Le président russe veut des « preuves convaincantes » pour soutenir une éventuelle action militaire contre le régime syrien

Le président russe, Vladimir Poutine, serait-il prêt à lâcher le régime de Bachar el-Assad si ce dernier est coupable d’avoir utilisé des armes chimiques? C’est du moins ce qu’il a laissé entendre lors d’un entretien accordé à l’agence de presse AP et à la chaîne Perviy Kanal, ce 4 septembre. Mieux même : il a affirmé que la Russie serait prête à agir « résolument » si tel était le cas, quitte à soutenir une intervention militaire conduite par les Etats-Unis.

Et, dans le même temps, et sans en donner la raison, Vladimir Poutine a fait savoir que la livraison des systèmes de défense aérienne S-300 destinés à la Syrie avait été suspendue.

Est-ce là une inflexion de la position du maître du Kremlin à l’égard du dossier syrien? Pas vraiment. Le report de la livraison des S-300 à la Syrie avait déjà été annoncé par Moscou en juin dernier. Et le président Poutine a posé des conditions pour que la Russie puisse éventuellement revoir ses options. C’est à dire que les preuves établissant la responsabilité du régime de Damas dans l’usage d’armes chimiques devront être « convaincantes. » Et celles apportées par les services américains et français ne l’ont jusque-là pas été aux yeux des responsables russes.

« Pour nous convaincre, il faut nous présenter une étude approfondie du problème et l’existence de preuves évidentes permettant d’identifier ceux qui ont utilisé des armes chimiques ainsi que la nature des armes employées. Après cela, nous serons prêts à agir de la façon la plus résolue et la plus sérieuse possible », a en effet expliqué le président Poutine. Dans le cas contraire, une opération militaire menée contre la Syrie et sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU serait vue comme une « agression » par Moscou.

« Si le Congrès américain qui examine l’autorisation d’un recours à la force contre le régime de Damas donnait son feu vert à des frappes, les Etats-Unis autoriseraient une agression, car tout ce qui se fait en dehors du Conseil de sécurité de l’ONU est une agression, à l’exception de l’autodéfense », a encore précisé le président Poutine, plus tard, devant les membres du conseil des droits de l’homme au Kremlin. « Mais la Syrie, comme on sait, n’attaque pas les Etats-Unis, il ne peut donc être question de défense », a-t-il ajouté.

En clair, il faudra aux Etats-Unis et à la France apporter des éléments plus probants que ceux jusqu’ici avancés pour accuser le régime de Bachar el-Assad d’avoir utilisé des armes chimiques. Et, manifestement, les informations des services de renseignement français rendues publiques le 2 septembre par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n’ont pas convaincu l’ensemble des responsables parlementaires qui en ont eu la primeur.

Cette note de « synthèse » compile en fait un faisceau de présomptions qui ne laissent aucun doute au sujet de l’usage de gaz neuro-toxiques par Damas. Seulement, elle passe un peu trop vite sur certaines affirmations, comme sur l’incapacité de la rébellion syrienne à mettre en oeuvre des armes chimiques. Du moins n’explique-t-elle pas pourquoi les rebelles n’en ont effectivement pas les moyens. De quoi prêter le flanc aux critiques…

« Ce qui a été rendu public, ce n’est pas une note des renseignements. C’est une note de Matignon qui a été faite par le cabinet d’Ayrault et qui rassemble probablement des éléments donnés par différents services de renseignements mais également  par les alliés, les étrangers », a ainsi affirmé, à TV5, Eric Dénécé, le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), lequel s’était déjà montré critique lors de l’affaire libyenne. « L’équipe d’Ayrault et de Matignon qui a rédigé cette note n’a pris dans les  rapports qui leur ont été transmis que les éléments à charge. Dans tous ce qu’ils ont reçu comme papiers, il y avait peut-être des éléments qui disaient le contraire. Ils n’ont retenu que ce qui les interroge pour influencer l’opinion et les parlementaires », a-t-il poursuivi.

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