1904) tombé au champ d’honneur. Le journal des marches et des opérations (JMO) du 16e Bataillon de Chasseurs à pied donne un compte-rendu très précis sur les circonstances de sa mort.

« Le 5 août au soir, des forces ennemies de toutes armes étaient signalées dans la régon d’Hatrize-Bois de Labry. Sur ordre du commandement, la section d’avant poste (lieutenant Drieux) qui tient le débouché nord de Labry est renforcée d’une section pour augmenter la résistance en cas d’attaque et forcer l’ennemi à dévoiler ses forces. Le 6, vers 7h30, 2 compagnies allemandes débouchent d’Hatrize sur Labry. La section du lieutenant Drieux se porte à leur rencontre vers la ferme ‘Le Tremblaye’. Mais la compagnie allemande occupait déjà cette ferme. Le capitaine Wauthier, avec la section de renfort, renforce le lieutenant Drieux. Devant cette menace, l’ennemi se replie sur Valleray et la section Drieux occupe la ferme ‘Le Tremblaye’ et la met en état de défense », indique le document.

Par la suite, après avoir reçu de nouveaux renforts (un peloton en plus), le capitaine Wauthier ordonne à deux sections de se porter vers Hatrize et la ferme du Tremblais (Tremblaye dans le JMO).

Au moment où la section du lieutenant Drieux sort de la ferme, l’ennemi, caché « dans les blés et dans la dépression du terrain à l’ouest d’Hatrize » ouvre un feu nourri à 200 mètres. Le JMO du bataillon raconte : « Le lieutenant Drieux rampant pour se rapprocher du capitaine Wauthier près de la route est mortellement blessé. Le capitaine Wauthier, voulant se porter vers lui, est grièvement blessé à la tête. Le chef de fanfare Weys, à 400 mètres en arrière avec les brancardiers, est grièvement atteint. Des sections ennemies ayant exécuté un mouvement tournant (…) prend la chaîne d’enfilade. Le capitaine Wauthier, malgré sa blessure, donne l’ordre de retraite. Le lieutenant Decrouez qui a pris le commandement est blessé à son tour. Néanmoins, la retraite se fait sans affolement malgré les pertes et le feu violent de l’ennemi. L’ennemi ne poursuit pas, les blessés transportables sont ramenés et soignés à Labry ».

S’il souligne la « conduite admirable digne des plus grands éloges » des officiers, gradés et chasseurs, le JMO ne manque de déplorer l’absence de reconnaissance préalable avant le début de l’assaut. Au total, le 16e BCP déplorera, au soir de ce 6 août, 22 tués, 18 blessés et 41 « tombés au pouvoir de l’ennemi ou disparus au combat ».

Plus tard, pour sa conduite au feu, le lieutenant Drieux sera cité à l’ordre de l’armée, avec cette mention : « Le 6 août 1914, attaqué par un ennemi très supérieur en nombre, n’a pas hésiter à le charger à la baïonnette, blessé, a refusé de se laisser emporter et a été frappé mortellement quelques instants après ».

Photo : Le lieutenant Maurice Drieux, via La Saint-Cyrienne

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