A400M : la France prête à payer

Le sort du futur avion de transport A400M devrait se jouer les 4 et 5 février prochains, lors de la réunion des ministres de la Défense des sept pays clients de l’appareil, dans le cadre du sommet de l’Otan qui se tiendra à Istambul (Turquie). Initialement, cette rencontre aurait dû avoir lieu le 20 janvier. Mais elle a été reportée officiellement pour des raisons d’agenda.

Cela étant, il est certain que ce sursis sera mis à profit pour tenter de trouver une solution pour la prise en charge des 5 milliards d’euros de surcoûts – voire même 11 milliards – générés par ce programme, qui accuse par ailleurs au moins trois ans de retard par rapport à l’échéancier de départ, fixé au moment de la signature du contrat en 2003.

Pour EADS, dont la filiale Airbus Military assure le développement de l’A400M, il n’est pas question de supporter seul l’intégralité de cette somme. Ce programme lui coûte de 100 à 150 millions d’euros par mois mais, dans le même temps, il doit faire face à un rapport euro/dollar pénalisant, ainsi qu’à une concurrence de plus en plus acharnée sur le marché de l’aviation civile.

« Nous autofinançons le développement du programme jusqu’à mi-2010. Nous ne le financerons plus au-delà de cette date. Nous ne pouvons pas continuer sans contribution financière de nos clients » a averti Louis Gallois le patron du groupe européen. D’où la pression mise par EADS et d’Airbus en brandissant la menace d’abandonner purement et simplement l’A400M, et avec, la promesse de générer 40.000 emplois, ce qui, en période de crise économique, est loin d’être négligeable.

L’arrêt de l’A400M serait cependant préjudiciable pour EADS et Airbus. D’une part, le groupe n’échapperait pas aux pénalités financières que ne manqueront pas de faire valoir les pays clients de l’appareil et sa réputation en prendrait un coup . Et d’autre part, cela laisserait le champ libre aux concurrents américains. Ces derniers, Boeing et son C17 et Lockheed-Martin avec son C-130J Hercules, n’attendent d’ailleurs que cela.

« Comme l’A400M semble s’éclipser, cela présente en effet quelques occasions, à l’international, pour le C17. C’est un facteur important pour nous » a ainsi déclaré Dennis Muilenburg, le patron de la branche Défense et Sécurité de Boeing, le 11 janvier.

Cette perspective n’enchante guère le ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui a indiqué, le 13 janvier à l’Assemblée nationale, que la France ferait « tout pour sauver » l’A400M étant donné qu’il « s’agit d’un programme majeur pour l’industrie européenne de défense » et que « c’est le programme phare de ce que peut représenter la volonté de produire des programmes communs ».

Autrement dit, l’enjeu que représente l’A400M dépasse les logiques comptables. « Derrière les problématiques industrielles et de l’emploi, il y a le fait que les Européens puissent construire un avion de transport militaire et qu’ils ne deviennent pas simplement des clients du seul industriel qui resterait » a renchérit Hervé Morin sur les ondes de RFI, ce 14 janvier. D’où la conclusion logique : « le fait de porter une partie des surcoûts ne dérange pas » le ministre. Ce qui n’est pas le cas de son homologue allemand, qui affirmé vouloir s’en tenir au contrat initial, c’est à dire 180 avions (60 pour l’Allemagne) pour 20 milliards d’euros.

Comme il n’est guère probable qu’EADS prenne en charge la totalité des surcoûts et que certains pays refuseront d’accorder une rallonge financière, on peut imaginer que des clients acceptent le principe d’une hausse unitaire de chaque appareil en revoyant à la baisse le nombre commandé. En clair, ils auraient moins d’appareils pour la même somme. Libre à eux, ensuite, d’en acheter d’autres ultérieurement. Une autre possibilité serait d’étaler les livraisons, afin de lisser les coûts dans le temps.

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