Des amiraux britanniques en retraite s’élèvent contre la baisse des dépenses militaires

En France, en 2008, l’encre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale était à peine sèche qu’un groupe d’officiers de « haut-rang » publièrent, sous le nom de Surcouf, une critique acerbe des nouvelles orientations recommandées par le gouvernement en matière de politique militaire.

Outre-Manche, les critiques d’officiers de haut rang ont été un peu plus longues à émerger. Ainsi, plus de deux semaines après l’annonce des mesures prises pour « réformer » l’armée britannique, laquelle devra faire avec un budget amputé de 8% pour les cinq prochaines années, un groupe de cinq amiraux en retraite de la Royal Navy ont pris la plume pour dire tout le mal qu’ils pensaient de la politique de défense décidée par le gouvernement conduit par le conservateur David Cameron.

Même si elle a pu sauver son programme de sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Astute et l’un de ses futurs porte-avions (le HMS Queen Elizabeth ne devrait pas porter ses couleurs), la Royal Navy va être contrainte de réduire son format, avec seulement 19 frégates et destroyers. Quant à son porte-aéronefs, le HMS Ark Royal, il a été décidé de le retirer immédiatement du service, de même que les avions STOVL Harrier. Et pour les amiraux en retraite, cela n’est pas acceptable.

« Nous pensons que le Premier ministre britannique a été mal conseillé quand il a abandonné les avions de combat Harrier et le HMS Ark Royal » ont-ils (*) ainsi écrit dans la lettre ouverte adressée à David Cameron et publiée par The Times.

« La décision d’abandonner les avions de combat Harrier est stratégiquement et financièrement illogique » ont-ils également avancé pour justifier leurs critiques. Et pour eux, « pour les dix prochaines années », c’est une invitation faite à « l’Argentine de nous infliger une humiliation nationale comparable à la perte de Singapour, dont le prestige britannique (…) ne se remettra jamais » ont-ils poursuivi, en évoquant le sort possible des îles Falklands (Malouines).

La référence à la bataille Singapour (hiver 1942) n’est pas anodine puisque Winston Churchill la qualifiera de « pire désastre » de l’histoire de la Grande-Bretagne. Ces combats furent les derniers de la campagne de Malaisie, menée par le Japon. Le bilan parle de lui même puisque plus de 138.000 militaires combattants sous les couleurs britanniques furent tués ou faits prisonniers.

L’armée japonaise s’empara de Singapour avec 36.000 hommes contre 85.000. La raison de ce désastre a été attribuée en grande partie par l’insuffusance des moyens britanniques, notamment en matière d’avions (une dizaine de chasseurs Hurricane seulement) et de blindés.

Cela étant, la crainte de ces amiraux est de voir l’Argentine lorgner à nouveau sur les îles Falklands et de se lancer dans une nouvelle aventure militaire. Ces dernières sont passées sous domination britannique en 1833 et elles ont fait l’objet d’un conflit de 74 jours entre Londres et Buenos Aires en 1982. La question de ce territoires est toujours un sujet de tension entre les deux pays, d’autant plus que la région s’est révélée riche en pétrole. Si l’exploitation de cet or noir n’a pas pu être faite il y a quelques années, l’augmentation du prix du baril la rend nettement plus attractive.

Pour autant, le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, a estimé que les auteurs de cette ouverte à David Cameron faisaient fausse route. « Il n’est pas vrai de dire que l’abandon des Harrier aura des conséquences sur notre capacité à défendre nos territoires dans l’Atlantique-Sud » a-t-il fait valoir. « Nous avons une plus grande présence qu’auparavant, capable de répondre à n’importe quelle menace » a-t-il ajouté. Les îles Falklands sont actuellement défendues par 4 Eurofighter Typhoon, 500 Royal Marines et au moins un sous-marin nucléaire d’attaque.

Cela pourrait-il être suffisant dans le cas d’une attaque décidée par Buenos Aires? Et est-ce que le nouveau format de ses forces armées permettra à Londres de les reprendre comme en 1982 le cas échéant? Pour le moment, une telle éventualité ne semble pas être d’actualité.

Pour cela, il faudrait que l’armée argentine soit en mesure de planifier une telle opération et surtout de la réussir. Pour l’instant, l’on peut avoir quelques doutes à ce sujet. Et ses matériels sont anciens (quelques Mirage III, par exemple, dont la maintenance doit être bien compliquée). Et puis il n’est pas certain que le pouvoir argentin se mette à dos la communauté internationale – et surtout les marchés – alors que le pays doit régler une dette abyssale. Enfin, l’Argentine de Cristina Kirchner n’est pas celle du général Galtieri, ce qui fait quand même une différence de taille.

(*) Les amiraux Lord West et Sir Julian Oswald, les vice-amiraux Sir Jeremy Blackham et John McAnally, ainsi que le major général Julian Thompson.

Photo : Le HMS Sheffield, victime d’un missile Exocet tiré par un Super Etendard argentin

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