Quand l’armée de l’Air fait de l’aménagement du territoire

Le président Sarkozy l’a dit et répété : « l’armée n’a pas vocation à faire de l’aménagement du territoire ». Si l’on considère que les implantations militaires doivent obéir à une logique opérationnelle et rationnelle, l’on ne peut que lui donner raison. D’ailleurs, cette antienne a servi à justifier la réforme de la carte militaire. Comprenez la fermeture de casernes et de bases aériennes dont la localisation n’avait pas été jugée des plus pertinentes.

Lors des arbitrages pour la refonte de cette carte militaire, il avait été question de fermer les bases de Dijon et de Luxeuil. Seulement voilà, la première a un lien historique avec l’armée de l’Air. D’ailleurs, elle porte le nom d’une de ses figures mythiques, à savoir le capitaine Guynemer, un héros des temps héroïques de l’aviation en 1914-1918. Et puis Dijon, c’est l’antre de l’escadron de chasse 1/2 Cigognes. Tout aussi mythique.

Et puis aussi et surtout, il aurait été trop coûteux de déménager les archives de l’armée de l’Air qui sont actuellement stockées sur la base aérienne Dijon. Du moins, c’est un des bruits qui couraient lors des discussions concernant son avenir. Du coup, décision a été prise de la conserver.  Qu’elle soit située dans un département dirigé par un élu appartenant au Nouveau Centre, le parti du ministre de la Défense, n’a sans doute pas autant compté que certains le disent, la ville de Dijon étant administrée par un élu socialiste de premier plan, en la personne de François Rebsamen.

Quant à la base de Luxeuil, rien ne pouvait justifier son maintien : ses Mirage 2000-N des escadrons Dauphiné et La Fayette étaient appelés à disparaître, compte tenu de l’annonce de la réduction de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française. Désormais, seuls deux sites allaient être concernés par la force de frappe : Saint-Dizier et ses Rafale et Istres, avec le 3/4 Limousin.

Seulement, la base de Luxeuil a été maintenue. Pour des raisons d’aménagement du territoire justement. Le départ des aviateurs aurait eu des conséquences désastreuses sur la vie économique de la région, la BA 116 concernant près de 2.000 emplois. Et puis, les mauvais esprits y ont vu le fait que la Haute-Saône est le département dont est élu Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie. Une relation de cause à effet. Peut-être. Ou peut-être pas.

Toujours est-il que les deux bases menacées ont finalement été conservées. Et comme une base sans avions perdue au milieu de nulle part, c’est un peu comme une valise sans poignée, le ministre de la Défense Hervé Morin, a annoncé, ce 8 février, que les Mirage 2000-5 de Dijon iraient aménager le territoire sur la base de Luxeuil. En contrepartie, celle de Dijon allait recevoir l’état-major de la force aérienne de combat, l’escadron de transport et d’entraînement ainsi que d’autres unités et services venus de la base 128 de Metz-Frecaty, l’une des plus importantes de l’armée de l’Air.

Seulement, la dissolution annoncée de la base aérienne de Metz n’a pas réjouit les élus locaux. D’autant plus que la ville a été l’une des grands perdantes de la refonte de la carte militaire, avec le départ programmé d’autres unités présentes dans ses environs. Du coup, pour compenser, il a été décidé d’y faire venir le 3e Régiment de Hussards, actuellement en garnison à Immendingen, en Allemagne.

Bien évidemment, déshabiller Pierre pour habiller Jacques, ce n’est sous doute pas ce que l’on appelle faire de l’aménagement du territoire. Encore une fois, il n’y a rien à redire à la rationalisation des implantations militaires. Encore faudrait-il que ce qui est valable pour les uns le soit pour les autres. Et il n’est pas certain que ce  chambardement d’unités entre bases aériennes, dont on a du mal à voir la finalité, soit très pertinent sur le plan comptable. Au moins, cela donnera toujours du travail aux déménageurs.

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