Les capacités des soldats afghans sont surévaluées
La formation de l’armée nationale afghane est une des clés d’un éventuel retrait d’Afghanistan des troupes de l’Otan à partir de l’été 2011. Le 7 juin, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, a rappelé, lors d’une conférence de presse, que l’objectif reste de porter les effectifs des forces afghanes à 134.000 hommes, ce qui devrait être fait « trois mois avant la date prévue ».
Au total, il s’agit de former 240.000 soldats afghans d’ici à 2014, afin que le gouvernement de Kaboul puisse imposer, seul, son autorité à l’ensemble du pays. Et pour y arriver, les Etats-Unis ne lésinent pas sur les moyens : ils ont déjà alloué plus de 25 milliards de dollars pour cela (équipements compris).
Seulement voilà, tout n’est pas aussi simple. Selon un rapport américain, cité par le Financial Times du 7 juin, les capacités des soldats afghans sont surévaluées depuis 2005. La faute en revient au système d’évaluation utilisé jusqu’en avril dernier, qui ne « donne pas une image claire de la préparation réélle des forces nationales afghanes », d’après les propos tenus au quotidien par le colonel Dennis Devery, le directeur adjoint du bureau en charge de l’évaluation des unités afghanes.
Bien évidemment, cela pose des questions sur la qualité réelle des unités afghanes nouvellement créées. Ainsi, le rapport souligne que sur les 22 jugées aptes au combat en mai 2009, aucune d’entre elles ne l’étaient en 2008.
Pour remédier à ce déficit d’évaluation, un nouveau système, basé sur des résultats obtenus sur le terrain, a été mis en place en avril dernier, sous l’impulsion du général McChrystal, le chef de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), sous commandement de l’Otan.
Cela étant, ce rapport confirme plusieurs échos récents. Ainsi, le magazine Time a récemment évoqué les difficultés rencontrées pour mettre en place cette armée afghanes.
Les instructeurs de l’Otan doivent faire avec l’illetrisme des recrues (90% d’entre elles sont incapables de lire le manuel de leur fusil d’assaut), un fort taux de désertion, quoiqu’en baisse après l’augmentation des soldes, et les rivalités à la fois éthniques et générationnelles. Sans compter le comportement de certains officiers, qui n’hésitent pas à faire les poches de leurs hommes, lesquels ensuite rackettent les civils.
En plus de ça, des armes données aux forces de sécurité afghanes se retrouvent entre les mains des insurgés. En 2008, il était en effet apparu que des soldats américains avaient été tués par des balles tirées par des AMD-65, une arme d’origine hongroise, uniquement en dotation dans la police afghane. Plus généralement, la trace de 135.000 armes légères données aux forces afghanes par l’Otan aurait été perdue. Idem pour les 10.000 du pistolet Walther P1, offerts par l’Allemagne en 2006 : au moins une centaine circuleraient au marché noir…
Autre donnée qui peut donner un doute quant à l’avenir : le faible taux de recrues pachtounes, qui est de 3% des effectifs. Or, il se trouve que cette éthnie est majoritaire dans le pays, et que les taliban en sont, dans leur très grande majorité, issus. Ce sera donc compliqué pour l’armée afghane de se faire accepter dans le sud du pays…
Le colonel Michel Goya, directeur du domaine « Etude des nouveaux conflits » à l’IRSEM, avait déjà, en novembre 2009, pointé les insuffisances de la formation délivrée aux soldats afghans dans un document intitulé « Impressions de Kaboul ».
« Au total, l’ensemble du système de formation de l’armée afghane apparaît comme une machine à faible rendement alors que la ressource locale, imprégnée de culture guerrière, est de qualité. On ne permet pas aux afghans de combattre à leur manière, en petites bandes très agressives (c’est à dire comme les reblles que nous avons en face de nous) tout ayant du mal à les faire manoeuvrer à l’occidentale » écrivait-il alors.