Avions ravitailleurs de l’US Air Force : Hervé Morin s’en mêle

Un contrat de 35 milliards de dollars pour livrer 179 avions ravitailleurs pour remplacer l’actuelle flotte obsolète des KC-135 de l’US Air Force. Voilà l’enjeu qui oppose depuis maintenant plusieurs années Boeing et Northrop-Grumman, associé au groupe européen EADS.

Attribué une première fois à Boeing, puis remis en jeu après la mise au jour de pratiques frauduleuses, le marché avait été remporté, en mars 2008,  par le KC-45 (en fait, l’A-330 MRTT pour les Etats-Unis), proposé par Northrop et EADS, avant d’être une nouvelle fois annulé par le Government Accountability Office (GAO), l’équivalent américain de la Cour des comptes française pour une raison de procédure.

D’où le lancement d’un nouvel appel d’offres pour l’acquisition urgente d’avions ravitailleurs. Seulement, les dirigeants d’EADS et de Northrop se sont plusieurs fois inquiétés d’être défavorisés par rapport à leur concurrent. En effet, le Pentagone aurait communiqué à Boeing des informations sur leur offre. D’où la menace qu’ils ont laissé planer de se retirer d’une compétition où les dés seraient pipés.

Cet appel d’offres dépasse les aspects techniques puisqu’il a aussi une portée politique. Lors de la victoire annoncée du KC-45, les réactions hostiles à la décision du Pentagone ne manquèrent pas d’autant plus que les Etats-Unis étaient en période électorale. Qu’un appareil de conception européenne puisse équiper l’US Air Force semblait alors inconcevable chez certains, qui passaient jusqu’alors pour des défenseurs du libre commerce.

Cependant, EADS et Northrop n’ont pas que des adversaires outre-Atlantique. Et cela pour une raison simple : le KC-45, s’il est choisi par le Pentagone, sera fabriqué aux Etats-Unis, notamment en Alabama. Inutile de préciser les retombées économiques que cet Etat peut espérer le cas échéant. Aussi, le sénateur républicain Richard Shelby, qui en est l’élu, ne ménage pas sa peine en sa faveur.

Déjà auteur d’une lettre envoyée en octobre dernier au secrétaire à la Défense, Robert Gates, et dans laquelle il dénonçait « la trop grande attention au fait que le prix le plus bas devait gagner, sans considérations pour les capacités offertes », ce parlementaire, qui siège à la commission bancaire du Sénat, a décidé de bloquer environ 70 nominations du président Obama pour exprimer son mécontentement face à la tournure prise par cet appel d’offres.

« Le sénateur Shelby retient toutes les nominations du président actuellement en instance » a fait savoir Regan Lachapelle, une porte-parole de la majorité démocrate. Le sénateur a en fait utilisé une procédure parlementaire qui permet de mettre en attente les candidatures des nommés avant qu’elles soient confirmés par le Sénat. Du coup, pour que le processus aboutisse, la majorité devra réunir 60 voix sur 100 pour obtenir l’approbation des personnalités nommées par la Maison Blanche.

L’attitude de Richard Shelby ne lui vaut pas que des amis. « S’il est un exemple de ce qui va mal dans cette ville, c’est peut-être le fait qu’un sénateur puisse bloquer 70 personnes qualifiées pour mieux faire fonctionner le gouvernement, parce qu’il n’a pas eu ses subventions » a déclaré le porte-parole de la président américaine. « J’ai bien peur qu’il n’y ait pas de meilleur exemple de stupidité dans toute l’année 2010 » a-t-il ajouté.

Cela étant, la question de l’équité dans le traitement des concurrents pour cet appel d’offres a été évoquée lors du passage du secrétaire américain à la Défense à Paris, ce 8 février. « J’ai eu l’occasion de rappeller à  mon ami Robert Gates que lorsqu’on était un pays défendant l’économie de marché, ça ne pouvait pas se faire à sens unique » a déclaré son homologue français, Hervé Morin, à l’occasion d’une conférence de presse commune.

« Nous espérons bien que sur le grand programme des ravitailleurs américain, l’économie de marché jouera à plein » a-t-il encore insisté, en espérant qu’EADS bénéficierait de « conditions d’égale concurrence » face à Boeing.

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