Le Gripen a un sérieux coup dans l’aile en Suisse

En décembre dernier, soit quelques jours après la sélection par Berne du Gripen aux dépens du Rafale et de l’Eurofighter, un quotidien suisse, une enquête avait été ouverte au sujet de la divulgation par le quotidien Basel Zeitung d’éléments contenus dans deux rapports d’évaluation selon lesquels l’avion suédois ne remplirait pas les spécifications requises par les forces aériennes suisses.

Les deux rapports en question ont depuis été mis en circulation. Et en effet, leurs évaluations sont sans appel pour le Gripen, qui, même en étant amélioré sur 98 points, resterait « incapable d’atteindre les capacités minimales pour tous les types de missions examinées ». Et en particulier celle consistant à assurer la police du ciel, la seule que les aviateurs suisses sont absolument certains d’avoir à mener, et qui est essentielle pour un pays qui entend protéger son espace aérien.

Ainsi, selon le système de notation adopté par Armasuisse pour évaluer les trois appareils en compétition, le Gripen E/F n’a obtenu que 5,33 sur 10 pour la mission « police du ciel » alors que le niveau requis était de 6,0 points, l’avion le plus performant sur ce segment étant le Rafale (6,98) suivi de l’Eurofighter (6,48).

Même chose pour les missions anti-aérienne et d’exclusion de l’espace aérien. Au total, l’avion suédois obtient une note de 5,62, en raison de la faiblesse de son rayon d’action, de ses moyens de détection et de sa survabibilité. « La probabilité que le Gripen MS21 se révèle incapable de mener à bien des missions de DCA est significative » et son « efficacité globale (…) reste insuffisante pour remporter la supériorité aérienne lors des menaces futures, au-delà de 2015 » estime le rapport, qui a placé le Rafale largement en tête de ses concurrents, avec une moyenne de 7,41 points, contre 6,54 points pour l’Eurofighter.

Pourtant, le ministre suisse de la Défense, Ueli Maurer, avait affirmé que le Gripen satisfaisait « les exigences militaires helvétiques ». Ce que conteste donc ces rapports désormais rendus publics. Et le fait de savoir comment l’avion du constructeur Saab a pu être ainsi repêché est un mystère…

Qui plus est, Ueli Maurer n’aurait pas lu les documents en question au moment du choix de l’appareil destiné à remplacer les F-5 suisses. C’est ce qu’a indiqué sur les ondes de la radio publique suisse Silvia Steidle, la porte-parole du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), lequel va maintenant voir « quel poids donner à ces rapports dans le processus d’évaluation ».

Selon la presse suisse, il est question « d’écoeurement » chez Armassuisse, la structure qui avait été chargée des évaluations des trois avions concurrents. Des responsables ont manifesté leur impatience d’aller s’expliquer devant les parlementaires.

Déjà que le choix de l’avion suédois ne faisait pas l’unanimité en Suisse, la publication de ces rapports cause un sérieux malaise… « C’est grave. S’il n’y a pas d’éléments nouveaux, je vois mal comment on pourrait acheter le Gripen » a ainsi déclaré le parlementaire démocrate-chrétien Jean-René Fournier, dans les colonnes du Matin Dimanche. Il devrait proposer que la Commission de la politique de la sécurité du Conseil des Etats dont il est membre s’associe à l’enquête ouverte après la diffusion d’une lettre anonyme par la sous-commission du Conseil National (chambre basse du Parlement) au sujet des conditions d’attribution du contrat à Saab.

« On a l’impression qu’Ueli Maurer veut nous balader. Il nous propose d’acheter une 2 CV au prix d’une Porsche » a commenté, dans le même journal, l’élu écologiste Luc Recordon. Et le prix avait été l’un des arguments, si ce n’est le principal, avancé par Ueli Maurer pour justifier le choix du Gripen, alors que, selon Dassault Aviation, l’achat de 18 Rafale au lieu de 22 avions, aurait été économiquement plus avantageux pour les finances suisses.

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